En bannissant récemment les utilisateurs d’AdBlock, le Washington Post s’est montré moins malin qu’Eat24 et Fox.com avant lui. Il existe des concepts novateurs pour proposer une nouvelle expérience publicitaire au consommateur. En Belgique l’agence These Days Y&R en apporte une nouvelle preuve.
La guerre est officiellement déclarée. En décidant la semaine passée de priver de lecture les utilisateurs d’AdBlock, le Washington Post a envoyé valser le calumet de la paix : ceux qui pactisent avec l’ennemi, les empêcheurs de facturer en rond, ne sont pas les bienvenus sur le site web du prestigieux quotidien national, qui a pris un virage high-tech depuis son rachat l’an dernier par Jeff Bezos, fondateur et CEO d’Amazon. Le radicalisme de la rétorsion reste une première encore isolée mais il traduit quand même un certain malaise dans les médias. Et par ricochet chez les annonceurs.
Victimes du streaming à la Netflix et Hulu, les caciques de la télévision multi supports ont choisi d’augmenter les espaces de pub pour maintenir leurs revenus. La stratégie n’en finit pas de lasser le spectateur et fait le lit d’AdBlock. Selon une récente étude menée par PageFair et Adobe, le logiciel frôle les 200 millions d’utilisateurs mensuels, avec notamment 50% de croissance aux Etats-Unis en une seule année. Pour les médias classiques, le défi à relever est immense, il requiert l’assimilation d’une nouvelle culture dans un écosystème en permanente mutation. Innover pour trouver des nouvelles méthodes d’engagement avec un consommateur exigeant et lassé, Fox.com s’y est récemment collé en proposant une nouvelle expérience publicitaire aux fidèles de l’émission Master Chef Junior. Sur le Vieux continent, l’agence belge These Days Y&R invente elle un autre concept novateur : le « breakvertising » ou la « pub du bouton Pause ».
Sur le papier le principe est simplissime. Dès que le téléspectateur appuiera sur le bouton pause de sa télécommande, une image apparaîtra à l’écran. Contrairement à une séquence publicitaire classique, le breakvertising se limite intentionnellement à un visuel figé. Le contenu reste donc pour l’instant un simple « clin d’œil » comme l’explique officiellement l’agence anversoise. Si pour autant un message en particulier dérange le consommateur, il peut facilement le désactiver dans les réglages de son digicorder. Le nouveau concept n’en est qu’à sa phase test, le lancement étant prévu pour la fin de l’année.
« Chaque moment de pause est lié à un service ou un produit »
« Nous voulions répondre aux moments « pause » des téléspectateurs de manière agréable et non dérangeante. Ils mettent leur programme sur pause parce qu’ils reçoivent un appel, parce qu’ils doivent aller aux toilettes, parce qu’ils ont un petit creux… Chacun de ces moments est de toute façon lié à un produit ou à un service. Il nous semblait donc ingénieux de donner une chance aux annonceurs d’interagir avec légèreté et pertinence avec les téléspectateurs à ce moment bien précis », commente Gertjan De Smet, directeur artistique chez These Days Y&R, dans une communication datée du 10 septembre.
Encore en expérimentation, le breakvertising compte déjà deux partenaires privilégiés en Belgique, deux clients de l’agence flamande évidemment : Telenet est chargé de sa mise en œuvre et de l’assistance technique tandis que la chaîne SBS doit convaincre les annonceurs de mettre leurs billes dans un modèle qui en l’état n’offre aucune garantie de ROI ni de visibilité. A moyen terme cette première mondiale espère évidemment s’incruster sur toutes les chaînes TV, tous les distributeurs et tous les fournisseurs de télécom.
Eat24 avait joué la carte de la négation
« Comment penser la pub au-delà des formats interruptifs, en comprenant que la personne devant son écran ne tolèrera qu’un certain nombre d’annonces », s’interrogeait James Murdoch, en juin dernier, pendant les Cannes Lions. Deux mois plus tard, le patron de Fox faisait donc appel aux services de l’agence TrueX, rachetée en décembre 2014, pour proposer une pub à la carte et une émission sans interruption sur Fox.com.
Sur YouTube, les pubs pâtissent aussi d’une cote de popularité encore plus basse que celle de notre président. Mal aimées, elles indisposent ou agacent. Pour les annonceurs, pourquoi donc ne pas la jouer franc jeu et carrément conseiller au consommateur de ne pas regarder leurs spots ? En tentant le pari de la psychologie inversée dans sa dernière campagne YouTube, l’application nord-américaine Eat24 innovait déjà en février 2014. Le succès commercial de son audace met sur le devant de la scène marketing une stratégie qui gagne en disciples.
Le concept de la récente campagne « Skip This Ad » reprend la recette d’une ruse parentale fourbe mais efficace : si je dis à mon adolescent de faire une bêtise, il y a de grandes chances qu’il se tienne à carreau. Chantre de la dérision publicitaire sur son blog cynique et iconoclaste, pionnier de la pub sur les sites pornographiques, Eat24 a réussi à redorer le blason de la pub sur YouTube en prônant donc sa négation. C’est simple, en 16 secondes la plate-forme digitale de livraison de repas à domicile vous demande d’abord de passer son spot, s’étonne ensuite que vous ne l’ayez pas encore fait et enfin, vous remercie ironiquement de l’obliger à payer ce visionnage. Le contre-pied est subtil et fonctionne. Même avec son apparat basique la pause de These Days Y&R possède également les atouts pour réconcilier le consommateur avec la pub.