18 juin 2018

Temps de lecture : 5 min

Acheter est une aventure relationnelle

Impossible de faire table rase du retail. On en frémit d’horreur ou carrément d’ennui, ce qui pourrait arriver de pire au consommateur du XXIème siècle ! Lécher les vitrines, magasiner, repérer, essayer...
l’acte d’achat est une aventure individuelle et collective, où l’on fait œuvre de sociabilité, socialité et maturité.

Impossible de faire table rase du retail. On en frémit d’horreur ou carrément d’ennui, ce qui pourrait arriver de pire au consommateur du XXIème siècle ! Lécher les vitrines, magasiner, repérer, essayer…
l’acte d’achat est une aventure individuelle et collective, où l’on fait œuvre de sociabilité, socialité et maturité.

Si nécessité fait loi pour l’Homme, le cadre situationnel de la vente n’en fait pas moins référence au catalogue des plaisirs. Répétitions de situations, qui se révèlent ennuyeuses si elles oublient la subjectivité de l’expérience vécue en tant qu’acheteur. Quid de « l’aventure relationnelle » dans le futur du retail ? Acheter un pyjama en 54 secondes. Nos ancêtres en ont rêvé, Internet l’a rendu possible. Le pyjama n’a pas changé (il est peut-être moins cher et plus confortable), mais l’acte d’achat s’est transformé avec une force déconcertante. La conséquence d’une série d’optimisations des process qui ont supprimé les temps d’attente, facilité les accès et diminué d’autant les interactions. Ajoutons une appétence quasi exclusive pour les choses courtes et un paradoxe se forge : chaque exaucement est un pas vers l’ennui.

Quid de la frontière entre plaisir (éprouvé à travers l’achat) et désir (de l’objet convoité)? Ces éléments font penser au fait que le plaisir d’acheter se concentre sur « l’avoir » du produit plutôt que dans « l’être » de l’expérience vécue en tant qu’acheteur. Qui comprend la relation impliquante avec un interlocuteur. Alors, la question qui se pose est la suivante : peut-on continuer à penser le retail sans ses relations impliquantes? Au risque de le payer de son ennui.

Temps long et interactions

Il suffit d’écouter les discours publicitaires pour s’en rendre compte : le « Général vitesse » a pris les commandes du retail, au risque de devenir formaliste, automatiste et de se bomber d’ennui. Un catalogue d’accumulations qui perd en dynamique d’interactions. Marche sur la socialité d’achat. Cette accessibilité exacerbée a ses avantages : elle répond notamment à l’ordre des nécessités. Autant que les besoins primaires (boire, manger, se protéger du froid), accomplis avec une rigueur exemplaire.

La simplification de l’acte achat-vente s’appréhende dans le temps long. Et la dissipation de la dimension spatiale par le Web. À cet outil, on doit un enchâssement « record » de produits : un élargissement de la capacité à scruter le réel? Non, l’Internet des choses passe à côté des facteurs sonores, gustatifs, olfactifs, tactiles, et plus embêtant encore, des facteurs sociaux. Il n’a pas la présence des relations. La variable situationnelle, dans ce sens, est restreinte, de telle sorte que l’e-expérience d’achat peut sonner encore comme un oxymore. Pour résumer, on fait moins de shopping comme un « moment convivial » que comme une « tâche à accomplir ». Au cœur du ménagement de ces choses, comment inscrire les courses -activité banale- dans un cadre plus socialisant?

S’ouvrir au retailtainment

Pour autant, et selon l’œil prospectif (1) de l’agence Nelly Rodi : 70% des achats de demain se feront encore dans les points de vente physiques. Plus inspirant encore, 71% des Français de 18-35 ans déclarent vouloir mêler loisirs et activités de shopping. Preuve que les magasins tiennent encore de l’enchantement et des convoitises, et misent sur la mixité de leurs espaces de vente (2). La diversité des offres (commerciales, sociales et culturelles) permet de croiser ces objectifs de fréquentation. À ce titre, le projet Vill’Up (3) veut s’inscrire comme un complexe multi-activité, qui se dégage du « tout commerce » en proposant des expériences inter-agissantes de «retailtainment». À plus forte raison, « l’atmosphère d’achats » sonne comme l’argument le plus impliquant face aux prix, la vitesse et l’accessibilité proposés par les cyberespaces de vente.

Extrait de l’initiative « The Art of Shopping » entre eBay et la
Saatchi Galery à Londres.

Autre initiative intéressante : en partenariat avec Saatchi Art, galerie d’art londonienne, eBay a réinventé le commerce de détail pendant 48 heures en proposant la première expérience mondiale de « shopping subconscient ». À l’aide d’une neuro-science pionnière, les mécanismes « d’inspiration d’achat » ont été étudiés avec une idée : offrir une expérience de shopping plus personnelle.

La structure fabuleuse de la vente

Dans le futur, pourtant, rien n’a changé. Dialogue et réciprocité sont encore les maîtres mots de la vente. Ceux qui fidélisent et valorisent l’acte d’achat. À tel point qu’on parle toujours « d’échange » marchand. Karen Lellouche Tordjman, Partner au BCG, confirme à plus grande échelle : « Les entreprises considèrent aujourd’hui que la réinvention de l’expérience client représente un levier sur les ventes, qu’elle est là pour créer du bouche à oreille et fidéliser. Alors que, ces dernières années, les investissements avaient souvent pour vocation de réduire les coûts et optimiser les process ».

Parallèlement, une récente étude (4) de l’Association française de la relation client (AFRC) confie que la maturité de l’expérience client dépend étroitement de la taille de l’entreprise : tendanciellement, plus celle-ci est petite, meilleure est sa capacité à proposer une «relation» client. Avec tout ce que le mot relation implique : contact, circulation, frottement, socialité… Alors qu’on prend doucement conscience de la saturation du confort dans nos sociétés, un chemin se trace : prendre le risque de redessiner quelques lenteurs. Pour faire plus de place à la personnalisation? C’est bel et bien l’occasion de sacraliser le prétexte relationnel des achats, voire de se concentrer sur les rencontres qu’il propose. De ce point de vue, la structure fabuleuse de la vente est dans les interactions. Louis Schofield, responsable de la relation client chez Decathlon, le confirme : c’est la « force d’expression » des magasins qui est amenée à faire le futur de la marque.

Ainsi, et si l’on conçoit la vente comme un territoire d’expression, le metteur en scène Daniel Mesguich a une piste pour nous : « L’acteur n’est pas celui qui prend la parole, c’est celui qui donne l’écoute ». Un schéma qui, adapté au retail ne se focalise pas sur la dimension spatiale, mais sur « l’entente » entre la scène de vente et son audience. Quant à la conclusion, elle revient à Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon : « Il y a théâtre quand il y a émerveillement soudain pour les choses vécues tous les jours ». Dans la carte enroulée du futur, l’émerveillement passe par ces espaces relationnels.

1. Observatoire Innovative Retail 2018. 2. « Au Bonheur des lieux », agence Matador, éd. Kawa, 2017. 3. Centre de shopping et loisir ouvert à Paris 19e en novembre 2016. 4. « Quelle place pour l’humain dans la relation client de demain ? », en collaboration avec le cabinet The Boston Consulting Group. L’étude s’appuie sur un échantillon de 105 cadres supérieurs, issus de 85 entreprises localisées en France. Enquête réalisée en ligne de juillet à août 2017.

Cet article a été tiré de la Revue INfluencia n°24 : « Si tu ne vient pas au retail, il viendra à toi ». 
Pour retrouver sa version digitale, cliquez sur la photo ci-dessous !

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