Adidas habille les animaux de compagnie en Chine : coup marketing malin ou simple effet de mode ?
Adidas Originals lance une collection pour chiens et chats en Chine : t-shirts, colliers, sacs stylés… Le but ? séduire les urbains branchés et leurs boules de poils. Un coup de flair marketing — à voir s’il mord vraiment.
Ce n’est pas la première fois qu’une marque s’adresse aux maîtres… en passant par leurs animaux. En 2021, Gucci lançait une ligne dédiée aux chiens : la Gucci Pet Collection, avec la même minutie que ses sacs à 2 000 €, tandis que Moncler proposait un manteau matelassé pour chien à plus de 400 €. Plus récemment, H&M a développé une capsule en collaboration avec Prada x Miu Miu Pet Club — preuve que l’univers du luxe n’est plus le seul à flairer la tendance.
Pourquoi cet engouement ? Parce que l’animal est devenu un prolongement statutaire de son propriétaire. Dans les grandes villes chinoises, européennes ou américaines, adopter un chien ou un chat ne se limite plus à un acte affectif : c’est un geste social, presque identitaire. Et selon une étude de Euromonitor, le segment du petwear a connu une croissance de 18 % en 2023 à l’échelle mondiale, tiré par l’Asie et l’Amérique du Nord.
Une collection 100 % pensée pour le marché chinois
Adidas n’a donc rien laissé au hasard pour ce lancement. La collection, présentée le 20 mai 2025 dans sa boutique phare de la rue Anfu à Shanghai — un quartier branché prisé par les jeunes créatifs —, se compose d’un vestiaire complet pensé pour les animaux… mais aussi pour leurs maîtres. On y trouve notamment des t-shirts pour chiens, directement inspirés du mythique Cali Tee des années 70, revisités dans une palette pop (jaune, bleu, vert, rose) fidèle à l’esthétique streetwear de la marque.
À cela s’ajoutent des colliers en cuir véritable, aux finitions dorées ou argentées, qui misent sur un certain raffinement sans renier l’identité urbaine d’Adidas Originals. Autre pièce remarquée : un sac de transport rigide au design épuré, doté de hublots d’aération, pensé pour les déplacements en ville comme pour les photos stylées sur Xiaohongshu. Mais le vrai clin d’œil mode, c’est la possibilité de matcher avec son animal : certaines pièces ont été conçues en duo, permettant au maître et à son compagnon de s’afficher dans des tenues coordonnées — une stratégie marketing bien rôdée qui capitalise sur l’obsession du twinning et le potentiel viral des contenus visuels partagés sur les réseaux sociaux.
Le tout sera disponible en ligne uniquement en Chine à partir du 27 mai. Ce choix géographique n’est pas anodin : le pays représente un des marchés les plus dynamiques du secteur. Selon Statista, le marché chinois du pet care atteindra près de 60 milliards de dollars d’ici 2026, avec une forte progression chez les urbains de 25 à 40 ans, souvent sans enfants, mais avec un fort pouvoir d’achat.
Une clientèle jeune, connectée et obsédée par le lifestyle
Le cœur de cible est clair : les millennials et la Gen Z des grandes métropoles comme Shanghai, Pékin ou Canton. Une clientèle digital native, adepte du e-commerce, des réseaux sociaux et de l’auto-représentation stylisée. Pour eux, habiller leur animal est une manière d’exprimer leur personnalité, de revendiquer un style de vie et de multiplier les contenus “instagrammables”. Dans ce contexte, Adidas joue une carte assez fine : proposer un univers décalé, mais ancré dans ses codes streetwear, en se positionnant à la croisée de la mode, de l’affection animale et du lifestyle urbain. C’est une stratégie cohérente avec l’ADN d’Adidas Originals, souvent plus expérimental que la maison mère.
Un pari risqué… ou bien calculé ?
Mais si l’intuition est bonne, la viabilité commerciale de ce type de collection reste sujette à débat. D’un côté, l’opération peut renforcer l’image de marque d’Adidas en Chine, surtout après des années de tensions liées au boycott de certaines marques occidentales par des consommateurs nationalistes. Miser sur une collection locale, non genrée, non politique, et dans un registre affectif, est un moyen subtil de reconnecter sans s’aliéner.
D’un autre côté, l’effet « gadget » n’est jamais loin. Les vêtements pour animaux relèvent encore du marginal dans beaucoup de foyers, même urbains. Le risque est donc de ne séduire qu’une micro-niche — certes bruyante sur Xiaohongshu ou Douyin (le TikTok chinois) — mais insuffisante pour justifier une stratégie de moyen terme. En outre, ce type d’opération peut susciter une forme d’irritation chez les consommateurs sensibles aux questions de durabilité ou d’éthique animale, d’autant plus si les prix ne sont pas accessibles ou si la qualité ne suit pas.
Le petwear peut-il devenir un levier stratégique durable ?
Si cette collection rencontre le succès espéré, Adidas pourrait envisager de l’exporter dans d’autres zones où la “pet culture” est en plein essor : le Japon, la Corée du Sud, ou encore certaines capitales européennes comme Berlin, Paris ou Amsterdam. Le segment reste certes de niche, mais il a l’avantage de fédérer des communautés très engagées. Mais pour que cela fonctionne, il faudra que la marque dépasse le simple effet de mode pour développer des collections pérennes, voire des collaborations artistiques avec des créateurs locaux ou des influenceurs animaux (très populaires en Chine).
Avec cette collection pour animaux, Adidas ne se contente pas de surfer sur une tendance mignonne : elle teste une stratégie d’ancrage culturel sur un marché exigeant. L’opération peut sembler anecdotique, mais elle coche plusieurs cases : innovation produit, activation locale, différenciation de marque, et surtout captation d’un public jeune en quête de singularité. Reste à voir si le consommateur chinois mordra à l’hameçon… ou retournera jouer à la balle avec son chien sans tee-shirt.