26 mai 2025

Temps de lecture : 4 min

Crise ou renaissance ? Le commerce en France entre faillites record et nouveaux concepts

Même si plus de 3000 magasins ont fermé leurs portes en France en cinq ans, le retail en périphérie, la restauration et les loisirs continuent d’afficher une croissance insolente. David Bourla, Head of Research chez Newmark, nous détaille cette mutation profonde du paysage commercial français.

RETAIL

Rallye, Jennyfer, Chaussexpo, Mister Menuiserie, Esprit, Keria, Cash Converters, Olly Gan, The Body Shop France, Burton of London, Kaporal, Café Coton… Le nombre d’enseignes liquidées en 2024-2025 est impressionnant. Depuis 2020, plus de 3000 magasins ont fermé leurs portes en France, rien que dans le secteur de la mode. San Marina et Camaïeu ont disparu, Minelli, Go Sport et André ont fermé plus des trois quarts de leurs points de vente. Un Jour Ailleurs, Kookaï et Du Pareil Au Même en ont conservé moins de la moitié. Le parc de boutiques a chuté de 16% en cinq ans.

Des causes multiples

Les raisons de cette crise sont connues : le moral en berne des Français qui préfèrent épargner plutôt que dépenser, la concurrence du commerce en ligne, le succès des articles de seconde main, la mauvaise gestion de certaines enseignes, et le remboursement des prêts gouvernementaux octroyés durant le Covid qui ont mis à mal les entreprises les plus fragiles.

Tout n’est pas noir

Une étude très complète du cabinet de conseil en immobilier Newmark, intitulée « Retail Lab », montre toutefois que le marché des commerces dans l’Hexagone n’est pas dans une spirale négative hors de contrôle. Loin de là. À force de regarder le verre à moitié vide, on oublie parfois qu’il est également à moitié plein… « Il ne faut pas fermer les yeux sur les enseignes qui souffrent et qui réduisent leur nombre de magasins, mais il est également important de noter que de nombreux acteurs continuent de se développer et d’ouvrir de nouveaux points de vente », explique David Bourla, Head of Research chez Newmark.

Des projets d’ouverture à la pelle

En 2024, 190 plans de développement avaient été annoncés par des retailers, représentant près de 3 000 ouvertures potentielles de points de vente. Depuis le début du mois de janvier, 130 nouveaux projets ont été dévoilés, soit près de 2 000 magasins supplémentaires. Comme les années précédentes, la restauration représente, grâce au dynamisme de la franchise, la plus grande part des enseignes en cours de développement, soit 28 % du total. « L’essor de nouveaux concepts comme les coffee shops, les donuts, le poulet frit pousse de nouvelles enseignes », assure David Bourla. Les enseignes d’alimentation, notamment de boulangeries, se développent également beaucoup, tout comme certains spécialistes de la beauté et de la santé, notamment dans l’optique et l’audition. Le sport et les loisirs sont aussi en pleine progression. Savez-vous par exemple que le premier vendeur d’habillement en France est… Intersport ? L’activewear se porte aussi très bien avec des enseignes comme Lululemon.

Les enseignes étrangères investissent massivement l’Hexagone

Si certains retailers installés en France depuis longtemps ont souffert dernièrement, de nouveaux groupes internationaux continuent de s’implanter dans notre pays. En 2024, pas moins de 103 enseignes étrangères ont ouvert leurs premiers points de vente dans l’Hexagone, et cette année, 75 nouveaux retailers leur ont emboîté le pas. C’est le cas notamment de Pratesi, Unfeigned, Hairdis, Chicjoc, Legami ou Tosca.

David Bourla, Head of Research chez Newmark

Paris résiste, la province s’adapte 

La « crise » du commerce dans notre pays touche différemment Paris et la province. La capitale résiste globalement mieux, mais des nuances existent. Les grandes artères parisiennes comme les Champs-Élysées, l’Avenue Montaigne, la Rue Saint-Honoré, la Place Vendôme et la Rue de Passy sont toujours très demandées. Le taux de vacance des 24 rues les plus recherchées atteint à peine 4,4 % aujourd’hui. Certaines zones retrouvent leur popularité perdue, comme l’avenue de l’Opéra, où les commerces de milieu de gamme, nombreux avant le Covid, ont été remplacés par des coffee shops branchés et des chocolatiers haut de gamme.

Une dynamique contrastée selon les zones

En province, il faut distinguer grandes villes, villes moyennes et périphéries. « Le retail dans les plus grandes villes reste relativement dynamique, même s’il a tendance à se resserrer sur les artères prime », analyse notre expert de Newmark. Les travaux et les restrictions de circulation dans certaines agglomérations, comme Lyon, ont toutefois un effet néfaste sur le commerce, car les provinciaux dépendent davantage de leur voiture que les Parisiens. Cette particularité touche aussi les villes moyennes, également pénalisées par un autre phénomène : les enseignes ont tendance aujourd’hui à optimiser leurs parcs de magasins en fermant ceux qui sont les moins rentables. Cette tendance affecte même des groupes en bonne santé, comme Inditex, le propriétaire de Zara, qui a réduit de 26 % le nombre de ses points de vente en cinq ans, tout en augmentant de 34 % leur surface moyenne.

Le boom des retail parks et des zones commerciales de périphérie

Les zones commerciales de périphérie se portent, elles, beaucoup mieux. Elles profitent des plans d’expansion d’enseignes dans d’autres secteurs que la mode : restauration, alimentation, animaleries, sport-fitness ou discount. Toujours très prisés, les retail parks représentent la majorité des nouveaux développements d’ensembles commerciaux. En 2024, ils comptaient pour 72 % des 290.000 m² inaugurés en France. Ils resteront majoritaires en 2025, mais leur part devrait décroître en raison de la hausse des livraisons d’ensembles en pied d’immeuble, avec quelques opérations significatives situées notamment en Île-de-France (comme « Bobigny Cœur de Ville »).

Les loisirs, nouvel eldorado

En revanche, les centres commerciaux ne représenteront qu’une faible proportion des nouveaux projets inaugurés cette année (moins de 10 %). Le dynamisme de la périphérie est aussi lié au développement de pôles dédiés aux loisirs, proposant un large éventail d’activités : karting, bowling, murs d’escalade, laser games… Cette année, plus d’une douzaine de complexes de loisirs devraient être inaugurés en France, représentant une surface totale de près de 120.000 m², contre 89.000 m² en 2024 et 66.000 m² en 2023.

S’appuyant parfois sur le recyclage de friches industrielles, le développement de ces complexes de loisirs découle également de la transformation, partielle ou totale, de centres commerciaux classiques. Cela permet aux bailleurs de diversifier leur offre, d’élargir leur socle de clientèle et de dynamiser la fréquentation de leurs sites. Parfois, cela permet aussi de compenser le départ d’enseignes issues de secteurs moins dynamiques ou en cours d’optimisation, comme l’Imagi Park de « Val d’Europe » (ex-Castorama), SpeedPark dans « Shopping Promenade Riviera » (ex-Printemps) ou le futur « Hall U Need » de Saint-Priest (ex-Ikea).

Des tendances mondiales

Les tendances du commerce en France sont comparables à celles observées dans d’autres pays. « C’est particulièrement vrai concernant les capitales, conclut David Bourla. La volonté des grandes enseignes d’ouvrir des flagships dans les plus beaux emplacements touche aussi bien Paris que Londres ou New York. La forte percée de la restauration, des loisirs et du sportwear est également un phénomène mondial. » Quand on vous disait que le verre était à moitié plein…

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