28 mars 2017

Temps de lecture : 3 min

L’émotion vue par DDB° Paris

Dans la dernière revue INfluencia, il est question… d’émotion. Un "outil" clivant et attractif pour communiquer différemment mais à ne pas mettre à toute les sauces. 14 publicitaires ont livré leur point de vue. La parole à Sébastien Genty, DG en charge du planning chez DDB°Paris.

Dans la dernière revue INfluencia, il est question… d’émotion. Un « outil » clivant et attractif pour communiquer différemment mais à ne pas mettre à toute les sauces. 14 publicitaires ont livré leur point de vue. La parole à Sébastien Genty, DG en charge du planning chez DDB°Paris.

L’émotion est devenue une arme incontournable des marques à partir du moment où l’unicité de l’offre n’était plus suffisante pour marquer sa différence, voire son unicité. Alors nécessairement, que ce soit via le design industriel ou les messages publicitaires, ce n’est pas un phénomène récent. Ce qui semble remarquable aujourd’hui, c’est à quel point son utilisation est devenue une évidence partagée et souhaitée par tous, même par ceux historiquement les plus accrocs à l’USP produit. Ce qui est également remarquable, c’est l’intensification de la charge émotionnelle des pensées, des paroles et des actes des marques, sans doute pour que l’émotion continue à produire ses effets.

Le premier point est sans doute lié à l’établissement de l’impact fondamental de l’émotion sur les comportements et les attitudes via les neurosciences et plus précisément les travaux du prix Nobel, Daniel Kahneman, mais aussi à des analyses de l’IPA, qui ont établi, depuis plusieurs années déjà, le lien entre l’usage de l’émotion dans la communication et l’efficacité des campagnes. Armés de cette certitude -alors qu’avant l’utilisation de l’émotion comme source d’efficacité pouvait être considérée comme un point de vue ou une croyance parmi d’autres- ceux qui, chaque jour, cherchent à créer de la visibilité et du désir pour leur offre sur des marchés souvent saturés, en font un usage toujours plus systématique et permanent. Ce qui pourrait en partie expliquer l’intensification dont nous parlions plus haut.

La course à l’armement émotionnel semble sans limite

En partie seulement puisque l’omniprésence de l’entertainment (de la politique à la culture) et de son accessibilité, a structuré une bataille toujours plus intense, non plus uniquement celle pour le temps de cerveau disponible mais pour la stimulation du cerveau émotionnel. Alors la course à l’armement émotionnel semble sans limite : des promesses, des engagements de marque toujours plus élevés (jusqu’à l’engagement politique et social dans la publicité de marque et non comme activité corporate annexe), des expériences toujours plus immersives, l’explosion des approches sensorielles pour faire ressentir des émotions sans même passer par les faits ou les preuves, des formes artistiques pour aller parfois jusqu’à une « publicité non-figurative », voire l’existence inimaginable il y a encore quelques années, de ce que les anglo-saxons ont appelé la «sadvertising». On pourrait même voir dans le choix de représenter l’extrême singulier, le particulier, voire ce qui pouvait encore, il y a quelques années, être considéré comme de la laideur, la volonté de provoquer une émotion -même si là n’est pas la seule raison bien entendu. C’est un peu comme si on pouvait reformuler l’adage de Léon Zitrone (et oui ! contrairement à ce que je pensais il ne s’agit pas de Churchill mais bien de Léon, ça aurait été plus classe mais moins vrai) : « Provoquer une émotion, positive ou négative, peu importe. L’essentiel c’est de provoquer des émotions ».

Bien entendu la relation à la marque existe également aujourd’hui énormément via l’expérience globale qu’elle propose tout au long de la consumer journey. Notamment au moment du renseignement et de l’achat dont on se dit qu’elle doit avant tout être efficace. Mais cette expérience se définit aussi comme du design d’expérience qui intègre nécessairement soit en amont (dans la compréhension du contexte d’usage psychologique, social au-delà des données comportementales pures) soit dans son exécution, une part émotionnelle forte (d’une recherche esthétique jusqu’à la diffusion induite d’une identité de marque). Sans doute parce que tout le monde a intégré depuis longtemps la formule du neurologiste canadien, Donald Cane : « Emotion leads to action, while reason leads to conclusion ».

L’émotion est aujourd’hui un peu considérée comme le soft power des marques face à tous les « blockings » que mettent en place les audiences. Mais son pouvoir peut s’amenuiser sous l’effet de deux forces auxquelles il est difficile de résister collectivement. D’une part, la surexploitation du filon. Partout, tout le temps quel que quoi le sujet et la marque, créant ainsi de la similitude plus que de la différence et du rejet plus que de l’attachement. D’autre part, l’incohérence. Incohérence entre son usage en communication (qui tend à vouloir dire une forme d’humanité, de respect des personnes, de sensibilité) et la réalité de l’entreprise. A ces jeux là, l’émotion passe du côté de la manipulation, perd son pouvoir, ferme la porte de l’efficacité et entame l’usure de sentiments.

Photo de Une : Nike, Risk Everything
Et pour voir les autres pontes de la publicité s’exprimer sur le sujet cliquez sur la couverture de la revue INfluencia

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