26 septembre 2022

Temps de lecture : 4 min

Face à la génération Z, les voies hybrides de la culture

Il y a quelque chose d’organique entre le numérique et ces individus nés avec le XXIe siècle qui ont été élevés, ont grandi et fait grandir cette fibre extérieure qui leur est essentielle. Essentielle puisque se joue là, par ce médium et ses interfaces, leur relation au monde, aux autres, à la culture, aussi bien dans leur accessibilité que dans leur perception. Un article extrait de la revue 40 d’INfluencia.

La génération Z, née entre 1997 et 2010, est régulièrement présentée sous les traits de la singularité, de la créativité, d’un égocentrisme teinté de conscience éthique, d’une ultra-connexion qui laisse libre cours à des tribus digitales mouvantes. Si, parmi ces attributs, on peut se demander s’ils sont tous propres à cette génération, il y en a un qui est irréfutable : la génération Z est la première digital native. À l’opposé des « immigrants numériques », pour qui un travail d’adaptation et d’appropriation a été nécessaire, les outils numériques sont pour la génération Z une extension du corps et des objets du domaine de l’intime.

La culture « tout-numérique »

Cette place centrale du numérique dans le quotidien entraîne un net changement de paradigme dans la manière de découvrir, de consommer et de pratiquer la culture. Un bouleversement qui touche autant les disciplines que les canaux et les mécanismes de découverte. On remarque in fine une véritable inversion du rapport à la culture.

Une étude récente sur les pratiques culturelles des Français permet de comprendre cette bascule : 45% des 16-25 ans se retrouvent dans les pratiques « tout-numérique », contre 30% pour les millennials. Cette part chute drastiquement pour les générations précédentes. Ces pratiques « tout-numérique » désignent le fait de pratiquer la culture avant tout de façon dématérialisée, par l’intermédiaire d’outils numériques. D’après le ministère de la Culture, 83% des jeunes Français font usage quotidiennement d’un bien culturel dématérialisé.

Cet usage a un impact sur le contenu et le contenant, puisque certains biens culturels se diffusent plus facilement que d’autres par ce biais. Le menu culturel de la génération Z est ainsi revu et corrigé, et la culture patrimoniale opère un retrait face à la musique, la télévision, le cinéma, les jeux vidéo.

Découvrir ce qu’on veut quand on veut

Pour la génération Z, le « tout-numérique » se mêle à une vision participative de la culture et au syndrome du fear of missing out, ou FOMO. C’est, d’une part, la génération qui a le plus de pratiques artistiques et d’autre part celle qui est touchée par la peur de manquer une nouvelle ou un événement, le FOMO. Au croisement de ces phénomènes, la génération Z adopte un rapport personnel et personnalisé à la culture, tout en cherchant à intégrer des tribus grâce à celle-ci.

S’affirmer en étant influencé ?

Ce rapport est soutenu par un double mécanisme de recommandation : les algorithmes et l’influence. Deux leviers très différents mais qui font de la culture un matériau de construction et d’expression identitaire ainsi qu’un emblème d’appartenance à la tribu. Ce mécanisme de distinction-intégration prend des formes aussi multiples qu’éphémères. Il peut s’agir de participer au challenge « Euphoria High-School » sur TikTok, qui consiste à se vêtir de la même manière que les personnages de la série du même nom, ou dans un registre totalement différent de construire son identité et son engagement via la découverte d’œuvres et d’artistes par un prisme féministe. C’est notamment ce que propose la créatrice Margaux Brugvin sur ses réseaux sociaux.

Pour la génération Z, la culture est synonyme d’une ouverture vers de nouveaux horizons permettant d’exprimer son individualité et de trouver sa tribu. Néanmoins, les mécanismes de recommandation basés sur l’influence et les algorithmes posent la question de la « découvrabilité » des œuvres et de l’uniformisation de la culture.

Les chemins de traverse de la culture

Cette « découvrabilité » est un enjeu majeur afin d’assurer aux contenus culturels leur émergence, et permet parallèlement de s’ouvrir à la diversification des publics. Cela amène les acteurs culturels à tracer de nouveaux chemins, tout en contre-attaquant face au risque de l’uniformisation. De nombreuses solutions se développent dans ce but, comme l’investissement accru des réseaux sociaux, l’éditorialisation des œuvres et expositions, ou encore la création d’expériences nouvelles.

Le diffuseur culturel Arte développe par exemple une démarche d’innovation numérique visant à inventer de nouveaux modes de médiation et de recommandation. Une stratégie qui s’incarne grâce à des contenus comme « Arte Book Club », un programme numérique littéraire diffusé sur Twitch et YouTube qui ambitionne de donner goût à la lecture. Un format qui rebondit sur une tendance déjà ancrée sur TikTok avec le #booktok – qui recueille 50 milliards de vues.

Il s’agit aussi pour des acteurs de la culture comme les musées d’injecter du numérique dans leur offre culturelle afin de proposer une expérience enrichie, personnalisée, ludique. Attractive pour la génération Z. La diffusion de plus en plus large de chatbots, d’applications immersives, d’hologrammes ou encore l’émergence des NFT (jetons non fongibles) dessinent les contours d’une hybridation de plus en plus forte dans l’offre des institutions culturelles.

Ces innovations permettent aux visiteurs d’adopter un rapport personnalisé à la culture, de vivre une expérience ludique et riche autour des œuvres, mais également de s’approprier leur parcours au sein des lieux. Il s’agit donc à la fois de moyens pour démocratiser, mais aussi pour réaffirmer la crédibilité de ces institutions auprès d’un public fortement consommateur de divertissement. Parmi les initiatives inspirantes récentes, Tubo, le chatbot du Centre Pompidou propose un outil de reconnaissance visuelle qui permet d’accéder à des commentaires multimédias sur une centaine d’œuvres. Le lancement de LaCollection.io en partenariat avec des institutions comme le British Museum est également une piste intéressante. Ce site propose aux internautes d’acquérir des versions numériques de chefs-d’œuvre de l’art en NFT. Un moyen de rendre accessible le plaisir de collectionner, de créer une manière ludique de découvrir les œuvres et de contourner l’unité de lieu inhérente à des œuvres difficilement reproductibles.

Sous l’impulsion de la génération Z, les acteurs de la culture se muent en laboratoires d’idées à la recherche de voies d’hybridation afin de conquérir ce nouveau public. Cette capacité de création signe la volonté d’imaginer de nouvelles manières de vivre et partager la culture, plus ouvertes, tout en faisant entrer la culture dans l’ère du digital. Néanmoins, face à la puissance d’acteurs globaux du divertissement, le défi reste immense pour émerger et capter l’attention de cette génération.

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