12 janvier 2024

Temps de lecture : 7 min

Distribution, catalogue, monétisation : TF1+ et la contre-offensive des acteurs du streaming gratuit

L’heure est loin où certains analystes présentaient Salto comme le « Netflix à la française ». L’arrêt de la plateforme a pu donner le sentiment que chacun regagnait son couloir. A Netflix, Prime Video ou Disney+ le développement des offres sur abonnement ; à TF1, M6 ou, plus subsidiairement, France Télévisions, celui de la monétisation par l’audience. C’était il y a quelques mois à peine, mais l’année 2023 aura suffi à rebattre les cartes, et 2024 démarre, avec le lancement de TF1+, sous le signe de la confrontation annoncée entre plateformes de SVoD et acteurs du streaming gratuit.

Les premières auront été les premiers à remettre en cause les frontières traditionnelles. Netflix, dès la fin 2022 et Disney+ un an plus tard (en France) se sont ouverts à la publicité, et Prime Video s’apprête à leur emboiter le pas. L’espoir est double : pousser toujours plus loin la pénétration des plateformes, grâce à des forfaits avec publicité plus accessibles, et accroître les revenus générés grâce aux investissements des annonceurs.

A cette première transgression, les streamers ajoutent, chaque jour un peu plus, la remise en cause du modèle D2C qu’avait initié Netflix au milieu des années 2010, et le « partage des territoires » Box vs OTT qui en était résulté. L’espoir d’une maximisation des marges grâce à un schéma de totale intégration production / édition / distribution et à la « pleine possession » de l’abonné a fondu face à la masse des investissements nécessaires pour bâtir de gigantesques catalogues, construire les infrastructures de streaming capables de servir les millions de streams demandés, soutenir les campagnes de marketing capables de compenser un churn endémique… au « tout OTT » s’est progressivement substitué le retour vers l’agrégation, et il n’est plus une conférence d’investisseurs sans que les patrons des studios vantent les mérites des « partenariats » avec leurs distributeurs historiques. Avec, pour corolaire, l’ouverture de la bataille de l’attention dans les environnements opérateurs – dès lors qu’acteurs de télévision et plateformes de SVoD se retrouvent côte à côte dans les box des derniers.

Restait le sujet des contenus. Non contents, au plus fort de la guerre du streaming, de pousser à des niveaux records les volumes de nouvelles productions, et de s’en assurer tous les droits et pour tous les territoires, les acteurs du streaming ont limité à son minimum la circulation de leur stock de programmes anciens pour en réserver le bénéfice à leurs abonnés. Tandis que ces derniers se voyaient offrir l’accès à des dizaines de milliers de films et de séries, les plateformes des diffuseurs historiques se trouvaient cantonnés à leur stricte fonction de rattrapage. La nécessité de résorber les milliards de dollars de déficits accumulés par les branches D2C des studios aura eu raison de ce troisième couloir, et les guichets de licensing droits se sont progressivement réouverts.

L’arrivée de TF1+ marque le lancement d’une contre-offensive qui se déploie sur le terrain de l’adversaire – le déploiement dans l’univers OTT (smart TV, streaming boxstreaming sticks…), avec la négociation d’une forte mise en avant – et qui s’en réapproprie la promesse – l’abondance – avec les 15 000 heures déjà disponibles sur la plateforme.

Comme un clin d’oeil, TF1+ propose à ses utilisateurs le film Gladiator… également présent sur Netflix, Paramount+ et Prime Vidéo. Pour autant, la confrontation ne fait que commencer, et les développements menés sur leurs marchés respectifs par ITV avec ITVX, ProSiebenSat1 avec Joyn, RTL Deutschland avec RTL+, Atresmedia avec l’Atresplayer… en sont autant de déclinaisons locales, et les cartes pourraient se rebattre aussi de l’autre côté de l’Atlantique dans l’hypothèse, notamment, où le rapprochement de Warner Bros Discovery et de Paramount serait confirmé.

Le mouvement de balancier qui s’est amorcé promet en tout cas une partie passionnante.

 

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TF1+ peut-elle déstabiliser les services de SVoD en leur disputant l’audience des titres de catalogue ?

Alors que l’usage des services de la SVoD semblait parvenu à un plateau en 2023, et affichait une baisse significative (-19 % de programmes visionnés au 4e trimestre, par rapport au premier), le renforcement du catalogue de TF1+ – et potentiellement demain ceux de 6Play ou de france.tv – est porteur d’une concurrence accrue sur le visionnage des titres de catalogues (séries vintage, films cultes…), alors que celui-ci représente plus de la moitié de l’audience des offres payantes. En forme d’avertissement, le Baromètre SVoD de Médiamétrie a relevé une diminution de 17 % du nombre de SVodistes et de 11 % du nombre de programmes visionnés depuis le 8 janvier, et le lancement de TF1+, par rapport à la même période de 2023. (Consulter)

 

TF1+ : Plus de 8000 épisodes… et 20% de titres en commun avec les plateformes de SVoD

Les dirigeants de TF1 avaient annoncé que TF1+ proposeraient dès le lancement plus de 200 séries. Tel a bien été le cas d’après le relevé effectué par NPA Conseil le 8 janvier, ce qui représente l’ajout de 60 titres accessibles gratuitement par rapport au catalogue que proposait MYTF1, et 80 si l’on prend en compte les titres qui étaient réservés aux abonnés à MYTF1 MAX 4et sont désormais proposés gracieusement. TF1+ creuse ainsi l’avance par rapport à France.tv et 6Play, avec 90 à 100 séries de plus que ses concurrentes. On note aussi que près de 20% du catalogue de TF1+ est partagé avec un service de SVoD au moins, illustrant la bataille de l’attention qui risque de se développer. (Consulter)

 

 

TF1+ : 230 films, dont près de 15 % partagés avec les plateformes de SVoD

Avec près de 230 titres disponibles depuis le 8 janvier, soit 40 de plus que sur MYTF1 jusqu’à ces derniers jours, TF1+ reste loin d’offrir une profondeur de catalogue cinéma équivalente à celle des streamers globaux, mais elle creuse l’écart avec les plateformes de ses concurrents directs, France Télévisions (60 films sur france.tv au 1er janvier) et M6 (40 films sur 6 Play). Et des titres phares (GladiatorLa Trilogie des Hobbits, un large éventail des productions de Luc Besson) pourraient contribuer à la nouvelle bataille de l’attention entre SVoD et plateformes gratuites. (Consulter)

TF1+ : offre de titres jeunesse presque stable, partagée pour un tiers avec les offres de SVoD  

Au 8 janvier, NPA Conseil a recensé 70 titres dans la section dédiée à la jeunesse de TF1+, en augmentation légère par rapport à MYTF1. La plateforme est mieux-disante par rapport à 6Play (49 titres) mais reste sensiblement en retrait, en termes d’abondance, par rapport à France.tv (130 titres). Pour près d’un tiers (22 sur 70), les séries jeunesse de TF1+ sont aussi disponibles sur l’une au moins des plateformes de SVoD. (Consulter)

 

TF1, déjà dans le Top 3 sur le marché de la BVoD en Europe

Rodolphe Belmer, PDG du Groupe TF1 mise sur la nouvelle plateforme de streaming TF1+ pour « arriver, d’ici à trois ans, à une part de marché à deux chiffres » du total des revenus de la vidéo digitale, estimés en France à « 2 milliards d’euros et en croissance de 10 % à 15 % tous les ans ». L’objectif est donc d’atteindre au moins 10 % d’un total qui devrait monter d’ici trois ans à 2,6 Mds€ au moins, sur la base des taux de croissance prévisibles, ce qui représente des revenus de 260 M€ à 300 M€. Le pari peut sembler audacieux. Mais si les groupes audiovisuels privés français sont en retard sur leurs homologues européens pour la diversification globale de leurs revenus, au-delà des recettes publicitaires de la télévision linéaire, l’analyse conduite par NPA Conseil montre que TF1 dispose avec sa nouvelle plateforme d’un actif majeur sur le marché européen de la BVoD, et que le groupe se place déjà dans le trio de tête des neuf groupes étudiés (Atresmedia, Channel4, ITV, M6, Mediaset España, MFE, ProSiebenSat1., RTL Deutschland, TF1). (Consulter)

Plus belle la vie : retour triomphal sur l’ensemble du public 4+, les FRDA 15-49 et les moins de 50 ans

La vie semble effectivement plus belle pour le nouveau Plus belle la vie, à en croire l’accueil qui lui a été réservé en tout cas. Entre janvier et novembre 2022, et à un horaire proche du pic quotidien de l’audience quotidienne de la télévision, le feuilleton avait attiré chaque jour 2,3 millions de fidèles en moyenne, pour 11,1 % de part d’audience (10,7 % sur les FRDA 15-49). Le 8 janvier, près de 3 millions de téléspectateurs (+30 % par rapport à 2022) ont suivi son retour en début d’après-midi, pour une part d’audience proche de 30 %. Encore plus spectaculaire, le feuilleton enregistre plus de 40 % de part d’audience sur les FRDA 15-49 et les moins de 50 ans en moyenne de ses quatre premières diffusions. (Consulter)

 

 

Bonjour : encore en phase d’installation, après le pic de curiosité du 8 janvier

Pour sa première, la matinale animée par Bruce Toussaint a suscité un effet notable de curiosité, dépassant les 500 000 téléspectateurs, se rapprochant, avec 15,3 % de part d’audience, des niveaux moyens de la chaîne sur l’ensemble de la journée, et en nette surperformance sur les 15/34 ans (29,1 % de part d’audience) et, plus modestement, les FRDA 15-49 ans (16,7 %). Si l’affinité avec ces deux cibles s’est confirmée, les scores inégaux observés lors des diffusions suivantes confirment que l’installation du programme relève de la course de fond. Les six points de part d’audience empochés par Bonjour au cours de sa première semaine, par rapport aux scores du 7 / 9 heures 30 de TF1 en 2023, semblent avoir été pris principalement à France 2 (Télématin ; un tiers à peu près) et à BFM TV (deux tiers). (Consulter)

L’EMFA : les règles du marché unique au service de la défense du pluralisme

Les institutions de l’UE sont parvenues à un accord, vendredi 15 décembre 2023, sur la législation européenne sur la liberté des médias. Cet accord a pour objectif de promouvoir la liberté et la diversité dans le secteur des médias et de constituer un socle commun de règles qui permettront de développer un marché intérieur des services de médias. Mais alors que cette dernière notion est le plus souvent utilisée pour favoriser la libre concurrence et le jeu du marché, elle vise à instituer un socle minimal de dispositions protégeant l’indépendance des médias et l’expression du pluralisme, quelles que soient les évolutions politiques qui peuvent intervenir dans tel ou tel Etat-membre. Ce texte doit encore être formellement approuvé par la commission de la Culture et de l’Éducation du Parlement européen ainsi que par un vote du Parlement européen en séance plénière, prévu en mars prochain. Le Conseil de l’UE devra également donner son feu vert pour que le texte puisse être appliqué, dans toutes ses dispositions, dans un délai de 15 mois après son entrée en vigueur. (Consulter)

 

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