9 juillet 2018

Temps de lecture : 5 min

Le coeur sur l’écran

Aides, Médecins du monde, Unicef, Fondation Abbé Pierre, Les Restos du Cœur, Sécurité Routière, Amnesty International... En diffusant à titre gracieux les campagnes des « grandes causes », le petit écran dissimule un rôle socialement grand dont les associations ne sauraient se passer.

Aides, Médecins du monde, Unicef, Fondation Abbé Pierre, Les Restos du Cœur, Sécurité Routière, Amnesty International… En diffusant à titre gracieux les campagnes des « grandes causes », le petit écran dissimule un rôle socialement grand dont les associations ne sauraient se passer.

« La lutte contre la pauvreté et l’exclusion, la prévention des maladies, la sensibilisation aux effets du réchauffement climatique, la défense des droits de l’homme et de la femme, la protection de la biodiversité… sont des enjeux qui nous concernent tous. Et pourtant, au quotidien, il est difficile de faire adhérer les citoyens à ces thèmes ». Le constat d’Isabel Kurata, cofondatrice de ACT Responsible et The Good Report, est sans appel.

Le média de l’urgence

Les grandes causes sont multiples, puissantes de sens et d’urgence, mais peinent encore à atteindre leurs objectifs de dons, d’adhésion, de visibilité. Alors, quoi de mieux qu’un média de masse pour avertir, sensibiliser et investir… la masse ? Si la télévision ne séduit plus tous les publics sur certains formats publicitaires, elle reste le meilleur allié pour toucher le plus grand nombre, pénétrer dans les foyers, fédérer les familles. Visibilité optimale pour communication de masse, c’est ce qu’offre la télé : un soutien significatif aux ONG, OSI (Organisations de solidarité internationale), grandes causes, associations et autres entreprises d’utilité publique, en diffusant gratuitement les spots de leurs campagnes.

Si tous les médias prodiguent des espaces gracieux -entendez par là qu’ils diffusent à titre gratuit des campagnes publicitaires à but non lucratif-, le petit écran présente une façade de visibilité bien particulière que les nouveaux formats et usages (digitaux) ne semblent pas détrôner. Au vu des coûts de médiatisation d’un spot publicitaire sur ce canal, et des problématiques budgétaires des entreprises non lucratives -dont le modèle économique impose pour faire simple le « zéro budget » pour la com’- , la faveur d’un espace gracieux est une aubaine pour satisfaire leur quête de visibilité et de ROI presque instantané. Pour certains secteurs caritatifs, comme celui du don du sang, les campagnes se révèlent souvent d’urgence et les résultats ne peuvent attendre.

« Aujourd’hui, seulement 4 % des Français sont disposés à donner leur sang. Notre sujet est de créer une présence à l’esprit et de capter de nouveaux donneurs. Nous sommes donc dans une logique de création de principe pour faire venir les donneurs. En temps de campagne d’urgence, le ROI est immédiat. La télé, c’est un média de masse qui nous correspond donc bien parce que nos besoins sont massifs », explique Philippe Moucherat, directeur de la communication de l’EFS (Établissement français du sang). « La télévision est le média de l’image et du trafic. Pour nous, il est extrêmement important, car il y a une immédiateté de la demande ».

Plus qu’un canal, un rôle social

Canal de diffusion de masse et de l’image par excellence, le petit écran réunit les Français autour d’une dynamique de quotidienneté, de partage, d’émotion et de vivre-ensemble. « La télévision est l’endroit où la conscience collective est confrontée aux grands débats de société. L’une de ses qualités majeures est sa capacité à contextualiser très finement les publicités pour les grandes causes, en les diffusant avant ou après une émission, un film ou documentaire qui aborde la même thématique », confie Véronique Sels, directrice de création exécutive free-lance dans la communication. Un rôle social majeur donc pour ce canal, dont les valeurs lui font traverser les transformations digitales sans jamais l’effacer. Un média où l’espace publicitaire n’a qu’un mot à la bouche : l’émotion, et où la question de la sensibilisation semble la plus à même d’être traitée. « Or, la télévision est le média de l’émotion par excellence. On rit, on pleure, on doute », poursuit Véronique Sels. En faisant grâce de ses espaces, la TV endosse un rôle de porte-voix et porte-parole, et s’engage dans une responsabilité citoyenne en permettant de sensibiliser et éduquer sur des sujets fondamentaux.

Un rôle qui se caractérise non seulement par la diffusion des campagnes, mais aussi par une intégration éditoriale plus poussée, sous la forme d’émissions ou éditions spéciales, ou encore de soirées dédiées sur un thème « grande cause ». Philippe Moucherat le reconnaît, « les campagnes publicitaires c’est bien, mais il y a un vrai sujet : l’information, qui est aussi importante que la dynamique de communication publicitaire. La dimension pédagogique sur ces grandes causes et entreprises d’utilité publique comme l’EFS est extrêmement importante. Et quand les chaînes y croient, y donnent du sens et de l’information, c’est une collaboration réussie ». Car si la diffusion des spots peut sembler suffisante à certaines chaînes, encore faut-il que les associations puissent fournir un contenu à la hauteur. « Les campagnes les plus marquantes jouent sur des réalisations impeccables, à la hauteur des grandes marques. Je pense à “ Insoutenable ” pour la Sécurité Routière, avec ses messages call for action, à “ Signatures ” pour Amnesty International, ou au contre-pied qu’apporte l’humour dans “ Super Mamie ” pour la Croix-Rouge », constate Isabel Kurata. De belles campagnes pour de belles marques.

Mais quid de la question de la place des plus petites associations dans tout cela ? « Cette gratuité est évidemment un atout, mais aussi un investissement conséquent pour les associations, car il faut avoir une campagne publicitaire à montrer », poursuit Isabel Kurata. En effet, rares sont les associations qui jouissent d’assez de revenus pour s’offrir la réalisation d’un film publicitaire qualitatif pour un passage sur les écrans. La télévision est un vecteur clé pour faire entrer l’information dans les foyers. Mais pour demeurer un vecteur de transmission de l’information sur des sujets essentiels comme ceux portés par les grandes causes, elle doit impérativement renouveler et multiplier ces formes d’écriture et de diffusion.

Nos écrans sont solidaires

À l’heure où les Français consomment les médias de mille et une façons et où le scroll et l’instantanéité règnent en maîtres, comment envisager le support télévisuel dans l’écosystème publicitaire ? Si l’ascension du digital a fait ses preuves et n’est même plus un sujet, il ne faut pas sous-estimer le petit écran et les valeurs de consommation des Français. Une consommation qui s’adapte, se transforme, se digitalise et tout le tintouin, mais une consommation qui ne perd pas de vue ses basiques, dont le petit écran fait partie. Alors, plutôt que de parler de rivalités, disons plutôt complémentarité. « La télé a toujours fait écho aux grands événements de l’histoire. Dans l’inconscient collectif, elle reste celle qu’on allume quand se produit un drame », constate Véronique Sels.

« Elle éduque et sensibilise les masses, et crée le désir et l’envie d’en savoir plus. [Internet et TV] sont deux médias complémentaires et non concurrents. La publicité télévisée réussie complète la communication digitale en atteignant un public massif et en encourageant ces personnes à rechercher des informations en ligne. C’est en ce sens qu’elle reste un canal durable et sur lequel les causes ont intérêt à continuer à communiquer », conclut Isabel Kurata. Un avenir bien au chaud dans le cœur des Français? Une chose est certaine, la TV constitue un canal pérenne pour l’avenir de la communication des associations, grandes causes et entreprises d’utilité publique, dont l’adhésion des publics est vitale, et dont malheureusement les moyens pour agir restent trop souvent insuffisants.

Cet article a été tiré de la revue INfluencia n°25 : « Secouez-moi, secouez-moi : 50 ans de pub TV », à retrouver juste là.

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