7 mars 2014

Temps de lecture : 6 min

 » Ecouter l’autre et s’enrichir « 

Pour Yann Arthus-Bertrand, l’humain doit être au centre de nos préoccupations. Et pour arriver à toucher ses semblables, le photographe n’hésite pas à offrir avant de recevoir. Conversation vue de la terre...

Article paru dans la revue papier et digitale N°8 : Le contact, essaie encore une fois

Le monde entier connaît son regard et sa moustache. L’homme qui un jour décida de regarder notre planète, ses sociétés et ses semblables « vus du ciel » peut aujourd’hui revendiquer une vision et un vrai recul sur les relations entre les humains. Malgré un optimisme avéré, l’artiste est conscient que beaucoup reste à faire pour la sauvegarde de notre monde et qu’il faut continuer à toucher les gens et répéter en permanence les messages. « Je suis un ambassadeur des bons sentiments. Certes, certains trouvent cela ringard mais moi j’insère ce message dans tous mes projets et je continuerai à le faire », explique d’une voix calme, mais déterminée, le célèbre photographe. Dans tous ses projets, le fondateur de GoodPlanet pose l’humain en toile de fond, faisant en sorte de créer du lien entre les individus. Choisir de s’entretenir avec Yann Arthus-Bertrand n’est donc pas anodin pour INfluencia, car au-delà de l’homme, son parcours pourrait inciter plus d’un professionnel à porter des messages différents et engageants pour la société.

Optimiste mais point trop n’en faut

C’est dans les locaux de sa fondation GoodPlanet, basée dans le domaine de Longchamp, qu’il explique sa vision de l’humanité. Le réalisateur, entre autres, de la collection de films « 7 milliards d’Autres » fait preuve d’un optimisme à toute épreuve, du moins lorsqu’il s’adresse aux médias : « Il faut aimer le siècle dans lequel on vit et accepter les évènements. Vivre avec des personnes positives aide aussi à comprendre cette société. Car pour être touché, il faut avoir une sensibilité à l’autre et être bienveillant », précise le photographe, qui a aussi conscience des problèmes récurrents et nocifs qui touchent notre planète et notre civilisation. « Nous vivons dans un monde futile. On ne met pas l’essentiel sur le devant de la scène et il faudrait que les médias travaillent plus sur les problèmes de fonds. Les discussions superficielles ne m’intéressent pas. Je me sens très décalé sur les sujets légers qui nous éloignent de certaines priorités », précise-t-il. Celui que l’on pourrait aussi qualifier de rassembleur, tant ses projets sont tournés vers l’humain, a conscience que notre planète prend un tournant inquiétant et que la transition qui se prépare risque de se faire avec douleur en laissant beaucoup de personnes et d’espèces sur le carreau.

Son influence au travers de son engagement permet aujourd’hui de passer des messages dont la résonnance pourrait être enviée par d’autres. « S’il y a révolution, elle ne sera pas politique. Le politicien n’est pas plus courageux que toi ou moi. La solution passera par de l’éthique et par la morale. On vit dans un monde cynique et sceptique. Le changement climatique n’intéresse plus personne, en réalité il s’agit de bon sens, donc d’intelligence. Je me sens très loin des écologistes et j’estime même que l’écologie politique est morte… ».

La Fondation GoodPlanet au cœur de ses projets

Assez parlé du bonhomme et passons à son œuvre (non terminée). Car pour capter l’attention, faire circuler son message et l’entretenir, Yann Arthus-Bertrand dispose d’une structure et d’une équipe tout aussi motivée et experte que le patron ! Aujourd’hui, sa fondation, créée en 2005, regroupe en son sein l’intégralité des projets du photographe présentée sous la forme de deux programmes majeurs. Le premier se focalise sur la sensibilisation et l’éducation aux enjeux écologiques et humains (expositions, festivals, médias, éditions et évènements). Il réunit aussi ses productions audiovisuelles comme « 7 milliards d’autres », « Des Forêts et des Hommes » et « Planète Océan ». Trois productions qui ont par la suite débouché sur des programmes de soutien aux thématiques abordées. Son prochain long métrage, prévu pour 2015 et intitulé « Human » suivra probablement la même trajectoire que ses prédécesseurs.

À cela se rajoute un deuxième programme d’actions sociales et environnementales regroupant Action Carbone et GoodPlanet Solidaire. « Parler d’humanisme et d’amour est incroyable et bien plus courageux qu’on ne le pense. Les bons sentiments font peur aux gens et même le milieu artistique n’aime pas ça », insiste-t-il. Cette fondation a réinventé la façon de créer des films ou des expositions en laissant beaucoup de place à la créativité. Les productions sont diffusées gratuitement et financées par des mécènes. De nombreux réalisateurs et photographes contribuent gracieusement à ces projets. À cela se rajoutent aussi les grandes institutions internationales et ONGs systématiquement associées aux projets.

Le domaine GoodPlanet : l’incitateur de contacts

Mais son futur cheval de bataille est le complément idéal aux actions menées par GoodPlanet. Pour créer encore plus de liens et de dialogues, Yann Arthus-Bertrand se lance dans la réalisation d’un lieu physique, véritable ambassadeur de ses programmes. Sa mission sera de prolonger pour le commun des mortels l’expérience et l’émotion suscitées par ses films et ses ouvrages. Accentuer la sensibilisation et la pédagogie de ses programmes ou tout simplement faire découvrir ses combats à ceux qui n’ont pas encore goûté à son engagement feront aussi partie du Domaine GoodPlanet. « On va en faire un vrai lieu d’échange où se mêleront expositions, débats et projections ! Une véritable agora tournée vers l’humain et la planète. » Le domaine abrite déjà les locaux de GoodPlanet, mais l’ambition est de récupérer le château de Longchamp et son parc de 3 hectares situés dans le Bois de Boulogne à Paris. Le site sera ouvert à tous les publics et l’idée est d’en faire un lieu de référence et d’engagement unique en son genre. Encore une fois, le leitmotiv de ce projet est de faire différemment, d’innover pour capter, dialoguer et surtout garder le contact avec sa cible.

Et comme si cela ne suffisait pas, un restaurant bio sous la bannière du chef étoilé Alain Ducasse pourrait voir le jour. Les prix seront abordables et le local sera mis à l’honneur. « Ce domaine est un projet primordial pour nous ! Nous voulons en faire un porte-étendard de nos travaux et c’est l’aboutissement d’un de mes rêves. On a besoin d’endroits incroyables et insolites qui font voyager les personnes. La Tour 13, qui a abrité une exposition de street art incroyable avant sa démolition est un exemple à suivre ! », précise-t-il en faisant visiter le domaine.

Des partenaires incontournables

« Beaucoup d’organisations me reprochent de jouer le jeu des annonceurs et parlent de ma fondation comme d’une entité capitaliste. Cela m’est égal. C’est une grosse erreur car les entreprises qui me soutiennent s’investissent dans un projet et ne font pas de donation ». Pour lui, mettre à contributions des entreprises ou des annonceurs permet de mener à bien des initiatives qui n’auraient sûrement jamais vu le jour sans eux. Que ce soit BNP Paribas ou Cortal dans des rôles de mécènes fondateurs, car ils ont contribué à la création de la fondation ou bien la marque Omega qui elle, a le titre de partenaire-fondation, chaque soutien doit faire face à son engagement au-delà de l’aspect pécuniaire.

Pour Omega par exemple, le titre est loin d’être honorifique car l’horloger suisse soutient l’ensemble des programmes de la fondation comme celui sur les océans avec le film « Planète Ocean » ainsi que l’intégralité du dispositif construit autour de cette réalisation (expositions, applications, etc). « Nos partenaires doivent être challengés  ! Nous voulons nouer des relations à long terme au travers de projets qui s’étalent dans le temps. On ne prend pas de l’argent comme ça. On se fixe avec eux sur des objectifs et des résultats sur le terrain. Omega, par exemple, s’est investie à 100% dans le programme Ocean. Elle a créé un modèle baptisé « Seamaster » dont les ventes financent la restauration de la Mangrove en Indonésie ou encore une application sur la consommation de poissons qui permet de connaître la provenance et la fragilité de l’espèce ». Cet exemple, on peut le retrouver dans les différents arcanes de la fondation. Le groupe Cap Gemini quant à lui aide au développement de la Rédaction GoodPlanet qui édite des ouvrages chaque année. Et pour mener à bien ces partenariats, un pôle RSE a été créé en interne et a pour mission, aidé par les autres services, de développer et d’accompagner les projets en lien avec les partenaires. Son travail a été récompensé en 2013 par le Grand Prix de la communication responsable de Communication & Entreprise pour son action avec le Groupe Casino.

Développer la marque GoodPlanet

Malgré la multitude de travaux réalisés ou en cours, la fondation n’a pas de stratégie marketing à long terme et c’est peut-être ce qui rend cette entité si vraie dans la réalisation des films ou des ouvrages. Évidemment, GoodPlanet se distingue surtout grâce à la personnalité et l’aura de son fondateur, mais l’ambition pour ses équipes est de développer avant tout la marque GoodPlanet. Désormais, la fondation est devenue une entité protéiforme qui veut être incarnée par son public. L’intégralité du contenu produit par les équipes est proposée gratuitement sur le Web. « Offrir est quelque chose de formidable. Prenez Bill Gates. Il est heureux parce qu’il donne ». Donner avant de recevoir est devenu un leitmotiv pour Yann Arthus-Bertrand et ses équipes, et c’est sûrement le meilleur moyen de faire circuler ces beaux sentiments et de contribuer à resserrer les contacts entre les êtres…

Gaël Clouzard / @G_ael

Illustrations : Elobo

Article paru dans la revue papier d’INfluencia. Découvrez la version digitale de la revue en cliquant sur le lien ci dessous :

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