Fin 2012. Microsoft, pourtant pas vraiment réputé pour ses innovations en matière de design, lance Windows 8 avec une toute nouvelle interface utilisateur nommée MetroUI.
Cette interface, bien que rappelant celle du Windows Phone lancé deux ans auparavant, rompt radicalement avec l’existant. Elle est depuis considérée comme le point de départ de l’ère du Flat Design. Microsoft a ensuite enfoncé le clou avec Surface et l’uniformisation graphique de ses produits (Office). Google lui a emboité le pas avec le redesign de sa charte graphique… puis c’est Apple qui a “ flatisé ” son iOS…
Nouveaux standards graphiques
Microsoft, Google, Apple… ces mastodontes ont tous évolué dans le même sens. Or les marques issues des nouvelles technologies sont les plus influentes de nos jours. En 2013, elles ont dominé et opéré les meilleures progressions dans le Top 100* des marques mondiales les plus performantes, à l’instar d’Amazon (n°19, +27%) ou Facebook (n°52, +43%). Apple (n°1, + 28%) et Google (n°2, +34%) ont même détrôné la marque n°1 du classement depuis 13 ans… Coca Cola.
Un nouveau style graphique, issu du web en général, de Microsoft en particulier, devient alors la norme esthétique. Prônant la lisibilité, le Flat Design retire les effets de profondeur sous Photoshop, les volumes, les ombres portées, les dégradés, les textures, la 3D… tout élément “ décoratif et superflu ”. Désormais place aux aplats de couleurs vives et contrastées, aux formes géométriques de grandes tailles, angulaires ou avec de légers arrondis, aux polices sans serif… droit à l’essentiel, au contenu. Un style que de nombreuses marques, se digitalisant, ont aussi adopté jusque dans leur identité.
Less is… too much ?
Certes “ plus propre à l’œil ”, le plat n’est-il pas sans saveur ? Une sorte de régression graphique, faite en deux minutes, par des amateurs ? Simplification à l’extrême ou extrême sophistication ? Dans le Flat Design, le graphisme peut paraître en retrait par rapport au contenu mais en fait, il n’en est rien.
Le choix de la typographie devient capital pour une parfaite lisibilité. La conception en amont (réflexion, hiérarchisation des éléments graphiques et des couleurs) est primordiale pour un effort de synthèse global. Les pictogrammes, symboles et autres icônes ont un rôle renforcé pour guider sur le contenu. Le souci du détail s’évalue désormais au pixel près pour passer d’un contenu “ flottant ” à un contenu “ organisé ”.
Le Flat Design est en phase avec son temps
Elégance, clarté, épure et légèreté graphique du Flat Design… “ Less is more ”, précepte du design minimaliste adopté par l’architecte Ludwig Mies van der Rohe, il y a plus de 50 ans, prend ici tout son sens. Rien de neuf ! Alors pourquoi un tel engouement aujourd’hui ?
Avec l’avènement des nouvelles technologies, un nouveau langage a été défini pour guider les utilisateurs. Au fil du temps nous avons tous développé des nouvelles habitudes de navigation. Des technologies à maturité (l’iPhone date de 2007…), des usagers désormais éduqués, certains effets sont donc devenus désuets. Une métamorphose qui se ressent jusque dans l’identité des marques qui se veulent en phase avec un monde digitalisé.
Moins d’effets, moins d’artifices… comme moins d’ingrédients, moins d’arômes artificiels dans la composition des produits pour des marques qui se veulent plus transparentes, plus naturelles, plus intègres… Comme moins de “ bling-bling ”, moins de “ trompe l’œil ” sur les décors packagings pour des marques qui veulent paraître “ moins chères ”, plus accessibles, plus franches, plus vraies et authentiques, bref plus honnêtes envers leurs consommateurs. Moins de tout pour des marques qui veulent susciter l’intérêt via des expériences plus simples dans un monde toujours plus complexe.
“ Flatiser ” son identité est aussi, le cas échéant pour une marque, une sorte de lifting, une innovation par petites touches, limitant les risques… quand le changement, la mise à jour, est par ailleurs permanente.
Le Flat Design est efficace
Chaque élément graphique a théoriquement une fonction. La priorité est donnée au contenu, à la lisibilité et à la hiérarchisation des informations. Le “ bruit visuel ” en est réduit et accroit l’émergence. Le choix des couleurs assure impact et dynamisme. L’absence d’effets volume facilite grandement le déploiement d’un logotype dans ses multiples déclinaisons et évite ainsi des problèmes techniques ou des incohérences (signalétique enseigne, marquage monochrome…). Autant d’atouts que les marques ne pouvaient négliger… jusque dans la refonte de leur identité.
Et demain ?
Comme la police Helvetica, toujours élégante, sobre, simple et efficace, après plus de 50 ans d’existence, le Flat Design revêt une certaine intemporalité… qui devrait lui permettre de durer. D’ailleurs, l’application de cette tendance sur les packagings est déjà en cours. Mais attention à la lassitude et au mouvement de balancier… Que se passera t-il quand la navigation s’affranchira de l’écran (holo projection, 3D, réalité augmentée…) ? Un retour au design texturé pour remettre du réel dans un virtuel encore plus grand ? Amazon lance un smartphone avec images en 3D sous forme d’hologrammes… attendu avant la fin 2014 !
Expresso
La relation entre marque et technologie est croissante. L’influence de la révolution internet est loin d’être finie. Comme les marques, le design se digitalise. Le Flat Design est techniquement et stratégiquement en phase avec les évolutions actuelles. Ses nombreux atouts le feront durer… une raison de plus, s’il en fallait, pour que les marques l’utilisent jusque dans leur identité, par essence pérenne, et sur leurs packagings.
Catherine Pipers / @LaPauseDesign
La Pause Design par Graphèmes
* Classement établi par Interbrand sur la performance des produits de la marque, son influence sur le choix final du client et la rentabilité de la marque pour l’entreprise.