29 octobre 2023

Temps de lecture : 5 min

Florian Grill (FFR) : « La France avait envie de rugby. Il faut maintenant fidéliser »

Depuis le 8 septembre, la France s’est découvert une passion pour le ballon ovale. Pour Florian Grill, qui préside la Fédération française de rugby (FFR) parallèlement à ses fonctions chez CoSpirit, ce succès ne doit rien au hasard. Le vrai enjeu consiste désormais à fidéliser et à convaincre le plus grand nombre de pratiquer un sport à la dimension éducative et citoyenne.

INfluencia : la Coupe du monde de rugby s’est achevée samedi 28 octobre avec la victoire de l’Afrique du Sud sur la Nouvelle-Zélande, après un match à nouveau très disputé. Que vous inspire l’engouement des Français pour cet événement, à la télévision, dans les stades et sur les fan zones ?

Florian Grill : cette Coupe du monde a montré que la France avait envie de rugby jusqu’au plus loin de ses strates géographiques. On ne fait pas des audiences télé avec des pointes à 18 millions sans aller chercher les téléspectateurs jusque dans le plus petit village de France. J’espérais ce niveau d’audience car je connaissais le travail réalisé en local et j’ai été comblé ! Cela aurait pu être encore mieux si la France avait fait un ou deux tours de plus, mais on ne refait pas l’histoire… Lors du quart de finale, l’arbitrage peut avoir été décrié mais au rugby on respecte l’arbitre ! Autre point positif : il y avait beaucoup de femmes devant la télé et dans les stades, où elles constituaient plus de 30 % du public alors qu’il y a 13 % de licenciées féminines. Ce succès doit beaucoup aux 2000 clubs de France, aux comités départementaux de rugby et aux ligues régionales qui ont lancé énormément d’activations en local en amont de la Coupe du monde : une Coupe du monde militaire en Bretagne, scolaire en Centre-Val de Loire, un AuRA Rugby Tour 2023 en Auvergne Rhône-Alpes… La dynamisation du tissu local a fait le succès national. Même des matches supposés de second niveau ont fait salle comble. C’est aussi la première fois qu’il y a eu autant de fan zones lors d’une Coupe du monde, dans les 10 villes hôtes mais aussi dans les petits clubs qui ont organisé des fan zones avec 500 ou 600 personnes.

Le vrai et bel héritage de la Coupe du monde se situe sur l’image du rugby.

IN : quel regard portez-vous sur la manière dont les marques se sont associées à l’événement ?

 F.G. : je n’ai pas vu un seul des partenaires de France 2023 qui ne soit pas enchanté de sa contribution à la Coupe du monde, y compris sur les activations dans les stades et pour la dimension RSE de l’événement qui était très présente. Les annonceurs ont bien profité de la dimension publicitaire nationale et internationale. L’activation en termes de billetterie et de places pour leurs collaborateurs a aussi très bien fonctionné. Je crois qu’on pourrait aller encore un cran plus loin sur l’activation locale par les annonceurs, notamment en s’appuyant sur le tissu des clubs qui apportent le maillage le plus fin. Le vrai et bel héritage de la Coupe du monde ne se situera pas sur le plan financier – on est loin des centaines de millions d’euros annoncés par la précédente gouvernance de la FFR – mais sur l’image du rugby.

On pourrait aller encore un cran plus loin sur l’activation locale par les annonceurs, notamment en s’appuyant sur le tissu des clubs

IN : sur quelles valeurs plus précisément ?

F.G. : au rugby, on ne transforme pas que des essais, on transforme des personnes ! On apprend des valeurs indispensables à la société et au vivre ensemble – respect des règles, de l’adversaire et de l’arbitre –, la solidarité, la loyauté… Cette dimension éducative a explosé aux yeux du grand public et d’un grand public qui s’est considérablement féminisé. On a vu des scènes de fraternité incroyables, des spectateurs qui sont allés au stade en famille, des supporters qui se sont mélangés. Même les joueurs accidentés – Romain Ntamack ou Julien Marchand qui n’ont pas pu revenir, Antoine Dupont qui est revenu pour un match – ont démontré un esprit de résilience tout en gardant l’esprit d’équipe. Au rugby, on sait qu’on dépend toujours des autres. C’est aussi un sport qui nécessite une forme d’initiation et un parcours à mener. Je ne déteste donc pas le fait qu’il y ait une petite complexité pour comprendre et apprendre les règles.

La dimension éducative a explosé aux yeux du grand public et d’un grand public qui s’est considérablement féminisé. Au rugby, on ne transforme pas que des essais, on transforme des personnes !

IN : comment mieux traduire cet enjeu éducatif ?

F.G. : en tant que président de la FFR, j’ai un vrai objectif de croissance du nombre de licenciés car on est le deuxième sport en médiatisation mais seulement le 10e en licenciés. Cela cela passe par l’enjeu sportif mais aussi la mise en avant de cet enjeu éducatif. J’essaie de convaincre nos gouvernants et le ministère de l’Education nationale de former les professeurs des écoles au rugby à 5 : une pratique loisir sans choc et sans placage, entièrement basée sur la passe et l’évitement, qui se joue en gymnase ou dans une cour d’école et en mixité. Par le monde scolaire et dans le cadre des 30 minutes d’activités physiques quotidiennes, la culture et les valeurs du rugby pourraient alors se diffuser dans la société. Ce serait pour moi le plus bel héritage de la Coupe du monde.

On voit déjà une augmentation à 15 points du nombre de licenciés et on espère monter à 20 %. Il y a un vrai effet de boost de la Coupe du monde. L’enjeu, maintenant, c’est la fidélisation

IN : voyez-vous déjà des effets sur le nombre de licenciés ?

F.G. :  on voit déjà une augmentation à 15 points du nombre de licenciés, qui inclut aussi des bénévoles, et on espère monter à 20 %. Il y a un vrai effet de boost. L’enjeu, maintenant, c’est la fidélisation. Nous voulons dire aux gens qu’ils peuvent vivre dans les 2000 clubs de France ce qu’ils ont vu dans les stades au niveau national et international : des scènes de fraternité, le mélange de gens de toutes origines et catégories sociales, un esprit de fête avec la célèbre 3e mi-temps… Et aussi mettre en avant l’enjeu citoyen de ce sport à l’ADN inclusif. Les clubs sont des acteurs de citoyenneté locale avec des sessions de rugby adapté pour les enfants en situation de handicap, l’accueil les enfants en surpoids – chez nous, ce n’est pas forcément un défaut ! -, du rugby santé pour les femmes en rémission de cancer du sein via le rugby à 5, une présence dans les zones de revitalisation rurale, du « rugby pied d’immeuble » dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) où le foot est roi et ciblent notamment les filles. La fédération travaille aussi sur la mixité dans le rugby loisir, sur l’homophobie et la transphobie… Dans notre sport, il y a toujours eu des grands, des gros, des petits, des rapides et des pas rapides. L’acceptation de la diversité est inhérente au rugby.

Nous voulons assumer pleinement le rôle sociétal, la dimension éducative et citoyenne du rugby et de l’inscrire dans le marbre en transformant la FFR en fédération à mission

IN : d’où ce nouveau projet de transformer la FFR en « fédération à mission »…

F.G. : à la fédération, nous voulons assumer pleinement le rôle sociétal, la dimension éducative et citoyenne du rugby et de l’inscrire dans le marbre en transformant la FFR en fédération à mission, sur le modèle des entreprises à mission. La pub sur les maillots et les droits télé ne sont plus suffisants. Les annonceurs et mécènes peuvent donner du sens à leur action en s’associant au côté éducatif et citoyen du rugby. Nous venons de créer à la fédération un fonds de dotation Rugby au Cœur qui sera une tête de réseau pour soutenir les clubs, les ligues régionales et les comités départementaux qui ne peuvent contacter individuellement les fondations des entreprises et les mécènes. Nous avons la data pour les orienter vers les clubs qui correspondent à leurs objectifs.

 

En savoir plus

Pluie de records sur les audiences télé :

La finale Afrique du Sud / Nouvelle-Zélande (12-11) a été suivie, samedi 28 octobre sur TF1, par 10,9 millions de téléspectateurs (49,6 % de pda) avec un pic à 12,7 millions, soit une audience record pour un match hors Bleus depuis 2007.

Les matchs avec l’équipe de France ont concentré les plus fortes audiences :

15,4 millions de téléspectateurs (64,5 % de pda) pour le match d’ouverture France / Nouvelle-Zélande (27-13) sur TF1 le 8 septembre

16,5 millions (62,1 % de pda) pour France / Afrique du Sud (28-29) et l’élimination des Bleus en quart de finale le 15 octobre sur TF1

Les matches de poule ont également été très suivis :

11,8 millions pour France-Uruguay (27-12) sur TF1 le 14 septembre

10,7 millions pour France-Namibie (96-0) sur France 2 le 21 septembre

13 millions pour France-Italie (60-7) sur TF1 le 6 octobre

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