30 août 2016

Temps de lecture : 3 min

Le corps, aire transitionnelle d’expérience au cœur des jeux pervasifs

Les jeux pervasifs -à l’image de Pokémon Go- détonnent des jeux « classiques » en brisant le « cercle magique » cher à Johan Huizinga (voir un précédent article sur le sujet). Mais il s’attache également à désenclaver l’outil principal du joueur, avant même l’utilisation de son smartphone : le corps humain.

Les jeux pervasifs -à l’image de Pokémon Go- détonnent des jeux « classiques » en brisant le « cercle magique » cher à Johan Huizinga (voir un précédent article sur le sujet). Mais il s’attache également à désenclaver l’outil principal du joueur, avant même l’utilisation de son smartphone : le corps humain.

Ainsi, le jeu pervasif, sous-genre auquel appartient Pokémon Go, a cette particularité de remettre au centre de l’attention la pleine utilisation des facultés physiques du joueur. Celui-ci, dont la pratique pouvait être relativement réduite dans des jeux de société ou des jeux vidéo, a au contraire déjà eu l’occasion de mettre son enveloppe charnelle au service de ses désirs via des jeux de rôle comme le GN ou « grandeur nature » (pratique du jeu de rôle proche du théâtre où le joueur incarne pleinement son personnage, avec costume et accessoires sur de longues durées pendant une journée, un week-end, une semaine). Plus récemment, la console de salon Wii proposait un « réinvestissement » de l’organisme de chacun, rapprochant le jeu du sport. Pokémon Go est dans cette continuité, optant pour la marche comme principal moteur d’action. Celle-ci permet tout à la fois de trouver des Pokémon, d’accéder à des Pokéstop (réserves d’objets disséminées dans de nombreux lieux) et de se rendre dans des Arènes où faire combattre ses petits protégés.

Devenir multisports ?

Alors que certains vantent l’intérêt ludique de Pokémon Go et sa capacité à faire se lever et déambuler les plus récalcitrants, pour peu qu’un Pikachu les attende au coin de la rue, il est intéressant de voir que les personnes les plus endurantes seront certainement avantagées avec une pareille mécanique de jeu. L’intelligence et la logique seules ne suffisent plus ici, et une véritable « aire transitionnelle d’expérience » semble se mettre en place, telle que théorisée par le pédiatre, psychiatre et psychanalyste, Donald Winnicott. Ses recherches, certes tournées vers l’enfance, peuvent être adaptées au jeu pervasif, en cela qu’il décrit cette aire comme « une aire, [allouée à l’enfant], qui se situe entre la créativité primaire et la perception objective basée sur l’épreuve de réalité. Les phénomènes transitionnels représentent les premiers stades de l’utilisation de l’illusion sans laquelle l’être humain n’accorde aucun sens à l’idée d’une relation avec un objet, perçu par les autres comme extérieur à lui ».

Ainsi, Pokémon Go et d’autres, dans les compétences directes ou indirectes qu’il demande, peut être envisagé comme cette zone mixte d’apprentissages, juxtaposant fantasmes, désirs et réalité. Bien évidemment, pour ce jeu en particulier, l’échange de compétences entre une personne et son rôle de joueur semble limité et surtout lié à son endurance, mais il est possible d’imaginer l’existence future de compétences plus poussées, nécessitant des capacités préalables ou un apprentissage spécifique pour le jeu (escalade, natation…). Le participant subit par ailleurs les règles et restrictions de la réalité, mais aussi des aléas plus classiques (accès à des propriétés privées, vols, risques urbains..), comme de nombreux articles ont déjà pu le relever pour le jeu Pokémon Go.

Remettre le corps au centre de l’attention et inventer une gestuelle propre

Au-delà du corps, il s’agit également d’inventer toute une gestuelle typique de l’univers de chaque jeu, ce que Pokémon Go n’a fait qu’effleurer jusqu’ici. Le mouvement caractéristique de « glisser » du doigt sur l’écran de son smartphone est un indicateur solide de la présence d’un membre de la communauté, mais reste marginal dans l’identification et la qualification des joueurs et spectateurs aux yeux d’autrui. Là encore, des codes uniques, demandant pantomimes ou réalisations réfléchies amélioreraient le gaming. Par exemple, devoir identifier par des signes adéquats un membre de son équipe de celui d’une équipe adverse pour pouvoir lui transmettre des objets ou des Pokémons, pourrait se révéler tout à fait intéressant, voire démultiplier le plaisir de reconnaissance entre utilisateurs.

Enfin, on pourrait aisément imaginer certains Pokémon n’apparaissant qu’à des profils spécifiques de personnes, détenant des compétences physiques ou techniques propres leur ouvrant la voie d’éléments rares. Ceux-ci deviendraient des personnages indispensables pour les équipes. Cependant, pour conserver tout l’intérêt du grand public, de telles « améliorations » devront au préalable prendre en compte très finement le profil de sa communauté, en partie explicitée pour la France par une enquête Ifop commandée récemment par Metronews.

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