16 juin 2014

Temps de lecture : 3 min

Desk sharing et soft power

Faisant le constat que dans certaines régions le taux d’occupation des bureaux par les salariés oscille entre 50% et 60%, de plus en plus d’entreprises s’engagent dans le desk sharing, c’est-à-dire le partage de bureaux. Décryptage par la PQR 66 dans son dernier rapport "Françaises, Français", baptisé (R)évolutions.

Finie peut-être l’image classique du bureau avec son mug, les photos de ses enfants et ses armoires de dossiers. Pour des raisons de coût et d’adaptabilité, le desk sharing émerge comme une tendance montante. Dans le secteur informatique, la banque ou encore l’assurance, la dématérialisation du bureau gagne du terrain. Pour des raisons culturelles, la France reste toutefois en retard par rapport aux anglo-saxons. Chez nous, la taille du bureau demeure encore largement perçue comme un statut et un signe de position hiérarchique… Une hiérarchie fortement contestée et ébranlée par la génération mobiquité. Les pratiques managériales se trouvent en effet profondément remises en question par la déspatialisation du travail, la prise d’autonomie des travailleurs, l’extension de l’écosystème des collaborateurs (élargi à un réseau de partenaires, fournisseurs, prestataires, etc.) et la difficulté croissante à mesurer « un temps de travail productif », de plus en plus intimement mêlé à l’ensemble des temps de vie.

Avec la mobiquité, l’entreprise s’est également étendue. De plus en plus de fonctions ont été externalisées et le nearshoring (externalisation de l’activité vers des personnes travaillant depuis chez elles, pour faire baisser les coûts) est en constant développement. L’entreprise (re)compose ses équipes au gré des besoins des « projets » sur un mode horizontal. Des partenaires et fournisseurs sont associés à la conduite de projets, à la conception d’innovation et à la production. Le salarié n’est plus le seul « statut » de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.

La montée en puissance du soft management

Dans ce contexte, le « hard management » risque bien d’avoir vécu : inadapté à l’époque, l’autoritarisme s’est ringardisé dans les rapports hiérarchiques. De même les entreprises se rendent progressivement compte qu’en privilégiant le confort et le bien être des équipes, elles augmentent leur productivité. Le management moderne s’oriente ainsi vers une forme de gestion douce, un soft power, pour reprendre un concept désignant la capacité d’une nation à faire valoir sa puissance par des moyens non coercitifs au sein des relations internationales. Le soft management promeut le dialogue plutôt que la contrainte, l’explication plutôt que l’imposition, et s’attache à créer un environnement et des conditions favorables à l’épanouissement individuel et au travail collectif.

Longtemps oubliés ou décriés, les managers de proximité font en ce moment un retour en force dans les organigrammes. Lorsque Stéphane Richard est arrivé à la tête d’Orange, une de ses premières décisions a ainsi été de recruter 180 managers de proximité pour surmonter la grave crise de management à laquelle l’entreprise était confrontée. Dans la mécanique du soft management, le manager de proximité s’impose comme rouage essentiel pour aplanir la relation top/down, favoriser le dialogue et valoriser la dimension humaine.

Alors qu’elle n’était que « pratico-pratique » il y a encore quelques années, la gestion des locaux devient aujourd’hui un outil de management. Les entreprises ont pleinement conscience de cette nouvelle priorité : selon une enquête TNS Sofres menée auprès de dirigeants d’entreprises franciliens, 83% font des nouvelles manières de travailler un enjeu stratégique d’avenir et 63% considèrent que les locaux seront un élément de plus en plus important à l’avenir pour créer un environnement de travail agréable et motivant pour leurs salariés et collaborateurs (*).

Le retour du travail informel

Alain d’Iribarne, directeur de recherches au CNRS, résume parfaitement ce mouvement, qui éloigne les entreprises d’une optique exclusivement gestionnaire de leurs espaces: « les entreprises sont en train de comprendre qu’il faut réhabiliter des espaces qui ont longtemps été déclassés comme les restaurants d’entreprise, les cafétérias, les jardins, les agoras. Ces lieux de rencontre permettent de créer des moments d’échanges privilégiés, riches et spontanés. C’est important, car si les gens ne se connaissent pas, ne se comprennent pas, n’ont pas envie de travailler ensemble, le travail collectif ne fonctionne pas. Il faut restaurer la valeur du travail informel. (**) » Et les études lui donnent raison : la cafétéria arrive en tête des citations des salariés comme lieu le plus approprié pour tenir des réunions informelles dans leur entreprise et améliorer le travail collectif (***). Plus le salarié a le sentiment de s’accomplir au travail, plus il crée de la valeur. L’humain devient alors le nouveau capital et ses capacités d’apprentissage, d’innovation, d’adaptation continue, de formation sont centrales. Ce postulat commence à développer de nouvelles pratiques de recrutement où la personnalité, la subjectivité et la créativité comptent autant que le parcours ou les diplômes.

Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir les autres innovations recensées par PQR 66 et présentées dans le rapport « Français, Françaises, etc. »

(*) Etude TNS-Sofres auprès d’un échantillon de 250 entreprises pour AOS Studley et Foncière des Régions. Octobre 2013.
(**) Interview, 18/10/2012.
(***) La vie de bureau. Etude TNS-Sofres pour Bruneau, janvier 2013

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