9 octobre 2022

Temps de lecture : 5 min

Comment réduire son stress et son écoanxiété ?

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en Métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

Quelles sont les causes de l’anxiété, de la dépression, de la culpabilité ou de l’épuisement psychologique qui écrasent certains d’entre nous au vu du contexte climatique actuel ? Plus précisément, qu’est-ce que l’écoanxiété, cette affection qui rassemble ces différents maux ? Il s’agit d’une anxiété générée par les problèmes écologiques présents ou futurs. S’y ajoute le stress généré par un monde pris dans une croissance toujours plus rapide. Le bon côté de cet état de fait, c’est une certaine augmentation des choix de vie possibles… Mais il y a des inconvénients. On se disperse ainsi toujours plus, et l’explosion des choix possibles entraîne une diminution du temps disponible. Les jeunes, notamment, sont particulièrement frappés par ce phénomène. « Les trois quarts des 16-25 ans dans 10 pays, du Nord comme du Sud, jugent le futur effrayant » d’après une étude approuvée par la revue The Lancet Planetary Health et 45 % des jeunes sondés dans 10 pays affirment même que l’écoanxiété affecte leur vie quotidienne.

Les apports de l’écopsychologie

Certaines pratiques et approches aident toutefois à réduire l’écoanxiété, l’écopsychologie notamment. Elle consiste à analyser les relations entre psychologie et écologie. Si le terme se répand seulement aujourd’hui, l’idée a une longue histoire. Il développe également une dimension plus scientifique depuis une cinquantaine d’années.

Concrètement, les premiers chercheurs en « écopsychologie » créent notamment des jardins thérapeutiques, tels ceux de l’Ehpad de Huelgoat (Bretagne) mis en place par Jean Merret dés la fin des années 1970. Plusieurs auteurs marquent les débuts de cette discipline : des psychologues (Robert Greenway), des écologistes, des philosophes (Aern Naess), etc.

Quant au concept d’écopsychologie, il est formalisé par Theodore Roszak, sociologue et théoricien de la contre-culture, dans son livre de 1992, « La voix de la terre » (non traduit ; sous-titré « An Exploration of Ecopsychology » dans des éditions ultérieures). Il s’appuyait sur l’ouvrage de Paul Shepard (Nature et Folie, 1982) qui observait les relations entre la nature et la conscience humaine. La revue L’Écologiste a réalisé un numéro spécial en 2010.

Le jardin thérapeutique est l’approche qui est aujourd’hui la plus diffusée. Les jardins enrichis se multiplient et sont désormais de plus en plus pensés dans leurs liens avec les patients qui les parcourent et leurs besoins. Cette pratique est citée dans le troisième plan Alzheimer pour les années 2008-2012, établi sur la base des travaux de la commission présidée par le professeur Joël Ménard, ou par la société européenne d’écopsychologie.

Un pionnier Français en écopsychologie

François Terrasson peut sans doute être considéré comme un pionnier français de la discipline, avec son ouvrage « La Peur de la nature » (2012) où il interroge quelle nature nous aimons… Car entre les morsures de serpents et les piqûres d’insectes, les tempêtes et autres inondations, sécheresses et avalanches, la « nature » n’est pas sans danger. Rappelant les faits, l’auteur « cherche à décrypter nos rapports profonds » avec elle et relève avec humour nos fonctionnements internes et explique pourquoi notre société, par son fonctionnement, semble « s’acharner à détruire la nature ».

Dans d’autres pays, le lien avec la nature s’est mieux conservé. Ainsi, au Japon, pourtant hypermoderne, la tradition du Shinrin Yoku, qui signifie « bains de forêt », reste très forte. La méthode consiste principalement à aller marcher lentement sans aucun but pendant deux heures en se « Laissant guider par son corps, prenant son temps et savourant les sons, les odeurs… ».

Cette tradition a acquis une reconnaissance internationale. Dans ces publications scientifiques, Qing Li (médecin immunologiste au Département d’hygiène et de santé publique à l’université de médecine de Tokyo) évoque plusieurs aspects de cette discipline visant à réharmoniser corps et psychisme avec la nature.

Ses études ont par exemple montré que les lymphocytes (fractions de nos « globules blancs », impliqués dans notre système immunitaire) s’accroissent dans le corps pendant un mois après une promenade de six heures en forêt. Ou que, lorsqu’on est déprimé, marcher limite notre tendance à rester sur des pensées négatives en nous aidant à mieux percevoir notre corps, en nous poussant à observer le monde environnant – naturel ou non.

Mais si la nature peut nous aider, sa dégradation (sous l’effet de la pollution, de destruction, etc.) influe également – négativement cette fois – sur nous. D’où les sentiments de détresse émotionnelle allant du regret à la dépression en passant par l’angoisse. Cela peut concerner notre présent, notre futur, celui de nos enfants ou la vie des personnes vivant dans des pays plus exposés aux bouleversements climatiques.Marcher en forêt, prendre le temps de s’intéresser à son environnement, est bénéfique non seulement psychologiquement mais aussi pour sa santé et son système immunitaire. KarepaStock/Shutterstock.

Quand les problèmes écologiques nous font mal

Plusieurs types d’émotions négatives ont été identifiés comme liés aux problèmes écologiques. Il faut ainsi distinguer :

L’écoanxiété, générée par l’angoisse des futurs écologiques dégradés ou catastrophiques, causés eux-mêmes par le réchauffement climatique, la fin des ressources non renouvelables (énergies, métaux…). Ce qui risque d’entraîner famines, pauvreté, guerres, migrations massives à l’échelle planétaire, etc.

La dépression, dont la « solastalgie » (terme inventé par le philosophe Glenn Albrecht) qui renvoie à une profonde tristesse liée à la disparition d’un lieu naturel : paysage, vallée ou territoire où des personnes ont habité auparavant et avec lequel elles ont noué un lien affectif fort. Lorsque ce site est ensuite dévasté par le forage d’une mine, une construction industrielle, des bombardements voire une catastrophe naturelle, ce syndrome « solastalgique » peut se manifester.

Le déni, consistant à faire comme si « tout allait bien » malgré les alertes régulières faites par la communauté scientifique. Le déni peut consister aussi à minimiser le problème, sa responsabilité personnelle, nationale, etc. Il peut enfin contribuer à penser qu’on trouvera « bientôt » des solutions, en particulier techniques. Le déni contribue au statu quo et au peu d’évolution dans les modes de vie, au plan personnel ou collectif.

La culpabilité et la déculpabilisation, ayant pour origine le sentiment d’être en partie responsable, ou non, des problèmes écologiques locaux ou planétaires. Le fait que l’empreinte carbone et écologique s’avérant en moyenne proportionnelle à ses revenus et sa consommation peut se révéler déculpabilisant pour les plus pauvres au Nord comme pour certains pays en développement ou émergents. La déculpabilisation peut prendre plusieurs formes, telle que le déni du problème ou de sa responsabilité.

Des approches pour se reprendre en main

Il existe une grande variété de pratiques qui peuvent être utiles, soit pour aider à retrouver un lien avec la nature, soit pour gérer son écoanxiété. La psychologie elle-même propose des clés pour dénouer des inquiétudes :

Se déculpabiliser par la prise de conscience de sa place secondaire dans la hiérarchie de la responsabilité environnementale,

Diminuer sa peur par la prise de conscience de ses peurs subconscientes et de leurs causes, comme le proposent les méthodes psychothérapeutiques,

Lâcher prise avec son écoanxiété en apprenant à accepter le pire, tout en restant en paix. C’est ce qu’on dénomme le « travail de deuil ».

Autre méthode : pratiquer simplement une écologie de loisir, qui promeut la randonnée et les sports de plein air, peut apporter du mieux-être… L’art, en poussant à regarder plus en profondeur la nature, à s’y intéresser quitte à la réimaginer, la réinterpréter, contribue aussi à renouer un lien. Cette façon de percevoir les choses au-delà de leur apparence réelle peut rappeler celle de peuples autochtones, qui ont conservé des pratiques animistes ou chamaniques.

Entre le chamanisme et l’écopsychologie, il y a les pratiques écopsychologiques de sensibilisation par les cinq sens (percevoir la beauté de la nature, écouter les sons des oiseaux, sentir les odeurs des forêts, toucher l’écorce des arbres…). Certains proposent de créer un lien « affectif » avec les arbres, en les enserrant dans ses bras. Pour aider à se réharmoniser avec la nature, le sociologue Hartmut Rosa propose d’apprendre à entrer en « résonance ». Auparavant il préconisait de ralentir face à l’accélération du monde.

Parmi les solutions pour diminuer son écoanxiété, il y a aussi l’action collective et individuelle. Pourquoi, en effet, ne pas s’engager dans une association de défense de l’environnement ? Ou dans un groupe de protection et d’étude des oiseaux, de la biodiversité ? Au-delà du simple (mais important) plaisir de se promener dans la nature, cela permet d’apprendre comment fonctionnent les écosystèmes, de connaître les animaux et plantes de sa région – ceux qui sont en danger, et comment faire pour les protéger.

S’impliquer dans des causes qui font sens, se sentir utile et prendre du temps pour cela, pour de la convivialité, sont ainsi des techniques d’écologie sociale aux effets positifs.

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