19 mai 2020

Temps de lecture : 3 min

Les campagnes de reforestation sont-elles un nouveau greenwashing ?

Shell, Total, Air France... Nombreuses sont les multinationales qui lancent des campagnes de plantation massive d’arbres pour compenser leurs émissions de CO2. Une pratique peu coûteuse et avantageuse en matière d’image, mais dont l’intérêt écologique est critiqué par les scientifiques.

Shell, Total, Air France… Nombreuses sont les multinationales qui lancent des campagnes de plantation massive d’arbres pour compenser leurs émissions de CO2. Une pratique peu coûteuse et avantageuse en matière d’image, mais dont l’intérêt écologique est critiqué par les scientifiques.

On ne compte plus ces derniers mois le nombre d’entreprises issues de secteurs polluants qui se sont ruées sur l’achat de forêts pour compenser leur empreinte carbone. Shell compte faire pousser en un an plus de 5 millions d’arbres aux Pays Bas, Total aurait investi 90 millions d’euros dans des projets forestiers tandis qu’Air France compenserait une partie de ses émissions de CO2 par des projets de « plantations d’arbres, de protection des forêts et de transition énergétique ». Autant d’initiatives vers une neutralité carbone aujourd’hui retardées par l’arrêt momentané de l’économie mondiale, mais dont le retour dans une société déconfinée sera inéluctable tant ses avantages sont nombreux pour les entreprises.

Reforester avantage plus les entreprises que les forêts

Au-delà de l’étonnante capacité qu’ont les arbres à séquestrer les gaz carboniques qui réchauffent l’atmosphère, la plantation d’arbre est devenue un business détaché de toute logique philanthropique pour trois raisons principales. D’abord pour des raisons économiques. Selon le PDG de Total Patrick Pouyanné, reforester est « le moyen le plus efficace d’éliminer le carbone pour moins de dix dollars la tonne ». Le reboisement est effectivement une pratique peu couteuse qui permet de renforcer les processus de photosynthèse, à ceci près qu’un arbre prend plusieurs décennies à développer pleinement ses capacités d’absorption. Ensuite intervient une logique compensatoire. Reforester permet à une entreprise de compenser ses émissions et d’obtenir un crédit carbone qui ouvre le droit à polluer davantage en toute légalité. C’est ainsi que les poids lourds du pétrole achètent des crédits carbones pour contourner les rares régulations posées par le droit communautaire. Enfin, le large capital symbolique que la forêt à obtenu suite aux mega-feux de la forêt amazonienne et des terres australiennes a suscité une prise de conscience dont les multinationales ont su se saisir.

Quand Donald Trump soutient le reboisement massif

Aujourd’hui, la forêt est devenue la championne incontestée de la compensation carbone volontaire des grandes entreprises. Une preuve s’il en est, le soutien enthousiaste du climato-sceptique Donald Trump à l’initiative « 1000 milliards d’arbres » qui vise à reforester les quatre coins de la planète pour limiter le réchauffement climatique. Un projet qui séduit également les entrepreneurs et responsables politiques du Forum économique mondial de Davos : « les arbres sont l’un des meilleurs moyens de capter le carbone » déclarait le patron des logiciels Salesforce Marc Benioff. Les entreprises spécialisées dans les bilans et la vente de crédits carbone affichent d’ailleurs une croissance inédite. Le directeur général d’EcoAct Gérald Maradan en témoigne sur Le Monde : « depuis octobre 2019, les demandes de compagnies aériennes, voyagistes, assureurs, banquiers affluent, et ce, aussi bien dans le domaine du bilan que de la réduction du carbone ou de la compensation ».

Facile de compenser, laborieux de décarboner

Face à la frénésie de la compensation carbone, écologistes et scientifiques s’inquiètent. « Les arbres plantés aujourd’hui mettront plusieurs dizaines d’années pour séquestrer les émissions actuelles » rappelle Jonathan Guyot, président de All4trees. Et si tout le monde se met à la compensation, rares sont les entreprises qui se penchent sur une stratégie de décarbonation de leurs activités. Une réticence assez logique lorsqu’on constate le profit pharaonique des secteurs d’activité en question. Un seul exemple, celui de l’industrie du pétrole dont le chiffre d’affaire mondial s’élevait à 1250 milliards de dollars en 2013. En tant que business le plus rentable du monde, le marché de l’or noir ne saurait souffrir du moindre ralentissement. Mais dans le même temps, les émissions mondiales de CO2 dues au pétrole s’élevaient à 11 232 millions de tonnes en 2016 selon l’Agence internationale de l’énergie, soit les émissions des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de l’Inde réunies. Une pollution hors de toute proportion qui explique l’appétit vorace de certaines multinationales pour les vertus à bas cout de la reforestation. « Air France aurait voulu davantage de projets de reforestation mais la certification carbone y est particulièrement difficile à obtenir » détaille Gérald Maradan.

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