5 mai 2025

Temps de lecture : 3 min

« Dans l’espace de bienveillance des Rencontres du Papotin, on finit toujours par se rencontrer », Julien Bancilhon 

« On peut tout dire au Papotin” mais, surtout, tout peut arriver ! », rappelle au début de chaque émission Julien Bancilhon, psychologue à l’hôpital d’Anthony et également rédacteur en chef du journal, qui modère ce programme parrainé par Éric Toledano et Olivier Nakache (« Hors normes », « Intouchables »…). Coup de projecteur sur « Les Rencontres du Papotin » diffusées sur France Télévisions.
Julien Bancilhon Les Rencontres du Papotin ©Marie Etchegoyen - France Télévisions

Julien Bancilhon Les Rencontres du Papotin ©Marie Etchegoyen - France Télévisions

Au cinéma, « Un petit truc en plus » a été la surprise de 2024. À la télévision, « Les Rencontres du Papotin » ont fait l’événement de la rentrée 2022 à France Télévisions. Depuis, de nombreuses personnalités de la culture, du sport ou de la politique se sont prêtées aux interviews atypiques des journalistes du « Papotin », atteints de troubles du spectre autistique.

INfluencia : Les Rencontres du Papotin sont diffusées sur France 2 depuis 2022. Quel éclairage l’émission a-t-elle donné à la démarche du Papotin, ce journal culturel réalisé depuis 1990 par des journalistes autistes ?

Julien Bancilhon : Ce qui est filmé pour l’émission est avant tout une séance Papotin et, autour de nous, s’organise un tournage de télévision. J’insiste beaucoup pour que l’on ne répète pas ou que l’on ne demande pas aux journalistes de reposer leurs questions. Grâce aux Rencontres du Papotin, le travail que nous faisions depuis des années est pris encore plus au sérieux qu’avant, ce qui est très précieux. Ce regard de l’extérieur infuse partout : chez les journalistes, qui sont aujourd’hui reconnus par leur boulanger et que les gens félicitent dans le train ; chez les parents, qui se rendent compte que le côté atypique de leur enfant est reconnu pour ce qu’il est, avec cet aspect atypique et une fonction journalistique que ces jeunes gens remplissent pleinement. Dans le projet du Papotin, les deux aspects ont toujours été importants : les journalistes sont « comme tout le monde » et avec des particularités liées à leur handicap, qui sont à la fois des atouts et des difficultés. Ces particularités, qui leur ont beaucoup été reprochées et qui les ont parfois exclus de l’école, sont aujourd’hui encensées. Tout le monde trouve que ce sont des journalistes formidables.

Dans le Papotin, les journalistes sont « comme tout le monde » et avec des particularités liées à leur handicap

IN. : Des journalistes qui posent des questions qu’on ne poserait sans doute jamais ailleurs. Maintenant qu’ils connaissent le format, les invités s’y préparent-ils ou se laissent-ils porter par l’exercice ?

J.B : On sent bien que certains se sont préparés alors que, paradoxalement, il est quasi impossible de se préparer à ces interviews qui, pour la télévision, durent entre deux et trois heures, se déroulent devant 40 journalistes atypiques qui ont une élocution particulière et une curiosité étonnante, et aussi qui s’expriment dans des registres qui s’enchaînent avec beaucoup de ruptures car ils sont tous différents et qu’aucun ne cherche à se copier. Certains invités arrivent stressés, surtout depuis le deuxième numéro, quand nous avons su que l’émission serait diffusée le samedi à 20h30 sur France 2. Ce n’est pas simple de s’exposer dans une rencontre aussi singulière devant plusieurs millions de téléspectateurs. Le jour du tournage, François Cluzet a confié qu’il ne pensait plus qu’à ce rendez-vous depuis quatre jours. Le groupe du Papotin sait accompagner ce stress. Une des forces de l’émission, c’est d’avoir le temps. Quand l’invité a du mal à trouver ses marques, on sait qu’il y aura des lectures et plein de questions pour le détendre. Nous sommes dans un espace de bienveillance et on finit toujours par se rencontrer.

Il est quasi impossible de se préparer à ces interviews

IN. : À travers ses programmes, la télévision peut être un vecteur de représentation des minorités et d’inclusion. L’émission vise-t-elle aussi à faire connaître ou avancer la cause de l’autisme, voire de la différence ?

J.B : Ce qui nous intéresse, c’est la culture, et c’est en laissant le Papotin dans ce domaine qu’il a de la puissance et de l’impact. Nous ne nous posons pas la question de notre influence. Il y aurait d’ailleurs quelque chose de narcissique à se dire que nous sommes en train de devenir des figures de proue, que des choses avancent grâce à nous… L’émission ne sera diffusée qu’un temps et nous reviendrons un jour à nos petits problèmes quotidiens, que nous ne quittons d’ailleurs jamais et qui ne sont pas minces. Il est important de ne pas se monter la tête sur ce que l’on apporte, mais de faire notre journalisme du mieux possible. Cela demande déjà énormément de travail.

Ce qui nous tenait le plus à cœur – être au cœur de la vie culturelle – est encore plus intense aujourd’hui

IN. : Sur le cœur du projet, la culture, qu’a apporté cette notoriété audiovisuelle ?

J.B : Les partenariats avec des institutions culturelles reconnues sont essentiels pour que la rédaction puisse assister à des spectacles, rencontrer les metteurs en scène et les acteurs. Depuis que nous sommes à la télévision, plus aucune de ces institutions ne refuse de travailler avec nous. Nous avons rencontré Éric Ruf de la Comédie française, l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat, nous sommes invités dans des théâtres en région pour assister à beaucoup d’initiatives qui enrichissent la vie culturelle… Les groupes de musique qui participent à l’émission ont gagné en notoriété et reçoivent davantage de propositions de concerts. C’est formidable ! Ce qui nous tenait le plus à cœur – être au cœur de la vie culturelle – est encore plus intense aujourd’hui. C’est aussi une reconnaissance incroyable.

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