8 mai 2016

Temps de lecture : 5 min

La beauté, ce miroir de notre société

La beauté est un segment excessivement codifié, l’enjeu étant de donner à rêver un corps, un visage, un instant qui ne sont vraisemblablement pas accessibles à toutes et font donc fantasmer le plus grand nombre.

La beauté est un segment excessivement codifié, l’enjeu étant de donner à rêver un corps, un visage, un instant qui ne sont vraisemblablement pas accessibles à toutes et font donc fantasmer le plus grand nombre.

Longtemps, on a observé une vision dissociée du corps, où chaque partie devait refléter l’absolue perfection imaginable sur terre. Un zoom de bouche subliment rouge, un crop d’œillade parfaitement mascarifiée, un velouté de peau à faire pâlir La Laitière. Du beau certes mais lassant. Comme toute reine, la beauté a depuis un certain temps évolué, plus moderne, libérée, délivrée, on aurait presque l’impression qu’elle ne mentira plus jamais, enfin un peu moins et avec le sourire. On peut parler de tendances certes, mais c’est sur le discours de la marque que l’on a envie de se pencher à travers ce nouveau vocabulaire et sur la façon dont il révèle les évolutions de nos comportements et de notre rapport à la beauté.

Anatomie d’un virage

Il y a eu la dé-sophistication de la beauté avec « la démocratisation » du Nude lancé par Bourjois-Chanel introduisant un rapport au naturel élégant et sobre, désacralisant les codes à la façon d’un Calvin Klein. Il y a eu la simplification de la beauté avec la déferlante CC cream qui a construit puis déconstruit l’idée du « one fits all ». Il y a eu l’apparition des crèmes « personnalisables » démontrant la complexité de l’achat d’un produit qui convienne véritablement à la combinaison d’un type de peau et d’un style de vie. Il y a eu les « vloggeuses » démontrant que chacune est maitre de sa beauté et que la beauté n’a pas qu’un seul visage.

Enfin une nouvelle vague de mannequin atypique a fait le buzz, Cara a fait des grimaces partout, et Instagram nous a propulsé dans l’intimité des plus belles. Bref, autant d’éléments qui ont « inceptionné » nos esprits pour nous préparer à la contemplation d’un nouveau paysage où la beauté est plurielle, dans l’émotion, accessible, et une affaire de toutes. On imagine bien aussi, que, l’influence des femmes dans les media, sur les scènes politique et apolitique et bien entendu la Reine des Neiges on terminé de nous convaincre qu’une petite révolution était en route.

Décodage

Dans la vie des marques, cela se traduit par 5 principes qui se déclinent en parallèle sur des univers connexes, comme la lingerie et la mode, où le rapport au corps est tout aussi complexe. De façon transversale c’est l’expérience de la marque qui en ressort plus forte car, plus que la magnification du produit (toujours plus beau, toujours plus miraculeux), c’est la marque qui reprend enfin la parole et qui redistribue les cartes sur les thématiques comportementales d’aujourd’hui.

On se rhabille

La beauté s’est « rhabillée » prônant à la fois « la réalité » de cette femme qui n’est plus nue et considérée comme une déesse, mais qui s’inspire d’une femme (presque) dans la rue, belle, élégante et accessible. La marque transforme ainsi son message, d’une utopie physique à un rêve qui peut enfin se réaliser. En seconde lecture, l’esprit « franchise de marque » permet de soutenir le segment beauté en intégrant du vocabulaire complémentaire (le prêt-à-porter et les accessoires). Le vêtement réintégré participe ainsi aux ingrédients graphiques de la marque tout en servant le discours de l’accessibilité.

On se rapproche

Pour un lien plus fort et sincère, le mannequin n’est plus le faire valoir glacé d’un produit. Sa personnalité se superpose à celle de la marque dans une attitude, mais aussi à travers le lien au produit. On le tient comme un objet concret, il est intégré au visuel comme faisant partie de la vraie vie. L’attitude est aussi importante que la beauté et traduit un message d’humanisation. Le trait s’accentue d’autant plus que la pose peut être équivoque, tenir un stylo comme on tient une cigarette et inversement semble être une source d’inspiration en vogue…

Nous est plus fort que je

Les réseaux sociaux ont magnifié les communautés, le selfie a starifié les inconnus. La valeur amitié est montée en puissance, le clan a pris la dimension d’un talisman. Aujourd’hui le cowboy solitaire n’est pas l’idéal de représentation. Le nombre fait la valeur, et si chaque individu compte triple, tant mieux pour le groupe.

On est loin des communications « ethniques » ou intergénérationnelles où l’objectif était simplement de démontrer la mixité des produits ou la profondeur de gamme. Balmain s’ancre dans le temps et l’image d’une amitié de 20 ans, Kenzo totémisme le groupe, Burberry fait le pont entre deux générations au détour d’un trench. Le lien est celui de la complicité entre les protagonistes sous couvert de la marque.

On se parle vrai

La vloggeuse a inspiré une nouvelle immersion. Loin des images trop lisses et de la distance qu’ils imposaient, les nouveaux films de marque incluent le spectateur. La barrière de la star tombe pour inviter au partage de la connaissance, de l’intimité et de l’esprit de la marque.

L’intérêt ? Les mannequins parlent. L’ambassadrice sort du cadre pour s’exprimer (presque sans script) maintenant l’illusion de l’accessibilité et de la franchise. Elle désacralise le rapport à la marque nous dévoilant quelques uns de ses éventuels défauts, qui sont tout autant d’éléments de séduction comme un Meetic s’est aussi essayé à nous l’expliquer.

Gisèle s’improvise conseillère beauté pour un nude parfait auprès de Lucia Pica la Global creative colour and make up designer, Charlize dévoile le making of de l’eau de toilette J’Adore en mode potes avec Peter Lindbergh avec un « I am gorgeous when I don’t talk ha ?! » .

On s’accepte

Sans revendication utopiste, la différence est un atout, plus qu’un sujet de névrose de plus à gérer. Winnie Harlow a fait mouche en 2015 et le Sport Illustrated offrait une place à Ashley Graham mannequin plus size, en 2016 Beth Dito lance enfin sa ligne de vêtements, et Selfridges refait son département lingerie en proposant un body studio pour « every body ». Le magazine Instyle offre une colonne mensuelle à la rédactrice mode « curvy » Naomi Shimada… Le corps sous toutes ses formes devient « acceptable ».

D’un point de vue de discours et cohérence de marque cette désacralisation des codes de la communication permet de se poser quelques questions. Que penser d’une Beyonce qui lance une ligne de vêtement pour les femmes qui ont des formes, en proposant des visuels retouchés et une taille 42 seulement ? Quelle orientation de discours pour les marques qui ne parlent de la diversité des corps que lorsqu’elles s’interrogent sur un problème de société ? On attend donc de voir arriver comme de l’autre coté de l’Atlantique des bloggeuses en icônes make up (Tavi Gevison pour Clinique), ou encore des visuels mixtes homme-femme pour des produits de soin.

Avant, le rapport à la beauté était compliqué. Aujourd’hui, il s’est en surface simplifié, mais pousse en fait les marques à re-questionner leur message, quelle vision différenciante de la beauté peuvent-elles proposer, quelle considération « sociales » sont-elles prêtes à prendre en compte dans leur discours, sans pour autant diluer leur essence ou affaiblir leur mythe ? Quelle expérience de marque proposent-elles finalement ?

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