29 avril 2024

Temps de lecture : 4 min

Akon City, ou l’énorme arnaque d’un projet immobilier démesuré

Après des années de teasing médiatique et de belles promesses… le projet immobilier complètement fou porté par Akon qui devait sortir de terre au Sénégal ne semble être qu’une vaste supercherie. Une vaine tentative de l’ancienne star du rap de se remplir les poches ou le signe d’un projet démesuré qui lui a échappé des mains !

En 2020, Akon, la star du rap des années 2000, « lançait » un chantier immobilier hors norme en plein coeur du Sénégal, le pays de ses parents et dans lequel il a grandi : la création d’Akon city. Sans aucune mégalomanie, bien sûr… Il était question d’une mégapole futuriste à mi-chemin entre l’exubérance de Dubaï et le potentiel irréel du Wakanda, ce pays imaginaire à la pointe de la technologie de l’univers Marvel. Un sujet passionnant que nous avions d’ailleurs traité – avec une certaine distance – dans nos colonnes dès l’annonce de la mise en chantier.

Alioune Badara Thiam, de son vrai nom, annonçait alors un projet valorisé à six milliards de dollars qui serait le parfait trait d’union « entre luxe et innovation ». Plus concrètement, l’artiste étasunien prévoyait la création de six districts voués à « redéfinir notre manière de vivre en milieu urbain » à quelques encablures de Dakar, la capitale, selon les éléments de langage de l’époque. La première pierre – de cinquante-cinq hectares, tout de même – d’un vaste plan sensé moderniser le pays tout entier.

 

Au programme : l’African Village, une zone résidentielle composée de maisons, de commerces et de restaurants, ponctuée par un luxueux resort, l’Entertainment District, avec ses cinémas, son stade flambant neuf, son centre commercial et son casino. Le Tech district, sorte de Silicon Valley africaine, comprenant une zone dédiée à la santé et à la sécurité des habitants, composée d’un hôpital, d’une clinique, d’une caserne de pompier et d’un commissariat et une autre zone vouée à l’éducation des plus jeunes avec, je vous le donne en mille, des écoles et des établissements d’études supérieures. Et enfin le Senewood disctrict, qui aurait accueilli quatre studios de cinéma, une flopée de bureaux et en point d’orgue, l’ébouriffante Akon Tower culminant à 285 m de hauteur. « Aurait », oui, car le projet, officiellement en construction depuis quatre ans devait se clôturer en 2024… Sauf qu’en l’état, il ressemble à ça.

Smack that*

Dès son dévoilement officiel en 2018, Akon City a été saluée comme une entreprise salutaire par le gouvernement sénégalais et ses habitants. Initialement soutenu par le président Macky Sall et adopté par les autorités locales, le projet a captivé l’imagination de la nation. L’acquisition de terrains et le dévoilement de plans 3D hors normes ont rapidement alimenté les espoirs… Force aujourd’hui est de constater que malgré un battage médiatique incessant, le silence qui entoure aujourd’hui cette ambitieuse – irréelle ? – entreprise est plus qu’assourdissant.

Vous l’aurez compris, Akon City est au point mort. Si les détails sur l’avancement de la ville sont rares et les sénégalais s’impatientent, une chose est sûre, les poches de l’artiste de cinquante-et-un an sont loin d’être vides, avec une fortune estimée à 80 millions de dollars. Un joli pactole glané grâce à diverses activités liées à sa musique – notamment à ses tournées à guichets fermés et  ses albums au sommet des charts – mais également grâce à la création de sa propre crypto-monnaie, la bien nommée Akoin – aucune mégalomanie, on vous répète –. De là à dire que la réussite financière d’Akon a éclipsé ses rêves de smart city… il n’y a qu’un pas.

 

 

Plus grave encore, le chanteur se retrouve englué dans une bataille juridique qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour son image et enterrer définitivement le projet qu’il porte. Plusieurs documents officiels déposés par Devyne Stephens, son propre partenaire commercial, l’accusent d’avoir pensé son projet immobilier comme une vaste pyramide de Ponzi.

La quintessence de l’arlésienne

Devyne Stephens, qui a travaillé par le passé avec de nombreuses stars de la musique telles que Jay-Z et les Destiny’s Child, réclame aujourd’hui le gel des avoirs d’Akon à New York jusqu’à ce que le procès de 4 millions de dollars qui l’oppose à l’artiste aboutisse à un verdict. Pour justifier sa demande, M. Stephens affirme que les pratiques commerciales douteuses dont Akon se serait rendu coupable dans le passé nécessitaient des mesures de précaution.

L’avocat du plaignant, Jeffrey Movit, a souligné le manque de transparence entourant Akon City, en insistant sur le fait que le chanteur n’a divulgué à ce jour aucune information substantielle sur les investisseurs et les plans de construction. L’avocat affirme donc sans sourciller qu’Akon City n’est rien d’autre qu’une « escroquerie trompeuse », établissant des parallèles avec des systèmes frauduleux notoires.

 

Le porte-parole d’Akon a nié avec véhémence ces allégations, les qualifiant de « sans fondement et sans preuve ». Il insiste sur le fait que la véritable intention d’Akon est de créer des opportunités pour son pays d’origine, le Sénégal. Difficile de lui donner raison, tant le chantier semble plus que jamais abandonné. Malgré quelques bâtiments riquiqui déjà construits ici et là, les derniers partisans d’Akon se demandent aujourd’hui si ce projet visionnaire finira par voir le jour et si la réalité réussira in fine par rattraper la fiction.

Verdict ?

Comme nous l’avons déjà signifié, Akon City était soutenu dès le départ par le gouvernement sénégalais via la SAPCO, Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal. Quatre ans plus tard, la mégapole tant espérée ne compte qu’une seule maison d’hôtes tout à fait lambda, à des années lumières de l’architecture futuriste initialement promise, « en attendant » les travaux majeurs. Résultat, le site n’est rien d’autre qu’une vaste zone de pâturage pour les animaux. Face à l’absence de développement, le gouvernement sénégalais a averti fin 2023 qu’il romprait le contrat et récupérerait les terres dans les prochains mois, si aucune avancée concrète n’était constatée. On vous spoile, rien n’a bougé.

Cela nous conduit logiquement à nous demander quel était réellement l’objectif du chanteur avec Akon City ? Dès le départ, de nombreux observateurs avaient fait remarquer que la simple idée de construire une ville sur trois ans, en partant de zéro et, avec un budget de seulement six milliard de dollars était complètement ubuesque, « surtout lorsqu’on le compare aux budgets des cités olympiques, qui oscillent généralement entre 10 et 20 milliards », comme le rappelait le journaliste Ngiraan Fall dans une chronique pour le Mouv, diffusée il y a quelques semaines.

Avant de conclure et de répondre lui-même à la question qui nous taraude : « Mais au-delà de ça, en 2021, Akon avait annoncé que sa ville aurait sa propre monnaie, la « Akoin », sous prétexte que les banques en Afrique posaient un problème ». Seulement voilà, cette monnaie n’existe plus aujourd’hui. « Dès lors, on peut légitimement se demander si Akon City n’était pas, dès le départ, une véritable arnaque visant à soutirer de l’argent à des investisseurs naïfs, plutôt qu’un projet sincère de développement ». On a une petite idée…

 

*Single issu de l’album Konvicted d’Akon, en duo avec Eminen

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