Communicants de l’État : des créateurs de lien sous le signe de la cohésion et au service de l’impact
Placée cette année sous le mantra « À l’unisson », l’édition 2025 du Séminaire des communicants de l’État est pensée comme un temps fort de réflexion collective autour d’un enjeu central : la cohésion au service de l’impact. Dans un contexte marqué par la fragmentation, les mutations sociétales et une demande croissante de proximité, ce séminaire a pour objectif d’explorer les leviers permettant de créer du lien : entre l'État et les citoyens, mais aussi entre citoyens. Cette thématique a irrigué l’ensemble des tables rondes et des échanges de l’événement organisé par le SIG avec INfluencia Media Event.
Le Séminaire des communicants de l'Etat a été organisé le jeudi 15 mai à la Maison de la Radio @DR
Les communicants de l’État ont, encore plus que d’autres, vocation à créer des repères, transformer les mentalités et les comportements, et à renforcer le lien social. Si l’action de l’État doit se donner les moyens d’être cohérente et lisible, « il y a un plafond de verre à casser pour une communication plus efficace », a indiqué Michaël Nathan, Directeur du Service d’information du Gouvernement, en ouverture du séminaire qui s’est tenu le 15 mai 2025 à Radio France et lors duquel ont été remis les premiers Prix de la communication de l’État. Le séminaire a permis de « réfléchir aux leviers à activer pour intégrer les nouveaux codes et les nouvelles sémantiques afin de répondre à cet objectif de ‘faire ensemble’ », a-t-il précisé.
L’attente de lien plus puissante que jamais
Pas facile pourtant de « faire ensemble » quand les Français ont, de prime abord, une vision sombre de la société, comme le soulignent leur ressenti sur l’état de la société. « Ils parlent de société fragmentée et individualiste, sur laquelle se superposent les « 3D » qui traduisent le sentiment très puissant de déclin, de déclassement et de dislocation du lien social », a souligné Adelaïde Zulfikarpacik, Directrice générale de BVA Insights et experte associée à la Fondation Jean-Jaurès. « Même si le malaise est indéniable, une grande majorité de Français regrettent cette dislocation du lien social. Ils ont soif de lien et de partage, et une aspiration profonde pour plus de solidarité et de proximité », a-t-elle poursuivi. Il y a dans ce besoin de lien et d’un climat apaisé « quelque chose d’ancestral qui renvoie au miroir entre soi et le monde dont on parlait déjà dans l’Antiquité, et aussi à ce que chacun peut faire à sa place », a renchéri la sémiologie et essayiste Mariette Darrigrand. Si les maisons France Services remplissent ce besoin de lien humain de qualité, la musique et le sport sont aussi deux vecteurs majeurs du vivre ensemble.
L’important serait-il alors de participer, selon l’adage Olympique ? Pas forcément… « Avec le sport, tout le monde n’est pas pratiquant mais beaucoup sont croyants, comme on le voit devant les écrans des cafés », a noté Mariette Darrigrand. Les Jeux olympiques de Paris 2024 ont montré le pouvoir fédérateur du sport et nombreux sont ceux qui y ont vu une « parenthèse enchantée » entre la crise issue de la dissolution de l’Assemblée nationale et le retour aux réalités de la rentrée… « C’était plutôt un détonateur sur la place du sport, qui est en train de bouger et dont il faut vanter la capacité à lutter contre la solitude objective ou ressentie », a estimé Vincent Roger, délégué ministériel à la Grande cause nationale 2024 au ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Pour lui, « si le sport a marqué des points en 2024, il faut continuer à sensibiliser le public sur le sujet. » La Fête nationale du sport, qui aura désormais lieu tous les ans le 14 septembre, va d’ailleurs y contribuer.
Faire de la transition démographique une opportunité
Les médias jouent un rôle particulier pour créer du lien social, tant par leur offre éditoriale que par le miroir qu’ils renvoient de la société. Réussir à embarquer toutes ses composantes – des plus jeunes qui se tournent naturellement vers les réseaux sociaux jusqu’aux plus âgés qui veulent aussi se sentir représentés – n’est d’ailleurs pas le moindre des défis. Après être devenu entreprise à mission en décembre 2022, le groupe Bayard s’est doté d’un fonds de dotation Bayard-Agir pour soutenir ses actions contribuant à créer du lien et à lutter contre la fragmentation de la société. « Avec d’autres opérateurs associatifs, nous allons notamment à la rencontre des publics empêchés ou éloignés de l’info », a précisé Violaine Chaurand, Directrice RSE et Manager de la mission du Groupe Bayard.
En tant que média de service public, Arte s’attache à permettre un débat serein et démocratique à travers une information de qualité, vérifiée et dont la chaîne est responsable mais aussi à « rapprocher les Européens par la Culture » en « créant un lien entre les œuvres européennes et les publics, et entre les publics eux-mêmes », a expliqué Gilles Freissinier, Directeur de la Relation aux publics et Directeur éditorial adjoint d’Arte France. La chaîne déploie une grande variété d’offres pour « être au plus proche des publics, là où ils se trouvent et là où ils vont se trouver, avec des formats adaptés à chacune des plateformes. » Signe des temps, les deux meilleures audiences de 2024 ont été réalisées par des programmes non diffusés à la télé : près de 50 millions de vidéos vues pour la série courte animée Samuel, dans laquelle un élève de CM2 confie tous ses secrets d’enfant, et près de 8 millions pour la série documentaire DJ Mehdi : Made in France. Gardien du patrimoine audiovisuel national, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) est lui aussi devenu un média en développant un ensemble de contenus diffusés sur les réseaux sociaux ou chez les diffuseurs traditionnels. « Tous ces formats contribuent à apporter un supplément de contexte sur l’air du temps ou sur l’actualité. Ils portent des valeurs sans cultiver de nostalgie », a certifié Antoine Bayet, Directeur éditorial de l’INA.
Tout ne se passe pas en ligne ou devant un écran… L’initiative Faut qu’on parle, organisée par La Croix et Brut. en novembre 2024, a proposé à des personnes éloignées par la pensée de se rencontrer et d’échanger leurs points de vue dans un cadre bienveillant. « Pour cette première édition, 6400 personnes ont accepté d’entrer dans le questionnement de l’autre. Nous avons eu du mal à trouver des gens aux opinions diamétralement opposées car les lecteurs de La Croix et de Brut. se ressemblent peut-être plus qu’on ne l’imaginait. L’initiative sera élargie l’an prochain », a assuré Violaine Chaurand.
Une nouvelle grammaire au service du collectif
L’alliance entre les acteurs publics et le monde associatif ou économique contribue à médiatiser les causes d’intérêt général, comme l’a constaté l’association e-Enfance / 3018, qui lutte contre le harcèlement et les violences numériques que subissent les jeunes. « Après la campagne menée avec le SIG, les sollicitations auprès de nos services ont été multipliées par trois et sont encore passées de 150 à 200 000 cette année », a témoigné sa Directrice générale Justine Atlan. Dans la Loire, le Club Gier, créé par des industriels de la vallée du Gier, organise un « ZI Tour » qui embarque les prescripteurs et demandeurs d’emploi à bord d’un bus pour un tour des zones industrielles de Saint-Chamond. « C’est un moyen de se rendre compte que la région recèle de nombreux foyers d’innovation et pas seulement des friches industrielles », s’est félicité Hugo Le Floc’h, Secrétaire général adjoint de la Préfecture de la Loire.
Créer davantage de lien n’est pas seulement une manière de répondre à une attente des Français ou même de poursuivre une belle idée. « Le lien social peut aussi être vu comme un gage de bon fonctionnement de la société. Il y a peut-être une économie relationnelle à cultiver pour une question d’humanisme et de prospérité », a estimé Alexandre Jost, Fondateur et Délégué général de la Fabrique Spinoza, le « mouvement du bonheur citoyen ». Pour cultiver les différentes formes de proximité, Dominique Lévy-Saragossi, Confondatrice et Coprésidente de l’institut George(s), a insisté sur l’importance de se situer « à la bonne échelle » et de trouver « les bonnes distances géographiques, temporelles, sociales et langagières ». Le meilleur moyen, selon elle, de « fabriquer des motifs et des lieux de conversation mais, surtout, de renouveler l’écoute et de se mettre à la portée de tous en ne « parlant aux Français ni comme à des enfants, ni comme à des clients. »