9 février 2021

Temps de lecture : 4 min

GQ se relance et questionne la masculinité

Le mensuel masculin du groupe Condé Nast se réinvente. Olivier Lalanne, rédacteur en chef de GQ, explique les ressorts d’une nouvelle formule qui questionne ce que c’est qu’être un homme. Le magazine invite ses lecteurs à se libérer des injonctions culturelles et du poids de l’éducation.

GQ s’apprête à fêter ses 13 ans et veut (déjà) faire sa révolution ! Il faut dire que les temps ont changé et qu’en pleine effervescence féministe ou face à la vague #MeToo, les hommes sont challengés de toutes parts. Pour d’autres raisons, la presse aussi… « Lors de son lancement, en 2008, GQ avait la particularité d’être un masculin généraliste. Aujourd’hui, ce type d’information se trouve partout. Le succès se situe plutôt du côté des magazines spécialisés, alors que GQ est par essence tout le contraire. La nouvelle formule, mise au point en moins de trois mois et parue mardi 2 février 2021, visait à construire un magazine qui respecte ses fondamentaux, tout en s’adaptant à une masculinité en mouvement », explique Olivier Lalanne, son rédacteur en chef depuis juillet 2020. Les questionnements autour du masculin et des codes de la virilité traversant toutes les classes d’âge, il a ciblé un type de lecteur plutôt qu’une génération bien particulière : « un profil d’homme éduqué, qui se pose des questions, va revoir son interaction aux autres et aux femmes. » Avec le secret espoir que cette remise en question conduise les hommes « sur le chemin de l’émancipation et de la libération ».

On ne naît pas homme, on le devient

Convaincu que « la masculinité, ça s’apprend », le masculin du groupe Condé Nast (Vogue Paris, Vogue Hommes, Vanity Fair, AD Magazine…) multiplie les témoignages issus du monde de la culture, de la politique, du sport, de l’entreprise… Le cœur du magazine est constitué d’une sélection de reportages, portraits, enquêtes et rencontres avec des personnalités : l’historien et écrivain Ivan Jablonka, qui donne quelques clés aux quadras paumés, ou le journaliste Dominique Rizet (Faites entrer l’accusé)… Le numéro de la relance s’est interrogé sur ceux qui incarnent aujourd’hui le style français et met à l’honneur trois hommes très différents : le créateur de mode Simon Porte Jacquemus, que toutes les grandes maisons de luxe convoitent, le jeune rappeur Ichon, et l’acteur et réalisateur Roschdy Zem, président de la prochaine cérémonie des César. « Ils représentent des parcours différents et complémentaires, mais trois profils d’hommes travaillés par ces questions autour d’une masculinité qui bouge. Leurs témoignages vont pouvoir rassurer certains hommes, les faire réfléchir… », note Olivier Lalanne. A défaut d’avoir pu choisir entre ces trois personnalités dans la short list qui se dessinait, ce numéro est édité avec trois couvertures. A chacun (et chacune) de faire son choix !

Calinothérapie et second degré

En début et en fin de magazine, deux autres sections ont été malicieusement baptisées « Sois beau et plais-toi » et « Aire de Je ». « Les hommes sont malmenés, alors on leur propose un peu de calinothérapie second degré », reconnait le rédacteur en chef. L’ouverture du magazine est aussi l’occasion de remettre en avant les talents de la mode, un peu laissés sur le bord de la route au fil des ans. « Dans les attentes des lecteurs, la mode arrive en premier. Il fallait donc lui redonner une place de choix, plus sous la forme d’une séance de style que de mode, dans une approche assez pratique pour savoir comment se mettre en scène », précise celui qui est aussi rédacteur en chef de Vogue Hommes depuis 15 ans. Par exemple avec un blazer que « tout homme de style devrait avoir dans son vestiaire » (sic) ! Axée sur la consommation et le plaisir, « Aire de Je » traitera de manière aléatoire tout ce qui tourne autour des centres d’intérêt des hommes et des marques envers cette clientèle masculine. Dans ce numéro, parfums, montres, cyber technologie et autre home audio précèdent un « clap de faim » autour d’un pithiviers « fantasque », signé du chef triplement étoilé Kei Kobayashi.

Endiguer l’hémorragie des ventes

La maquette a été repensée par le Studio Lenthal, fondé par le directeur artistique Thomas Lenthal, qui a travaillé pour différentes marques de luxe, cofondé les magazines Numéro et System, lancé la revue Paradis… La typo ne joue plus que sur le noir et blanc pour mettre en valeurs les visuels. La refonte du print doit surtout aider le magazine à juguler l’hémorragie des ventes et éloigner le spectre de la fermeture. Lancée en février 2008, l’édition française de GQ avait pourtant connu des débuts très favorables. Sa diffusion France payée (DFP) avait progressé jusqu’au pic de 99 499 exemplaires en 2015 (source OJD, devenu ACPM), avant de baisser d’année en année pour atteindre 48 455 exemplaires de DFP sur la période 2019-2020. « Si le magazine est fragile, le site est puissant avec 7,5 millions de visiteurs uniques en France sur la fin d’année 2020 (source Google Analytics). C’est d’ailleurs l’audience la plus forte dans le monde pour une édition domestique de GQ, hors Etats-Unis », précise Olivier Lalanne. La France a aussi été pilote sur l’offre d’abonnement numérique, déployée à la rentrée 2020 sous la forme d’une nouvelle application mobile. L’abonné bénéficie de contenus exclusifs (articles, podcasts, événements, masterclasses, magazine digital enrichi…) autour de 3 thématiques : mode et style, bien-être, food et lifestyle. Si les revenus publicitaires ont souffert, le numéro de la nouvelle formule a vu revenir plusieurs marques qui l’avaient un temps déserté : Hermès, John Lobb, Prada… Le tout sur une simple promesse éditoriale, puisque les délais impartis n’ont pas permis de présenter de numéro zéro au marché… « Les marques attendent que GQ les surprenne. C’est bien ce que nous comptons faire ! », assure-t-il.

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