21 septembre 2014

Temps de lecture : 6 min

La consommation responsable doit-elle se réformer ?

Consommer responsable, c’est presque acquis ! Mais si chacun s’y engage de plus en plus, c’est selon ses propres préoccupations ou motivations tandis que le pouvoir des actions collectives est également de plus en plus fort. Un paradoxe, reflet de la société civile et décrypté par « Un pour un, Un pour tous », l’étude typologique de consommateurs réalisée par Ethicity.

Consommer responsable, c’est presque acquis ! Mais si chacun s’y engage de plus en plus, c’est selon ses propres préoccupations ou motivations tandis que le pouvoir des actions collectives est également de plus en plus fort. Un paradoxe, reflet de la société civile et décrypté par « Un pour un, Un pour tous », l’étude typologique de consommateurs réalisée par Ethicity.

Participer à la transition écologique, être solidaire de la société, consommer responsable, agir ensemble et autrement… presque tout le monde en est convaincu. Preuve en est la réussite du coup publicitaire de la campagne « Fruits et Légumes Moches » signée Marcel pour Intermarché, au printemps dernier.

Pourtant dans ce combat rien n’est linéaire car chacun a son curseur et son pré carré. L’implication -d’abord individuelle et le cas échéant collective- passe non plus par un concept monolithique vieillissant mais par une multitude de mots qui en disent long comme bien être, plaisir, transparence, preuve, lien , échange, cohérence, innovation, coach, usage, robuste, utilité, simplicité, local, partage, mieux faire, emploi, répartition de valeur, numérique, recul… Tels sont les enseignements de la nouvelle typologie consommateurs menée depuis 10 ans par Ethicity (groupe Greenflex) et intitulée cette année : « Un pour un, un pour tous » (*). « Un engagement protéiforme du plus féru au plus flegmatique mais démocratisé et qui a un impact sur les marques », annonce Elizabeth Pastore Reiss, fondatrice d’Ethicity et directrice générale déléguée de Greenflex « Ces dernières, n’ont plus qu’une seule alternative : être à l’écoute de ces publics en étant éco acteur et éco innovant pour encourager à aller plus loin les premiers et pour éloigner les seconds de la tentation du dénigrement ». Avec un objectif à terme : amener la société civile entière vers le good buzz.

8 groupes qui peuvent faire la pluie et le beau temps sur une marque

Pour son rapport 2014, Ethicity s’appuie sur une segmentation en 8 nouveaux groupes afin de coller davantage à l’évolution de la population. Chacun se plaçant autour de deux axes : « Préoccupations socio économiques/Recherche de sérénité » à la verticale et « Scepticisme-résistance/ Acheter autrement » à l’horizontal. L’insight qui permet ainsi de déterminer les comportements et les attentes spécifiques de chacun révèle aussi que s’il y a de plus en plus d’adhérents à la consommation responsable souhaitant aller plus loin, il reste encore des récalcitrants soit à soutenir dans leur implication soit à carrément convaincre. Mais quels qu’ils soient, les marques ne manquent pas de leviers pour agir et donner satisfaction.

Les balbutiants ou les crispés

Les Jeunes classiques (9,1%) recherchent de l’accompagnement notamment par des applications digitales, la pédagogie de l’écosystème, la cohérence des actions avec leurs systèmes de valeurs.

Les Ecosentiels (16,5%) raffolent du bénéfice financier pour leur foyer, la simplicité, l’utilité et la biodiversité.

Les Happy self (8, 1%) visent l’innovation, le plaisir, des preuves, une assurance de l’impact sur l’emploi et la répartition de la valeur.

Les Matérialistes (15%) exigent des preuves, la répartition de la valeur et l’impact sur l’emploi.

« Ce besoin de transparence et de preuves propre aux plus dubitatifs, est transverse à tous les groupes », confirme Elizabeth Pastore Reiss. Mais attention cette réassurance ne concerne pas la marque en elle-même que le consommateur aime, mais la sincérité de cette dernière à s’engager vraiment dans la consommation responsable et sa capacité à lui démontrer en quoi c’est moderne, innovant, meilleur pour lui et garant de plaisir. « Ce qui corrobore notre étude « Révolution durable : 10 ans de transition vers de nouveaux modes de vie » et qui avait révélé les 5 tendances fortes capables de motiver la population française vis-à-vis de la consommation durable : garantir, résister, réconcilier, participer, réinventer ».

De plus, dans un contexte de digitalisation et d’accélération des modes de vie et d’échanges, l’enjeu est que tous les acteurs (politiques, économiques, médiatiques, individus…) soient cohérents et fournissent des informations fiables…. Et surtout pas superficiels, au risque d’être malmenés par leurs clients !

Les convaincus et les déterminés

Les Modernes Humanistes (15,3%) aiment les initiatives favorisant l’échange et le lien humain, la mise en place de collectifs pour faire plus et mieux.

Les Share activistes (8,2%) apprécient le local, l’économie circulaire, l’utilité et ce qui évite toute déperdition (robustesse, énergie), les collectifs d’achats et de financement.

Les Green Twees (18,2%) sont sensibles au bien être, au vivant, à la qualité plutôt qu’à la quantité, au lieu pour partager les solutions et faciliter l’action (**).

Les Slow Fast (9,2%) affectionnent le bien être, la simplicité, le local.

« Avec ces groupes, on est à la fois dans la quête de lien et de sens ainsi que dans l’appréciation de tout ce qui peut être fait en collaboration avec les ONG ou les marques », insiste Elizabeth Pastore Reiss « Pour cela on a besoin de se créer un imaginaire à travers un personnage idéal auquel on peut se rattacher, car plus le réel est instable, plus l’incarnation est nécessaire. Les Américains font très bien cela grâce à des personnalités engagées mais aussi glamour et populaires comme Angelina Jolie ou George Clooney. En France, cette représentation symbolique fait défaut même si on a des icones comme Pierre Rabhi. Les marques peuvent devenir ces coachs emblématiques, d’ou l’importance d’avoir une histoire, des services fidèles à la promesse, des produits à la technologie innovante même si elle n’est pas perceptible, un sens citoyen… bref une vision d’entreprise pour donner envie de coopérer ». A ne surtout pas négliger, car ces groupes qui n’hésitent pas à s’exprimer sur le web, peuvent faire la pluie et le beau temps à propos d’une marque si celle-ci n’est pas en phase avec les promesses et les attentes.

2004-2014 : du développement durable statutaire à l’engagement multi facettes très concret

« En 2004, l’engagement était motivé par la recherche de bénéfices collectifs (préservation de la planète et recherche d’éthique). Il dépendait de la connaissance même de l’expression « développement durable » qui maintenant est un répulsif tant elle est synonyme de contraintes», constate Elizabeth Pastore Reiss « en 2014, l’engagement est multi facettes : si les enjeux collectifs environnementaux restent centraux, les enjeux sociaux et économiques (local, participatif, partage) sont aussi intégrés ».

Autre évolution : la recherche d’autrement est dictée par des préoccupations plus individuelles telles que la recherche de qualité (produit de meilleur goût, plus efficace…), le plaisir, le bien être, l’innovation ou une envie de simplicité qui répond à un objectif d’économies financières pour certains et à un choix d’authenticité pour d’autres (utilité, robustesse, plus simples, moins superflus, plus accessibilité, plus naturel, plus proche, plus de recul, plus de saisonnalité).

De plus, en 2004, 3 groupes étaient identifiés comme étant plus engagés soit 39% de la population. Aujourd’hui, ils totalisent 50,9% et sont répartis en 4 groupes. « On constate une féminisation de l’action (57% des individus engagés sont des femmes contre 51% en 2004) », souligne Elizabeth Pastore Reiss « pas vraiment étonnant, car elles sont 80% à faire les achats ». Par ailleurs l’engagement se démocratise et n’est plus l’exclusivité des privilégiés et intellectuels parisiens : aujourd’hui seuls 36% des Français engagés sont des cadres, professions intermédiaires et retraités de CSP+ et seulement 17,6 vivent en région parisienne.

En outre, l’engagement est corrélé au détachement matériel : plus on est engagé, plus on est dans la valeur d’usage du produit, l’économie de partage, le regroupement en collectifs d’actions (achats, crowed funding, colocation…). Moins on est engagé, plus on reste attaché à la possession quitte à acheter d’occasion. Cet engagement pousse aussi au besoin de « mieux faire » : les groupes « Modernes Humanistes » et « Share Activistes » sont ainsi plus nombreux à déclarer qu’ils aimeraient un lieu près de chez eux leur permettant de partager des solutions pour mieux consommer.

Et derniers éléments de réflexion également encourageants. Tout d’abord, il y a de l’optimisme dans les rapports humains. « Et c’est bien! Parce que cela porte la société vers le progrès », note Elizabeth Pastore Reiss. D’autre part, le digital joue aussi un rôle dans l’engagement, non seulement parce qu’il est un accélérateur mais également comme lieu d’expression individuel ou commun, source d’information et de recueil d’avis. Enfin, la mondialisation n’entre pas en contradiction avec la faculté de créer ou de consommer un produit responsable. Au contraire, elle est considérée comme une source de progrès et apparait donc comme une chance.

Florence Berthier

(*) Enquête annuelle menée avec Kantar TGI auprès d’un panel représentatif de la société française de 3700 individus âgés de 15 à 74 ans, entre février et mars 2014.
(**) Anagramme de sweet qui vient des USA et qui désigne des individus vivant dans un monde de douceur, de valeurs gentilles et réconfortantes.

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