8 juillet 2020

Temps de lecture : 3 min

Les dangers du doomscrolling, cette navigation compulsive qui nous dévore

Si vous passez vos fins de soirée à parcourir indéfiniment les fils d’actualités de vos réseaux sociaux sans pouvoir vous en détacher, vous êtes peut-être sous l’emprise du doomscrolling. Une consommation boulimique d’informations qui pourrait bien dégrader durablement votre santé physique et mentale.

Si vous passez vos fins de soirée à parcourir indéfiniment les fils d’actualités de vos réseaux sociaux sans pouvoir vous en détacher, vous êtes peut-être sous l’emprise du doomscrolling. Une consommation boulimique d’informations qui pourrait bien dégrader durablement votre santé physique et mentale.

« La principale difficulté aujourd’hui n’est pas de produire un film, un livre ou un site web, mais d’attirer l’attention du public ». Voilà ce qu’écrivait en 2014 le philosophe Yves Citton dans L’économie de l’attention, un ouvrage qui souligne l’enjeu capital d’obtenir et conserver l’attention des individus dans une économie numérique. Aujourd’hui, il semble clair que les GAFAM sont gagnants dans cette bataille pour l’attention : Facebook compte 2,6 milliards d’utilisateurs actifs chaque mois, les Américains de 16 à 24 ans passent plus de 3h par jour sur les réseaux sociaux et désormais, la réflexion sur le doomscrolling émerge.

« Faire défiler son écran jusqu’à la fin du monde »

Le doomscrolling cristallise notre rapport chaotique à l’attention. Il s’agit d’un mot-valise formé de « doom » (la mort, la chute) et « scrolling » (faire défiler), désignant l’habitude de scroller à l’infini les fils d’actualité de nos réseaux sociaux. Un phénomène d’infobésité que nous avons tous expérimenté à la maison ou au travail, balayant notre écran sans discontinuer, les yeux rivés sur l’écoulement infini des flux d’informations. Une captivité de notre attention qui tend à nous piéger dans des boucles de rétroaction chronophages.

Si le mot semble avoir été inventé sur Twitter en 2018, c’est en 2020 qu’il s’est popularisé à travers la crise sanitaire du Covid-19. La pandémie a provoqué un tel besoin de s’informer (symptômes, gestes barrières, diffusion du virus…) que de nouvelles formes de navigation compulsive ont été observées. « Le doomscrolling est devenu une façon de faire face à ce qui est inconnu et terrifiant » explique Alissa Richardson, professeure de journalisme en Californie. « Nous n’avons aucune expérience d’une pandémie à cette échelle, ni d’un confinement global. Le doomscrolling a, en ce sens, encouragé les gens à s’éduquer sur le sujet». Une volonté de s’éduquer qui contraste avec le caractère anxiogène des informations qui essaiment les réseaux sociaux : le réchauffement climatique, les violences policières, le populisme…

Un design addictif

Le cerveau humain est naturellement en quête d’informations lorsque des évènements inédits se présentent. Il est ainsi normal que les audiences des médias en ligne aient largement augmenté, à plus forte raison en période de confinement. Mais les réseaux sociaux libèrent aujourd’hui un tel débit d’information qu’il est difficile pour le cerveau de trier et ordonner ses idées pour constituer un récit logique.

Ce morcellement de l’information vient de deux problèmes : les algorithmes fermés et le design addictif. Tandis que les algorithmes produisent des bulles à filtre qui nous enferment dans un flux d’information personnalisé, l’architecture de la plateforme nous incite à défiler toujours plus bas pour nous informer et nous divertir. « Des algorithmes vous connaissent, ils évaluent et vous suggèrent ce qui attire déjà votre attention ou pourrait vous intéresser » explique Dana Garfin, professeure adjointe de l’UC Irvine.

Des dangers pour la santé

Des études ont depuis longtemps observé le lien entre la hausse de l’anxiété et du stress et le temps passé sur les réseaux sociaux. Une étude de l’Université de Copenhague publiée en 2016 a par exemple montré que les utilisateurs qui passent plus de temps à lire et à consommer du contenu de manière passive (sans démarrer de conversations) sont plus susceptibles de développer un stress important que les personnes actives dans leur consommation. La recherche permanente d’information produit également une dépendance et donc une incapacité à pouvoir se déconnecter lorsque c’est nécessaire.

Face aux enjeux de l’économie de l’attention, il est nécessaire d’apprendre à sortir de ses logiques de captivité. L’utilisation du mode « noir et blanc » pour rendre l’écran moins attractif, la désactivation des notifications, le mode silencieux sont autant de petits éléments qui permettent de lutter activement contre le doomscrolling. Vous pouvez également vous pencher sur les smartphones détox si vous souhaitez protéger votre temps de cerveau disponible.

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