27 janvier 2022

Temps de lecture : 3 min

Enquête : La désobéissance civile gagne du terrain aux États-Unis

Une enquête publiée ce mardi par le Yale Program on Climate Communication, dévoile qu’environ 5% des américains seraient prêts à participer à un acte de désobéissance civile environnementale. Un chiffre bien plus important qu’il n’y parait… mais suffisant pour engendrer un réel changement politique ?

Alors que chaque nouvelle catastrophe naturelle s’accompagne inéluctablement d’une inaction politique évidente en matière de législation sur le climat, de plus en plus de citoyens occidentaux se demandent ce qu’ils pourraient mettre en place, à leur humble niveau, pour faire bouger les choses. L’Histoire regorge de situations similaires ou des citoyens ordinaires, se sentant acculés par un sentiment d’injustice, sont passés à l’action pour faire pression sur leurs gouvernants. Nous pourrions citer l’exemple du mouvement paysan de 1999 qui, menée par un José Bové des grands soirs, avait choisi de protester contre l’invasion de multinationales en démantelant brique par brique un McDo installé dans l’Aveyron. Encore plus parlant, les informations rendues publics en 2013 par Edward Snowden, au prix de sa propre liberté, sur la surveillance généralisée et anticonstitutionnelle de leurs propres administrés par la majorité des gouvernements occidentaux.

Mais c’est bien face à l’urgence climatique et à l’éco-anxiété qu’elle suscite chez les plus jeunes – 75% des 16 à 25 ans jugent ainsi l’avenir « effrayant », selon une étude menée par The Lancet Planetary Health – que le concept de désobéissance civile a trouvé un second souffle. Le 25 janvier dernier, le Yale Program on Climate Communication publiait une nouvelle étude qui dressait les aspirations de la population américaine face à cette nouvelle forme de militantisme. La question était posée en ces termes : « êtes-vous prêts à participer à une forme de protestation non violente pour exiger une action contre le réchauffement climatique ? ». L’étude en question s’appuyait sur des recherches antérieures mises en place par le même programme de recherche de l’université américaine, qui avaient notamment révélé que la population américaine peut être divisé en six « publics » distincts caractérisés par les positions suivantes sur le changement climatique : Alarmé, inquiet, prudent, désengagé, dubitatif et dédaigneux.

 

 

Une population en ordre de marche

Neuf pour cent du groupe des « alarmés » – à savoir les plus ardents défenseurs des politiques climatiques et les plus convaincus que le réchauffement de la planète se produit, qu’il est causé par l’homme et qu’il constitue une menace urgente – ont répondu qu’ils participeraient « certainement » à une forme de désobéissance civile environnementale si un être aimé, ou simplement qu’ils respectent, leur demandait de le faire. Parmi toutes les personnes interrogées, y compris en incluant celles et ceux des groupes « prudents » et « désengagés », environ 4,8 % ont exprimé la même envie.

Je vous entends déjà broyer du noir : oui, à première vue, ces chiffres ne sont pas très encourageants. Cependant, ils prennent une toute autre ampleur à la lumière d’un concept appelé « règle des 3,5 % ». Après avoir observé des centaines de manifestations au cours du 20ème siècle, son auteur, la politologue Erica Chenoweth, avance qu’il suffirait qu’au moins 3,5 % de la population d’un pays participe activement à une protestation non violente pour qu’elle obtienne le changement politique tant désiré. Une théorie si influente que le groupe très médiatisé de défense du climat Extinction Rebellion la cite dans sa déclaration de mission. En bref, si l’on se fie à cette enquête, il semble que la population américaine ait atteint le seuil de militantisme nécessaire pour générer un changement politique majeur.

 

 

Une notion à nuancer

Pourtant, de nombreux observateurs fustigent déjà l’impact supposé de la désobéissance civile sur les choix politiques des gouvernants… sans que l’on puisse réellement leur donner tort au vu des résultats obtenus. Tous ces militants, qu’ils soient d’Extinction Rebellion aujourd’hui, ou des Gilets Jaunes et d’Occupy Wall Street hier, ont choisi d’exercer ces nouvelles formes de luttes, plus horizontales, inclusives et participatives, pour se dégager des partis politiques et des syndicats qu’ils jugeaient corrompus et engrainés par la seule quête du pouvoir. Ils n’ont que faire des leaders médiatiques – par peur de la personnalisation –, des organisations hiérarchiques – pour ne pas sombrer dans l’autoritarisme – ou du jeu électoral – par crainte de se perdre idéologiquement –. Mais cette « quête de pureté », comme l’ont décrit Benoit Bréville et Serge Halimi, journalistes au Monde Diplomatique, a ses limites. Le mouvement Occupy Wall Street, par exemple, après avoir rassemblé des millions de personnes dans 952 villes à travers 82 pays, n’a finalement rien obtenu. Tout comme le mouvement des Gilets Jaunes qui s’est essoufflé progressivement après avoir été le plus long mouvement social observé en France.

Comme le résumait, toujours dans les colonnes du Monde Diplomatique, Hicham El-Alaoui, cousin germain du roi Mohammed VI, cette fois au sujet des « printemps arabes » : « Les jeunes qui guidaient ces mouvements (…) rejetaient toute forme d’organisation verticale. Pourquoi ? Après avoir vu des décennies de corruption, ils se méfiaient du système politique, le jugeaient sale, corrompu. Pour conserver leur idéalisme, il leur fallait rester purs. (…) Mais vous avez beau faire pression en rassemblant des gens dans la rue, si cette pression ne trouve pas de traduction dans le système politique, vous êtes marginalisés ». Choisir la voie des urnes et du compromis pour faire (sur)vivre ses idées ? Vous avez 4h.

 

 

En résumé

Une enquête réalisée par le Yale Program on Climate Communication dévoile que la désobéissance civile gagne du terrain au sein de la population américaine.

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