8 février 2023

Temps de lecture : 4 min

Episode #10 : François Prost : « il faut être équilibriste quand on est multipotentiel »

Pour cette nouvelle session écrite de la série Mets la face B est initiée par Justement. INfluencia en est partenaire, interview du talentueux graphiste et photographe François Prost qui travaille en solo.

Influencia :peux-tu dans un premier temps revenir sur ton parcours?

François Prost: je suis graphiste de formation. J’ai suivi les cours de l’école Saint Luc à Bruxelles, après avoir raté l’entrée aux cursus français publics… J’y suis resté quatre ans, j’avais l’impression d’avoir trouvée ma voie  tout en ne sachant pas ce que j’allais faire. Pas tout à fait prêt pour affronter la vie professionnelle, donc. Et des amis me parlent de La Fabrica, centre et école qui a été créée en Italie, par Benetton…  J’ai préparé un dossier qui a été accepté et j’y ai passé un an et demi. C’était génial, j’ai rencontré des gens du monde entier, leur canard Colors m’impressionnait beaucoup, il était pointu, vraiment à l’avant garde, et il m’a vraiment influencé par la suite.

IN. : tu as donc cinq ans d’études derrière toi… L’heure de faire le grand plongeon approche ?

Fr.P. : oui (rires) à la fin de mon cursus à La Fabrica la question du gagne pain, du travail se repose à nouveau. Alors je cherche du travail entre Paris et Bruxelles… Finalement, je prends la première agence qui me dit oui, o7 -Via reale. Il fallait que je gagne ma vie et puis je ne réfléchissais pas en termes de carrière, cela n’était pas dans mes plans, ni dans mes réflexions. Finalement ces deux ans s’avèrent très formateurs, j’apprends énormément sur le plan pro, sur l’aspect pratique, le client, parce que les études finalement ne t’apportent pas l’expérience. Je pars dans une petite agence de design, qui s’appellait Icone a l’époque. C’est une petite structure, qui travaille sur des marques et des projets dans l’univers de la mode, avec un dc assez exigeant. J’apprend beaucoup, pas toujours dans la douceur au début,  mais je me fais ma place et aux fils des 4 années passés la bas, j’acquiers de l’expérience, de l’autonomie et de la confiance.

Avec le temps, je me dis qu’on vivait une drôle d’époque, celle où les jeunots avaient dans l’idée que souffrir pour être reconnu était normal. Tu étais soumis à une espèce de rituel de passage pas très agréable…

IN. : tu savais déjà que tu allais faire ce métier ensuite?

Fr.P. : le graphisme c’était mon élément, même si au quotidien ce n’était pas passionnant tout le temps. Mais surtout je ne me posais pas de questions, j’étais dans le présent, j’allais voir des blogs, c’était une culture en soi qui me maintenait dans ce métier, et puis je suis rentré en contact avec Olivier Verdon qui travaillait chez DDB. De fil en aiguille après trois rendez-vous manqués avec d’autres DC, Damien Bellon de BETC qui était un peu une star à l’époque, me dit oui! J’avais un profil de graphiste formé au design graphique, et Damien cherchait ce type de personne. Il ne voulait pas d’un « publicitaire »…  J’avais 30 ans, et avec Damien qui me protégeait pas mal, j’ai pu intercepter pas mal de projets. A l’époque je signe le logo Les Galeries Lafayette.  Après quatre ans, c’est Marcel qui me fait signe. Entre-temps je commence à faire de la photographie, je fais quelques expos, mes photos sont même saluées par un prix (la série Discothèque). Et malgré le salaire confortable que je touche chez Marcel, quelque chose me pousse à partir.  Je vois Anne de Maupeou pour lui dire qu’une rupture conventionnelle serait la bienvenue pour pouvoir approfondir la photographie.

IN. : sans formation cette fois?

Fr.P. : non, je fais ça « de côté », c’est mon poumon créatif, personne ne me donne d’ordres, je prends de plus en plus de temps pour en faire, la photo commence à être vraiment obsessionnelle, mais c’est toujours compliqué et j’ai, comme beaucoup, le complexe du graphiste qui n’est pas photographe. Mais,  bon j’ai un bon accueil, cela prend forme… je me dis qu’il faut creuser. Ces deux ans de chômage me permettent de travailler la photo, de beaucoup produire sans angoisses du lendemain.

IN. : maintenant, tu t’es professionnalisé dans divers domaines, comme le donne à voir ton site…

Fr.P. : je garde toujours un pied dans la pub, je fais de la photographie. Quand je travaille la photographie de commande ce sont de gros contrats, mais d’un point de vue business rien n’est jamais sûr. J’ai travaillé en juillet et dernièrement, mais je ne sais pas ce qui se passe ensuite. Là, je travaille pour Publicis Luxe, par exemple et d’autres, donc je dois gérer l’équilibre entre passion, boulot gagne pain prestigieux… Parce que j’ai une haute ambition pour mon travail, quelle que soit la discipline. Bref, le moteur du multipotentiel est assez complexe à mener pour trouver le bon équilibre. C’est un peu les montagnes russes. Soudain tu es submergé, puis plus rien pendant des mois…

Je suis un graphiste de formation, et un  photographe influencé par son métier d’origine.

IN. : tu te retrouves dans la case de multipotentiel?

Fr.P. : pas vraiment. Mais en reparlant avec toi, je me dis que je le suis, et que notre époque est propice à ce type de personnalités, qui peuvent cohabiter. Ce n’était pas le cas, il y a dix ans.

Je dirai plutôt que la force de mon profil est due au pont que j’ai réussi à faire entre les deux activités aujourd’hui. Je suis un graphiste de formation, et je suis un  photographe influencé par son métier d’origine. J’ai mon univers. J’ai trouvé mon chemin entre les deux. Se servir de son parcours pour enrichir son chemin c’est peut-être ça le sujet…

IN. : comment vois-tu ton évolution?

Fr.P. : j’essaie déjà de voir où j’en serais dans 2 mois, et c est pas toujours évident, alors dans dans 10 ans… mon activité professionnel oscille entre du travail de commande et du travail personnel, donc l’organisation du travail est très court thermiste, dès que les finances le permettent, je dévoue tout mon temps à mon travail personnel… j’entretiens un rapport très passionnel avec mon travail depuis quelques années, mais j’imagine que cette passion et ce rapport au travail sera très différents dans 10 ans. Je crois même que ça me fait un peu peur de penser à ce qu’il sera dans 10 ans… Je préfère donc avancer « projets par projets », mois après mois, sans trop m’emballer, me projeter ou me voir en haut de l’affiche. Je préfère toujours envisager le pire, ainsi je ne pourrais qu’être surpris de manière positive si les choses marchent… Depuis que je me suis lancé à mon compte, j’ai pas mal de signes encourageants et je pense avoir construit des bonnes bases pour continuer de développer mon travail artistique sur quelques années, mais j’ai toujours peur que cela s’écroule du jour au lendemain, je doute sans cesse.

Série Van Life

 

Série Discoteca

 

Identité visuelle des Galeries Lafayette

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