3 septembre 2017

Temps de lecture : 5 min

Les collaborations marques & « Influenceurs 2.0 » : un écosystème dans le collimateur ?

Les influenceurs constituent une communauté très courtisée par les marques pour devenir une Love Brand. Mais derrière ce business juteux se cache la notion floue de contenu de marque, véritable millefeuille juridique à géométrie variable selon le pays concerné.

Les influenceurs, une communauté très courtisée par les marques pour devenir une Love Brand. Mais derrière ce business juteux se cache la notion floue de contenu de marque, véritable millefeuille juridique à géométrie variable selon le pays concerné.

Bloggeurs et Instagrameurs pour l’image, YouTubeurs pour l’aspect viral et la capacité à fédérer une large communauté, ou encore Snapchateurs pour la visibilité médiatique, les influenceurs sont aujourd’hui devenus les porte-paroles incontournables des marques.

Si cette vague d’influenceurs a rapidement su trouver sa place dans le monde du marketing digital, la qualification juridique de leur activité a été nettement moins aisée. C’est la Directive européenne 2010/13/UE, dite « SMA », qui est venue en préciser les contours et a considéré que ces « activités dont la vocation première n’est pas économique et qui ne sont pas en concurrence avec la radiodiffusion télévisuelle, comme les sites web privés consistant à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés, à des fins de partage et d’échange au sein de communautés d’intérêt », ne sont pas des services de médias audiovisuel à la demande, et ne sont donc pas soumis à la réglementation du CSA relatives au placement de produit.

La brèche est donc ouverte pour échapper à la régulation du CSA en passant par du placement de produits sur les réseaux sociaux (branded content) : les influenceurs créent et publient des vidéos de type promotionnel pour parler d’un produit ou service contre rémunération ou apport en nature. Cette pratique a de nombreux avantages : rémunération (ou remise de produits) pour l’influenceur ; gain de visibilité, amélioration de son image et de sa e-réputation pour la marque, tout en véhiculant un message qui ne parait pas trop commercial ou intrusif. Mais en pratique, les influenceurs et les marques oublient bien (trop) souvent de mentionner l’existence d’une collaboration commerciale. Tout le monde semble donc y trouver son compte… sauf les consommateurs.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’est donc saisie de ce sujet fin 2015. Elle a ouvert des enquêtes sur une dizaine de vidéos publiées sur YouTube qui pourraient s’avérer être de la publicité déguisée, en véhiculant un message à caractère promotionnel, mais sans le spécifier aux internautes.

La France ne fait que suivre une tendance initiée par les pays anglo-saxon. Les autorités américaines, via la Federal Trade Commission, sont notamment intervenues concernant la promotion par des YouTubeurs du jeu Shadow of Mordor de Warner Bros sans en avoir informé le public, et plus récemment, en mettant en garde près de 90 célébrités et autres influenceurs utilisant Instagram pour faire de la publicité déguisée. De son côté, l’autorité britannique des normes publicitaires, Advertising Standards Authority, a en 2014 établit une infraction à l’obligation de signalisation de la publicité par certains YouTubeurs faisant la promotion des biscuits Oreo, et a enjoint au groupe alimentaire Mondelez UK Ltd. de veiller à ce que la publicité soit clairement signalisée en tant que telle avant que les utilisateurs publient leurs vidéos.

La perte du « capital confiance » : la véritable sanction pour les marques et influenceurs ?

Le panel des sanctions pouvant être prononcées par la DGCCRF auprès des influenceurs est large : avertissements, injonctions et/ou transaction amiable. Mais encore, si ces actions sont vaines, la DGCCRF a toujours la possibilité de porter l’affaire devant le Tribunal correctionnel, qui pourra prononcer des amendes allant jusqu’à 300.000 € pour les personnes physiques et 1.500.000 € pour les personnes morales, ainsi qu’une peine de 2 ans d’emprisonnement s’il est démontré qu’il s’agit de pratiques commerciales trompeuses. A noter que la sanction est susceptible d’être alourdie et de s’accompagner d’une publication de la condamnation.

L’ouverture de ces enquêtes avait été fortement commentée dans la presse, mais les médias sont restés bien silencieux sur le résultat de ces dernières… Ce qui laisse à penser que, si une sanction a effectivement été prononcée, c’est très certainement la voie transactionnelle et confidentielle qui a été privilégiée.

Il est vrai que le montant de l’amende pénale a un caractère dissuasif, mais l’éventualité d’une publication de la condamnation ne serait-elle pas plus compromettante pour les influenceurs et les marques ? Il ne faut pas perdre de vue que les influenceurs sont censés véhiculer une image d’authenticité auprès de leur communauté, principalement constituée d’un public jeune en quête d’un discours de vérité, et qui est de plus en plus exigeant à cet égard. Si la confiance est impactée, l’influenceur risque de perdre une partie de son audience, et par voie de conséquence l’attention que lui porte les marques. Et l’image de la marque ayant fait l’objet d’un partenariat non identifié clairement risque également d’être affectée. Une publication de la condamnation porterait donc fortement préjudice à ce fragile « capital confiance », et constituerait la véritable sanction.

Dans cette perspective, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a mis en place depuis 2008 des décisions publiques du Jury de Déontologie publicitaire, qui a pour mission de se prononcer publiquement sur des plaintes émises à l’encontre d’une publicité, au regard des règles professionnelles de la publicité. Ces décisions n’ont certes pas de caractère contraignant, mais cette soft law a le mérite d’impacter l’image et la notoriété de ces influenceurs et marques qui pratiqueraient de la publicité déguisée.

Quelques recommandations…

Les marques et les influenceurs ont sur le long terme tout intérêt à véhiculer un message honnête, afin d’éviter la désillusion et donc la perte de confiance de leur public. Dans cette perspective, l’ARPP vient de valider en avril 2017 un ajout à la grille de lecture de la Recommandation Communication Publicitaire Digitale, qui est d’application immédiate aux professionnels et a pour objet de clarifier la communication des influenceurs lorsqu’elle fait l’objet de collaboration avec une marque. Elle recommande ainsi aux influenceurs, qui agissent en collaboration avec une marque, d’adjoindre une indication explicite et instantanée permettant d’identifier la communication comme telle. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo, #encollaborationcommerciale…) dès lors qu’elle est portée clairement à la connaissance du public. Transparence et loyauté sont dont les mots d’ordre !

Par ailleurs, compte tenu de la croissance exponentielle de ces partenariats, la relation entre les marques et les influenceurs est déjà en train de se structurer. Il est donc fortement recommandé aux annonceurs de prendre en compte ces recommandations dans leur pratique, afin qu’elles deviennent la norme. Cette communication peut se faire tout en gardant une souplesse : l’internaute doit certes avoir connaissance de la relation commerciale, mais la marque a tout intérêt à laisser à l’influenceur sa liberté d’action dans la création du contenu et la présentation des produits.

De leur côté, certaines plateformes commencent également à prendre des initiatives : Instagram intègre depuis peu une nouvelle mention « partenariat payant avec » juste au-dessus des photos postées. YouTube propose désormais une fonctionnalité permettant aux créateurs de contenu de présenter une information visible sur les communications commerciales sous la forme d’un texte en superposition qui s’affiche pendant les premières secondes de la vidéo. D’un point de vue pratique, cette fonctionnalité peut être ajoutée à des vidéos nouvelles ou existantes, sans avoir à les remettre en ligne, ce qui permet de maintenir le nombre de vues de la vidéo inchangé. Tous les ingrédients sont donc là pour faire évoluer de manière responsable et transparente le marketing digital.

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