5 décembre 2013

Temps de lecture : 3 min

Le digital made in China 4/4 : la révolution est en marche

Attiser le désir ou susciter la répulsion ? Quelle est la place des marques en Chine quand la révolution digitale change les règles du jeu ? Décryptage à deux plumes : celles de Catherine Becker, dirigeante de l’agence Metis-Jujing Marketing Research, et Franck Perrier de l’agence IDAOS.

L’explosion digitale régénère-t-elle les marques ou les affaiblit-elles ? Face à la déferlante du e-commerce, à la connectivité des produits et des enseignes, à la co-création grandissante et à la virtualisation des échanges, le rôle des marques est au cœur des débats entre intervenants et observateurs du marché chinois.

Décrypter la place des marques dans la Chine de 2013, c’est revenir à l’histoire du pays. Rappelons-nous. C’était en 1979, l’année où Deng Xiaoping avait lancé sa grande réforme commerciale et ouvert les portes de l’Empire du Milieu aux entreprises étrangères. Très vite, les marques internationales se sont retrouvées catapultées au cœur de cette ouverture économique au point d’en cristalliser toutes les mutations: la transformation du système politique, l’émergence d’une classe moyenne, l’attractivité des symboles occidentaux, le désir de trouver sa place dans la méritocratie ambiante.

Le nouveau rôle des marques

Depuis le début des années quatre vingt, le rôle dévolu aux marques n’a cessé de balancer entre ce besoin mêlé de liberté et l’aspiration à l’ordre. A la fois échappatoire imaginaire dans un système fermé et espace d’intégration dans une société normée, les marques ont ouvert une sorte de troisième voie dans l’obligation au bonheur.

Aujourd’hui, les marques vivent plus que jamais de cette tension entre une force d’évasion imaginaire et un rôle symbolique d’appartenance. Dans une société euphorisée par la croissance, elles tirent les consommateurs vers la production de sens, l’identification aspirationnelle. Les griffes de luxe, omniprésentes dans toutes les grandes villes chinoises (autrement dit, le club des 100 villes de plus de 10 millions d’habitants), sont l’apothéose de ce mouvement. Leur capacité à mettre en scène des grands mythes, des récits, à donner des repères, rassure les consommateurs fragilisés par la mobilité géographique et virtuelle, tous azimuts.

Le digital comme catalyseur

L’explosion du digital contribue à radicaliser ce phénomène. Tel un accélérateur de particules, il décuple les envies et les rejets, démultiplie l’engouement, renforce l’envie d’évasion et de conformité, valorise la rapidité du choix et le sentiment de l’urgence.

Grâce à leur smartphone, les jeunes chinois valorisés se rêvent, le temps d’un clic, les maîtres du jeu. Un ressort dont les entreprises profitent pleinement. L’enseigne Décathlon a ainsi généré trente millions de pages vues pour sa marque Domyos grâce au soutien rémunéré de key opinion leaders (quelques milliers d’euros chacun) lors d’une campagne de pub orchestrée depuis Shanghai par l’agence Fred et Farid. Mise en comparaison avec ses concurrentes, en conversation avec ses clients, la marque devient un interlocuteur choyé sur un marché hyper-réactif où seul le volume compte.

Pourtant, cette nouvelle intimité interpelle les décideurs. L’image de leurs marques pourra-t-elle faire longtemps bon ménage avec cette instrumentalisation ? Quand le digital accroît l’attractivité, qu’en est-il de la véritable fidélisation, du partage des valeurs, de l’épreuve du temps ?

Personne ne connaît la réponse à cette question. Les termes de l’enjeu sont en revanche bien identifiés : comment freiner l’aliénation du web pour défendre les valeurs de la marque, comment concilier la customisation et la personnalisation, l’appartenance à des communautés et l’expression de sa singularité, la banalisation générique et l’originalité, la superficialité d’un dialogue et la construction au long cours d’une identité ?

Toujours plus vite

Pour sortir de ce match, la mutation digitale chinoise doit être portée par de véritables stratégies de marque. Certains groupes l’ont bien compris. Les marques de joaillerie Cartier ou de vêtement Burberry ont bâti en Chine de belles stratégies digitales en s’appuyant sur du branding bien défini. Si Volkswagen fait de la co-création avec les consommateurs chinois, c’est pour chercher à retrouver la force de proximité et d’universalité de sa marque. Toujours dans l’univers automobile, le constructeur français Citroën a lancé cette année sa griffe luxe DS grâce à une stratégie déployée avec intelligence on et off-line.

Il faut en avoir conscience, la Chine est un pays mobile où la consommation avance avec une vigueur inégalée. Dans cette grande centrifugeuse, le digital est un formidable accélérateur mais aussi une incroyable opportunité pour redéfinir le futur des marques, recréer du lien et du symbole. Ce questionnement irrigue l’ensemble du monde économique mais aussi la scène artistique chinoise.

Le 25 septembre dernier, lors de l’inauguration de Christie’s Shanghai, l’artiste star Cai Guo-Qiang a ainsi apporté sa contribution devant une salle bondée et un parterre d’invités prestigieux au premier rang desquels François Pinault. Dans un bruit assourdissant, l’artiste a dynamité en direct une installation au sol, faisant émerger du nuage de fumée le dessin d’un paysage traditionnel chinois. L’oeuvre, au titre évocateur « Homeland » traduisait mieux que tous les discours, cette quête des Chinois de renouer avec leurs racines et leur fierté, eux qui ont inventé la poudre à canon bien avant de créer Weibo et WeChat.

Franck Perrier (@franckperrier), fondateur et directeur général de l’agence digitale IDAOS et de la Digital Academy et Catherine Becker, dirigeante de l’agence Metis-Jujing Marketing Research.

Et pour plus d’informations sur la Chine découvrez China Connect / @ChinaConnectEU ( cliquez sur l’image)

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