7 mars 2016

Temps de lecture : 4 min

Balades de gens heureux dans les villes en Open-source

La cité en Open Source est un modèle d’avenir car elle invite à des pratiques, des situations de mobilité et de partage nouveaux, initiés en ville et par la ville. Sa dimension d’inachèvement conduit à repenser les modèles de cohabitations et de mutualisation des lieux, des biens, des données, des idées et des services.

La cité en Open Source est un modèle d’avenir car elle invite à des pratiques, des situations de mobilité et de partage nouveaux, initiés en ville et par la ville. Sa dimension d’inachèvement conduit à repenser les modèles de cohabitations et de mutualisation des lieux, des biens, des données, des idées et des services.

La ville en Open Source emprunte son imaginaire à celui de l’Open Data, fabuleuse démarche de libération, d’ouverture et de customisation des données des administrations publiques et des entreprises. Ce fonctionnement, encore impensable il y a seulement quelques années, est devenu incontournable pour le monde de l’éducation, de l’entreprise et de l’innovation.

Des centralités « éphémères »

Mais l’Open Source est une notion qui dépasse aujourd’hui la simple liberté d’accès aux données. Cela devient un mode de création, de production et de distribution qui, fondé sur l’accessibilité et l’échange, se transforme en une véritable dynamique collaborative. Concevoir la ville sur ce principe permet d’aller encore beaucoup plus loin, en imaginant des centralités « éphémères », en devenir, forcées de se redéfinir progressivement, au gré des mutations apportées par l’évolution des modes de travail, d’habitat et de relation entre ses habitants.

De nouvelles porosités

Se mouvoir en ville a, de tous temps, été une gageure, qui ne cesse de s’intensifier au rythme du développement effréné des agglomérations urbaines. Faciliter l’accès aux personnes, aux biens de consommation, aux transports, aux savoirs est le défi majeur des villes d’aujourd’hui, de Rio à Berlin, de Paris à Shanghai… Circuler et fluidifier sont les conditions sine qua non de la ville liquide, qui induit de nouvelles porosités entre des lieux et espaces jadis étanches : travail et maison, lieux privés et lieux publics, gares et commerces…

Mais les usagers de la ville sont-ils condamnés à devenir liquides eux aussi, à se perdre dans les méandres de flux qu’ils ne maîtrisent et ne choisissent plus ? À qui profite véritablement cette horizontalité, cette fuite, cet élargissement continu qui abolit et évite les frontières ? La situation nouvelle de la mobilité généralisée, intelligente et communicante aboutit à nombre de paradoxes.

Cette évolution n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de l’informatique, une fois de plus, où en à peine quelques années, l’innovation est passée du hardware au software, du « plus vite, plus loin plus gros » au plus intelligent et plus convivial, grâce à la magie de l’interface. Et comme le mentionne Georges Amar dans son ouvrage Homo Mobilis, le nouvel âge de la mobilité (*), « cela ne veut pas dire que le hardware n’est pas important : l’IPhone, c’est bien du hardware ! D’ailleurs le génie d’Apple, c’est l’objet ».

Plus d’infrastructures nécessite plus d’interfaces

Dans la ville Open Source, nous assistons au même paradigme : un besoin croissant d’infrastructures mais aussi d’interfaces, de « plug–in ». Donner accès aux données, aux biens de consommation, aux personnes, aux services, aux idées… Une évolution qui a également inspiré Silvio d’Ascia, architecte des nouvelles gares de Turin et de Naples. Considérant que les gares ont elles-mêmes le potentiel de devenir des « plug-in » de territoires sur les villes, il œuvre pour leur transformation en lieux référents de la multi modalité. En créant des espaces aux volumes ouverts, il entend ainsi réhabiliter la gare comme un véritable espace public où « on peut faire des réunions, des rencontres, et même des conférences ». Il estime ainsi que ses projets auront complètement réussi quand on ira à la gare « même si on n’a pas besoin de prendre le train ».

L’intérêt de la ville en open source

Au-delà des modalités de la mobilité et du libre accès à la ville « poreuse », nous voyons bien que le grand enjeu pour les usagers, c’est finalement ce qu’ils vont faire de cette nouvelle liberté. Et selon nous, l’intérêt de cette évolution se lit au prisme des expériences vécues, des pratiques bien réelles : passer de la recherche d’un itinéraire à une soirée improvisée dans un bar, de la publication d’un profil de rencontre à la géo localisation immédiate d’un partenaire d’un soir. Happn, « l’application qui met en contact les personnes qui se croisent » dépasse aujourd’hui les 250 000 utilisateurs sur Paris. On est bien obligé de le reconnaître, le partage, l’accès et le collaboratif, c’est aussi ça !

Pour autant, la ville Open Source ne se réduit pas à un ensemble de « solutions », comme le voudrait la logique informatique d’IBM par exemple. Les smarter cities d’IBM sont en effet de brillants systèmes de connexion intelligents visant à quadriller les villes pour mieux les repenser : trafic, énergie, distribution, santé, éducation, développement économique… A chaque problème sa solution « service » censée optimiser le fonctionnement de la ville sans pour autant, on l’espère, oublier l’humain.

Berlin s’invente en permanence

Or une mobilité qui s’inscrit sincèrement dans une logique d’intelligence collective doit intégrer un degré d’inachèvement, d’imperfection lui permettant de se régénérer et s’inventer en permanence, comme à Berlin, ville en Do-It-Yourself par excellence où on co-cuisine, on co-transporte, on co-possède dans une optique éphémère : la ville n’est pas achevée et ne le sera probablement jamais. Cet esprit d’inachèvement inspire même les pouvoirs publics, puisqu’ils permettent à celui qui le demande d’utiliser un terrain vide en attendant le début d’une construction au moyen d’un bail à durée pré-définie. Difficile à imaginer dans des villes patrimoniales où la construction est encore pensée comme définitive, historique et rarement réversible. La ville en Open Source invite donc à ré explorer la pensée de l’exil de Deleuze, cette dynamique constante et nécessaire de déterritorialisation/reterritorialisation, de l’impossibilité d’être “chez soi”. D’où l’importance d’être nomade dans sa tête et dans son corps pour habiter quelque part…

Photo de Une : © Ian Schneider

(*) Homo mobilis
le nouvel âge de la mobilité
éloge de la reliance Georges Amar – Fyp éditions , Limoges

À lire aussi sur le même thème

Les Newsletters du groupe INfluencia : La quotidienne influencia — minted — the good. Recevez une dose d'innovations Pub, Media, Marketing, AdTech... et de GOOD

Bonne idée ! Je m'inscris !

Allez plus loin avec Influencia

the good newsletter

LES FORMATIONS INFLUENCIA

les abonnements Influencia