25 août 2016

Temps de lecture : 3 min

2016, année du jeu pervasif ?

Pokémon Go déferle depuis quelques semaines à travers le globe et Niantic, son entreprise conceptrice multiplie les mises à jour et lancements dans de nouveaux pays. Cependant, bien que cette expérience nouvelle défraie la chronique, elle s’inscrit pleinement dans la récente mais prolixe histoire des jeux pervasifs. L’occasion de faire connaissance avec ces jeux à la croisée de plusieurs disciplines.

Pokémon Go déferle depuis quelques semaines à travers le globe et Niantic, son entreprise conceptrice, multiplie les mises à jour et lancements dans de nouveaux pays. Cependant, bien que cette expérience nouvelle défraie la chronique, elle s’inscrit pleinement dans la récente mais prolixe histoire des jeux pervasifs. L’occasion de faire connaissance avec ces jeux à la croisée de plusieurs disciplines.

Le jeu pervasif émerge doucement depuis le début des années 2000, prenant son essor vis-à-vis de jeux plus classiques (jeux de société, jeux de rôle, jeux collectifs, jeux vidéo) dans sa définition et son mode de jeu. Ainsi, tel qu’expliqué par l’historien néerlandais Johan Huizinga (notamment auteur de l’ouvrage Homo Ludens – Essai sur la fonction sociale du jeu), les jeux pervasifs viennent briser le « cercle magique » propre à ces jeux plus « classiques ».

Repousser les limites

Ce cercle magique est fait de trois grands axes : l’axe « spatial », l’axe « temporel » et l’axe « social ». Dans un jeu « classique », ces paramètres sont très rapidement intégrés par les joueurs comme les spectateurs. Ainsi, l’axe spatial sert à délimiter le jeu. On connaît rapidement son étendue géographique qui est plus ou moins symboliquement délimité (la table où sont posées les cartes, le marquage au sol, la limite imposée par une console ou un ordinateur pour un jeu vidéo). De la même manière, l’axe temporel est habituellement relativement clair. Bien qu’on ne puisse pas connaître précisément la durée d’une partie d’un jeu « classique », on sait dans les grandes lignes quand un jeu est en cours et il existe un déroulement spécifique jusqu’à sa fin. De cette manière, l’axe social est lui aussi explicite et les joueurs comme les spectateurs sont aisément identifiés comme tels par des codes vestimentaires, oraux ou symboliques ou l’emploi d’objets spécifiques (manette de jeu, dés, etc.).

Le jeu pervasif, à l’instar de Pokémon Go, est venu briser ou repousser ces « limites », rendant plus flous les contours du jeu. La zone jouable est bien plus vaste, potentiellement accessible sur la quasi-totalité du globe (moyennant l’existence de réseaux nécessaires) et le jeu peut « s’ouvrir » comme se « refermer » à tout moment. On ne démarre plus « une partie » mais bien « le jeu » et seul le joueur décide d’y entrer ou d’en sortir. Ainsi, alors que ces deux axes permettaient relativement simplement d’identifier les participants des non participants, le jeu pervasif renvoie là une image plus floue, où seul un petit nombre d’initiés est capable de s’identifier mutuellement.

Et cette identification reste encore complexe, du fait du dispositif employé. Là où la plupart des jeux « classiques » utilisaient des objets ou des codes clairs, un jeu tel que Pokémon Go s’appuie sur un outil numérique lambda : le smartphone. Cet objet, fruit de l’évolution du téléphone vers un objet multi-usages à la puissance conséquente, n’est en rien le marqueur spécifique du jeu pervasif. Il n’est qu’un moyen au service du jeu, un outil regroupant des fonctions utiles (géolocalisation, réalité augmentée), qui contribue d’autant plus à brouiller les pistes et n’aide pas à la lecture simple d’une telle pratique.

Double tranchant

La fracture vis-à-vis d’un mode opératoire plus classique rend véritablement Pokémon Go innovant tout autant que dangereux aux yeux du grand public, en attestent les nombreux articles et prises de positions négatifs. Nous mettons ici volontairement de côté les critiques liées à la vie personnelle et aux données qui pourraient certes donner lieu à de nombreuses discussions et débats mais ne sont en rien propres à ce type de jeu. À l’inverse, le mode d’attention mixte demandé aux joueurs relève bien d’une nouveauté dans nos paysages urbains, bien que l’inattention provoquée par l’emploi de nos smartphones ou de tout autre objet en pleine rue, ne soit pas, quant à lui, spécialement une découverte. Mais il est vrai que de par le mode opératoire de Pokémon Go, largement basé sur la marche et le fait de parcourir les villes et la flore alentour, le joueur demeure un humain au comportement plus aléatoire, imprévisible, obnubilé par l’éventuelle apparition ou la capture d’un Pokémon rare.

L’omniprésence potentielle semble inquiéter à juste titre, l’effacement des frontières rassurantes du jeu classique invitant ici à une quête perpétuelle, smartphone en main. Les temps de jeu observés pour Pokémon Go révèlent d’ailleurs déjà d’une addiction importante. Mais, plus qu’un danger pour l’utilisateur, ne peut-on pas y voir un véritable risque pour le jeu lui-même de s’essouffler, l’intérêt de la communauté pouvant rapidement s’éteindre, faute d’évolutions ou de nouveautés apportées à l’application ?

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