7 septembre 2021

Temps de lecture : 4 min

L’App Store attaqué en justice… le monopole commercial des Gafam s’effrite

Après des années d’impunité concernant son modèle commercial monopolistique, Apple est plus que jamais dans la tourmente. Développeurs d’applications et de jeux vidéo en tout genre, gouvernement coréen et japonais, et bientôt indien, tous sont déterminés à croquer la pomme à pleines dents.

App Store

Qu’il parait loin le temps où la majorité des médias, et des utilisateurs eux-mêmes, se réjouissaient de la montée en puissance des Gafam. Cela peut paraître étonnant en 2021, mais à leur début, presque personne ne semblait redouter les dangers intrinsèques liés à l’avènement de ces géants du numérique. Pourquoi redouter une exploitation de nos données personnelles à des fins commerciales quand on peut envoyer un émoji à sa grand-mère vivant à l’autre bout du monde ou avoir accès à tous nos albums préférés dans le creux de nos mains ? Un exemple parfait de ce changement de paradigme quant aux nouvelles technologies est l’évolution du traitement médiatique de Mark Zuckerberg.

Au début des années 2010, on ne comptait plus les articles de presse vantant ses mérites et son génie, telles que : « Comment Zuckerberg a fait de Facebook la plateforme la plus cool du web », ou encore : « Mark Zuckerberg, la plus belle success story du web ». Une dizaine d’années plus tard,  la belle histoire se fendille.  Notamment avec la sortie du film à charge The Social Network, et surtout à cause ou grâce au  scandale Cambridge Analytica. 

 

 

D’un positivisme technologique sans faille à un techno-scepticisme acharné

En février dernier nous évoquions l’action haute en couleur du studio Epic Games à l’encontre d’Apple. Le géniteur du jeux vidéo Fortnite contestait la taxe de 30% imposée par la pomme à tous les développeurs qui cherchaient à commercialiser leur application sur son store. Le tout grâce à un plan savamment orchestré, à savoir le dépôt d’une plainte venue détailler les raisons de sa colère, l’organisation d’un tournoi sur son jeu phare afin d’inciter les joueurs à la révolte, et même la publication d’un film parodique de l’iconique spot publicitaire 1984 d’Apple. Une bataille, dont l’issue reste à être précisée, était alors lancée.

Cette semaine, c’est au tour de Primary Productions de lancer un recours collectif contre l’App Store, toujours au sujet de cette fameuse taxe de 30%. Selon les propres mots du développeur basé dans le New Jersey : « Apple met à mal les développeurs avec ses pratiques monopolistiques ». Pour réparer cet affront, Primary Productions réclame pas moins de … 200 milliards de dollars… Un montant ridicule, quel que soit le préjudice, mais qui a évidemment le mérite de faire parler dans la presse, au plus grand plaisir du développeur. Cette action en justice est survenue après que Primary Productions se soit vu refuser l’accès à l’App Store pour son application qui cherchait à mettre en garde ses utilisateurs quant aux portefeuilles basés sur la blockchain. Le développeur accuse ainsi Apple de le sherlocker, c’est-à-dire de le mettre sur liste noire le temps de développer une technologie native similaire afin de lui voler son idée. Une énième tentative d’Apple de vampiriser un logiciel indépendant… Une expression née au lancement de l’application Sherlock, développée par Apple au début des années 2000, qui s’inspirait grandement d’un autre logiciel développé de manière indépendante intitulé… Watson .

 

 

Au tour du Japon, de la Corée du Sud et de l’Inde de taper du poing

Les gouvernements n’étant pas en reste du secteur privé, nous avons vu ces dernières semaines plusieurs états se joindre à la lutte pour mettre à mal le monopole de son célèbre store. Le 31 août dernier, la Corée du Sud devenait ainsi le premier pays au monde à réguler l’un des facteurs clés de sa puissance économique, à savoir les juteuses commissions prélevées sur les dépenses réalisées in-store. Cette nouvelle législation interdira désormais à la firme de ne proposer que son propre système de paiement pour régler les achats. Une manière pour les développeurs de ces applications tierces d’esquiver la commission imposée par Tim Cook et son board – pouvant atteindre jusqu’à 30% ! – et ainsi toucher l’intégralité des revenus générés par les utilisateurs.

Encore plus récemment, le 2 septembre dernier, la Commission japonaise du commerce annonçait avoir contraint Apple à intégrer un lien externe vers le site des éditeurs de certaines applications, afin que l’utilisateur puisse y créer et paramétrer son compte et ses réglages. Cet accord avec l’organisme japonais ne concerne que la catégorie Reader, dans laquelle se retrouvent toutes les applications permettant de lire des contenus achetés en amont ou en abonnements, mais dans laquelle on peut tout de même retrouver des mastodontes tels que Kobo, Spotify ou Netflix. Ce dénouement tant espéré est la conclusion d’une enquête anti-trust amorcée il y a déjà six ans. Alors que cet accord ne concerne que le territoire japonais, Apple a décidé d’appliquer cette nouvelle politique au monde entier à partir de 2022. Un grand pas pour les développeurs, qui gagnent en liberté et en contrôle sur les données de leurs utilisateurs. Enfin, un procès en chassant un autre, une nouvelle affaire antitrust était ouverte en Inde, au lendemain du verdict japonais, toujours concernant la position prétendument dominante d’Apple sur le marché des applications, forçant les développeurs à utiliser son système exclusif d’achat intégré à l’application. L’effet domino n’est pas près de s’essouffler.

Suffisant pour tout remettre à plat ?

Il est encore trop tôt pour déterminer si ces différents verdicts vont transformer en profondeur Apple et le reste des Gafam. Leur donner un sens nouveau des responsabilités en quelque sorte. Cependant, toutes ces actions judiciaires en chaine révèlent un niveau de préoccupation nouveau vis-à-vis d’un secteur qui se vantait autrefois d’échapper au viseur politique. L’époque n’est définitivement plus au laisser faire pour les seigneurs de la Silicon Valley. En témoigne notamment la taxe sur le chiffre d’affaires des Gafam que la France a instaurée en juillet 2019, malgré le fait qu’elle soit venue compenser l’échec des négociations au sujet d’une législation à l’échelle européenne.

En juin 2019, alors que la FTCFederal Trade Commission – obtient le droit d’étudier les pratiques commerciales de Facebook et son impact sur la concurrence et que la justice américaine annonce conduire une enquête similaire au sujet d’Apple, Jerrold Nadler, président démocrate du comité des Affaires judiciaires, déclarait ceci : « l’internet ouvert a apporté d’immenses avantages aux américains. Mais il y a de plus en plus de preuves qui montrent qu’une poignée de garde-barrières a pris le contrôle des artères clés du e-commerce, des contenus et des communications en ligne ». Aux générations d’aujourd’hui de contester cette main mise pour le bien des générations futures.

En résumé

Suite aux nombreux procès intentés à son encontre, Apple se voit contraint d’assouplir de nombreuses règles qui régissent son App Store. Le début d’un cycle vertueux pour les utilisateurs et les développeurs ? Une prise de conscience tardive mais salutaire.

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