6 octobre 2025

Temps de lecture : 3 min

BHV s’allie avec Shein pour implanter ses boutiques en France : « un manque d’imagination et de professionnalisme alarmant » pour la profession

Shein, le géant chinois du « ultra-fast fashion », a annoncé l’ouverture de ses tout premiers magasins « physiques » en France. Le premier au BHV Marais à Paris sera iauguré en novembre et cinq autres suivront dans des Galeries Lafayette à Dijon, Reims, Grenoble, Angers et Limoges. Cette décision a provoqué une levée de bouclier immédiate.

La plateforme de vente en ligne à prix cassés a jeté un pavé dans la mare en annonçant l’ouverture de boutiques pérennes dans l’hexagone. Dans la capitale, l’espace occupera plus de 1.000 m2 au 6e étage du BHV, tandis que les autres magasins s’étendront sur 300 à 400 m2.

Le géant chinois fondé en 2012, qui a vu ses bénéfices nets plonger de 40% l’an dernier à 1 milliard de dollars malgré une envolée de 19% de son chiffre d’affaires à 38 milliards de dollars, cherche visiblement à redonner un coup de fouet à sa croissance en se lançant dans le commerce « traditionnel ». Ses expériences passées dans le pop-up l’ont encouragé à aller plus loin.

En France, le groupe s’est associé à la Société des grands magasins (SGM), propriétaire et exploitante du BHV Marais et de plusieurs Galeries Lafayette. 

« Cette alliance est plus qu’un simple lancement, c’est un engagement pour revitaliser les centres-villes partout en France, restaurer les grands magasins et développer des opportunités pour le prêt-à-porter français », a jugé le président de SGM, Frédéric Merlin, dans un communiqué.

Il a notamment promis la création de 200 emplois directs et indirects en France au sein de SGM. Cette collaboration ne fait toutefois pas que des heureux. C’est un même un euphémisme.

Les Galeries Lafayette, qui ne sont plus les exploitants de leurs points de vente en province, ont notamment « refusé l’installation » de la marque de mode dans les cinq magasins affiliés.

« Les Galeries Lafayette tiennent à exprimer leur profond désaccord avec cette décision (de SGM) au regard du positionnement et des pratiques de cette marque d’ultra fast fashion qui est en contradiction avec leur offre et leurs valeurs », selon un communiqué du groupe.

La Fédération nationale de l’habillement (FNH) a également exprimé « sa profonde désapprobation »

« Après Pimkie (qui va vendre ses collections sur Shein)ce sont désormais le BHV, véritable institution parisienne depuis 1860, et les Galeries Lafayette en province, qui se tournent vers l’ultra fast-fashion, confirmant ainsi un manque d’imagination et de professionnalisme alarmant : ces enseignes, qui ont par le passé tant contribué au rayonnement et à la créativité de la France, choisissent aujourd’hui de s’associer à ce qu’il y a de plus contestable dans le secteur de la mode », critique l’organisme.

Basé à Singapour, le géant chinois est la cible de nombreuses critiques en France. Outre l’adoption de la loi anti fast-fashion le visant en juin dernier,

Shein a écopé, le 3 juillet, d’une amende de 40 millions d’euros de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour « pratiques commerciales trompeuses à l’égard des consommateurs sur la réalité des réductions de prix accordées et sur la portée des engagements concernant les allégations environnementales »

La plateforme a, par ailleurs, été sanctionnée le 1er septembre d’une amende record de… 150 millions d’euros par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour non-respect de la législation sur les cookies.

À l’international, le groupe est aussi montrée du doigt. Après deux ans d’enquête, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a conclu que la marque ne respectait pas ses principes directeurs concernant les droits sociaux et d’objectifs environnementaux.

Les critiques à son égard ne sont pas sans fondements.

Les consommateurs continuent pourtant de se ruer sur les « bonnes affaires » de Shein. Ce groupe n’est pas le seul à jouer la carte de l’ultra fast fashion. Son grand rival chinois Temu inonde, lui aussi, l’Europe et la France de produits à prix cassés, souvent expédiés directement depuis la Chine. 

La filiale du groupe PDD Holdings est soupçonnée des contourner la TVA et les droits de douane en sous-facturant ses commandes et en pratiquant des livraisons fractionnées. La plateforme est également accusée de travail forcé indirect dans sa chaîne de production et de pratiques commerciales agressives (publicités massives, promotions permanentes).

« Temu et Shein ne respectent pas les règles du jeu », expliquait en 2024 Bruno Le Maire lorsqu’il était encore ministre de l’Économie.

Au Royaume-Uni, Boohoo a été au centre d’un scandale en 2020 autour d’ateliers britanniques pratiquant des salaires inférieurs au minimum légal. Son rival irlandais Primark, qui possède des très nombreux magasins en centre-ville et dans des zones commerciales, n’est pas beaucoup plus recommandables.

Et si on arrêtait d’acheter n’importe quoi, n’importe quand pour une bouchée de pain juste pour remplir nos armoires qui débordent déjà de vêtements qu’on ne porte presque jamais ?

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