27 mars 2019

Temps de lecture : 3 min

Et dire qu’ils pensent n’avoir rien à se reprocher…

Une étude de Kantar montre que 45% des consommateurs jugent que les femmes ne sont pas correctement représentées dans la publicité alors que seulement 9% des professionnels du marketing reconnaissent ce problème.

Une étude de Kantar montre que 45% des consommateurs jugent que les femmes ne sont pas correctement représentées dans la publicité alors que seulement 9% des professionnels du marketing reconnaissent ce problème.

Et dire qu’ils ont l’impression de ne rien faire de mal… Les spécialistes européens du marketing en sont persuadés : leurs publicités représentent les femmes de façon positive. Sexistes ? Que nenni ! Machistes ? Et puis quoi encore… Non vraiment, les professionnels du secteur ont leur conscience pour eux. La dernière étude AdReaction de Kantar devrait toutefois les encourager à enlever sans tarder leurs œillères. Pour analyser le traitement des genres dans la publicité, son efficacité sur les campagnes ainsi que son impact sur les consommateurs et les marques, le leader mondial de la data, des études et du conseil a effectué 30.000 tests publicitaires et a interrogé 450 spécialistes mondiaux du marketing. Ses experts ont également étudié les comportements publicitaires de près de 40.000 personnes dans le monde et ont analysé le capital de marque de plus de 9000 labels sur la planète. Les conclusions de leurs travaux sont saisissantes.

Les créatifs ont-ils évolué ?

45% des consommateurs jugent ainsi que les femmes ne sont pas correctement représentées dans la publicité, un avis partagé par… 9% des professionnels du marketing. Dépeindre et cibler de façon satisfaisante les femmes pourrait pourtant créer une source supplémentaire de valeur de 9 milliards de dollars pour les marques. Oui, vous avez bien lu : 9 milliards de dollars ! Mais qui a tort et qui a raison dans cette histoire ? Les particuliers ne voient-ils pas que les créatifs publicitaires ont évolué depuis les années 80 où ils n’hésitaient pas à montrer une femme nue pour vendre du jus de fruit ou les agences continuent-elles de nier l’évidence en jouant toujours sur les mêmes clichés ? La seconde option semble, hélas, être celle qui se rapproche le plus de la réalité.

Les mauvaises habitudes persistent

Les données dévoilées par Kantar ne laissent en effet pas vraiment la place au doute. 98% des publicités de lessives, d’entretien ou de produits pour bébé ciblent, aujourd’hui encore, exclusivement les femmes alors les décisions d’achat sont de plus en plus partagées
 sur l’ensemble des catégories. Les hommes sont mieux valorisés que ces dames dans 38% des cas et à peine 4% des publicités présentent les femmes dans des rôles aspirationnels. L’humour semble, lui aussi, réservé à ces messieurs puisque 51% des pubs humoristiques les mettent en valeur contre 22% pour les femmes. Cette stratégie est non seulement sexiste mais également inefficace d’un point de vue purement économique car les experts s’accordent tous à dire que l’humour est un levier d’impact publicitaire quelque soit le genre. Les publicités en France montrent, en outre, plus de femmes « gentilles » (50% vs. 40% concernant des hommes) et seules 4% personnifient un personnage féminin faisant autorité. Les spots incarnant des femmes avec un rôle aspirationnel ou expert (médecin, scientifique) performent pourtant davanatge car elles sont perçues comme étant plus convaincantes et plus crédibles. Malgré cela, les hommes ont encore sept fois plus la parole et ils apparaissent quatre fois plus que les femmes dans les publicités. Mais comment expliquer ces énormes différences ?

Des stéréotypes inconscients

« On reproche assez fréquemment aux publicitaires d’utiliser des stéréotypes mais je ne pensais pas qu’il existait un tel décalage entre les perceptions du public et celles des marketeurs, reconnaît Pierre Gomy, le directeur général de Kantar Millward Brown et Kantar TNS. Je pense que les professionnels sont bien intentionnés mais qu’ils sont les victimes de stéréotypes inconscients qui sont liés à leurs environnements sociaux-culturels. La grande vertu de cette étude est de mettre des chiffres sur une situation qui n’était jusqu’alors pas vraiment démontrée ». L’enjeu pour les entreprise est important. La valeur moyenne des marques reposant sur un juste équilibre entre les genres est en effet plus élevée (20,6 milliards de dollars contre 16,1 milliards pour les marques s’adressant au monde féminin et 11,5 milliards pour celles s’adressant au monde masculin). Or à peine 33% des marques parviennent à atteindre cet équilibre. De plus en plus de dirigeants prennent toutefois conscience qu’ils doivent changer leur politique marketing pour mettre davantage en valeur les femmes.

Les hommes à  la vaisselle

« Quand on voit un géant comme Ariel inviter les hommes à faire la lessive, on constate une évolution de l’attitude des annonceurs, note Pierre Gomy. Les marques se savent épiées depuis notamment l’éclatement du phénomène #MeToo. Elles vont avoir une véritable réflexion sur la représentation des hommes et des femmes dans leurs campagnes. Nous sommes à l’aube d’un réel changement. Si nous publions une étude similaire dans deux ou trois ans, je pense qu’on annoncera des chiffres bien différents que ceux que nous présentons cette semaine. Les marques qui sauront se saisir des enjeux sociétaux seront celles qui réussiront à l’avenir » .Vous voilà prévenus…
Frédéric Therin

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