Avec des moyens dérisoires et l’appui de l’intelligence artificielle (IA), des sites copient les médias d’information dans le monde entier, fonctionnent sans journalistes et trompent le lecteur, quand ils ne diffusent pas de fausses nouvelles. Une première réponse judiciaire est attendue en France mercredi. Ces sites pirates en plein essor constituent un des défis posés à l’écosystème de l’information, déjà en souffrance. Le tribunal judiciaire de Paris doit rendre une décision mercredi concernant News.DayFr.com. Une quarantaine de journaux français ont demandé à la justice le blocage du site, qui utilise selon eux l’IA pour « dérober » leurs articles en ligne et les reproduire automatiquement.
Créé en décembre 2021, News.DayFr.com « parasite le monde de l’information en publiant chaque jour plus de 6.000 articles automatiquement dérobés », soit 4 par minute, selon Libération. Le quotidien avait engagé cette procédure début 2025 au côté de plusieurs groupes de presse régionaux français avec l’Apig (Alliance de la presse d’information générale). Il s’agit d’obliger les fournisseurs d’accès à déréférencer le site « pillant sans vergogne et sans bourse délier les droits d’auteur des sociétés éditrices », selon leur assignation. En parallèle, est étudiée une possible plainte au pénal pour contrefaçon. « Nous voulons faire un exemple » et avertir les auteurs de ce type de sites de ce qu’ils encourent, expose à l’AFP l’avocat Emmanuel Soussen, qui porte le dossier avec Christophe Bigot. Il reconnaît qu’il est « difficile de mettre un terme au phénomène dans l’urgence », compte tenu du temps judiciaire et de la difficile traque des auteurs. Ceux-ci œuvrent possiblement depuis l’étranger et renouvellent régulièrement les noms de domaine de leurs sites. Leur but est de générer du trafic et de s’attirer ainsi des revenus publicitaires, fussent-ils modestes.
Rien que sur l’internet francophone, Libération et le média spécialisé en ligne Next ont identifié « au moins un millier de sites nourris de +contenus d’actualité+ débités en tout ou partie par des IA ». Ces dernières plagient des contenus authentiques, les paraphrasent, parfois les inventent, et y ajoutent photos et vidéos pillées ou artificielles.
Pour sa part, l’organisation américaine NewsGuard, spécialisée dans la lutte contre la désinformation, a recensé selon ses critères plus de 1.250 sites d’informations non fiables produits par l’IA, couvrant 16 langues dont le français.
Des sites reconnaissables
« Ces sites portent généralement des noms génériques, tels que iBusiness Day, Ireland Top News et Daily Time Update, qui ressemblent pour le lecteur à des sites d’actualité classiques », souligne NewsGuard. Les articles peuvent contenir « de fausses affirmations, telles que des infox sur la mort de célébrités, des événements fabriqués de toutes pièces et des articles présentant des événements anciens comme s’ils venaient de se produire ».
Ces sites se reconnaissent à leur mise en page rudimentaire et à leurs contenus formatés. Gre-mag.fr par exemple n’est pas sans rappeler Gre.mag, le magazine de la vie de Grenoble. Pourtant, le premier publie plutôt des articles sur la consommation ou les retraites, au moins 7 ou 8 par jour, tous écrits par un certain « Damien ». Sur le même modèle, newsofmarseille.com affiche une équipe de rédacteurs aux profils à l’évidence créés de toutes pièces, dont les photos se retrouvent sur d’autres sites grossiers. La prétendue info locale semble être un terrain propice. Selon NewsGuard, il y a désormais plus de faux sites d’informations locales aux Etats-Unis que de vrais, et ils sont souvent générés par l’IA.
Les sites sont simples et peu coûteux à mettre sur pied, les plateformes de création et gestion de contenus fourmillant. L’IA vient les nourrir en aspirant les publications de presse et en les remoulinant, en les traduisant automatiquement en plusieurs langues, sans nécessité d’une intervention humaine. On est donc loin d’un piratage sophistiqué ou de stratégies d’influence politique ou manipulation étrangère, du moins pour la plupart de ces sites en France.
L’an dernier aux Etats-Unis, Newsguard avait identifié à quelques mois de l’élection présidentielle quelque 1.265 publications d’info locale partisanes aidées par l’IA (des « pink slime websites » en anglais), mais se présentant comme indépendantes.