29 septembre 2025

Temps de lecture : 3 min

Pourquoi le piratage musical revient très fort

Ils ont grandi avec Spotify, YouTube et TikTok, mais réapprennent aujourd’hui à télécharger des MP3 "pirates". Déçue par les plateformes de streaming, attirée par la nostalgie des iPod... la nouvelle génération malmène le modèle du streaming musical.

Vingt ans après Napster et eMule, les jeunes (re)découvrent le téléchargement illégal. La journaliste Sarah Hagi relevait en 2020 pour Vice que sa génération avait presque « oublié comment pirater sans abonnement », surtout dans les pays développés.

En France, la part d’internautes piratant de la musique était tombée sous les 6 % en 2023. Mais l’accalmie fut de courte durée. Après des années de recul, la baisse de la consommation illégale a nettement ralenti en 2023. Et la jeune génération semble de nouveau tentée par les filons officieux.

Aujourd’hui, les 16-24 ans sont en pointe : 43 % d’entre eux avouent recourir à des moyens illégaux pour écouter de la musique, selon un rapport publié l’année dernière par l’IFPI, soit la Fédération internationale de l’industrie phonographique, un organisme syndical international fondé en 1933. C’est Metallica qui ne va pas être content

Abonnements coûteux, artistes délaissés… et musique artificielle

Plusieurs signes traduisent un ras-le-bol du streaming. D’abord, la flambée des tarifs : Spotify a augmenté son tarif individuel en 2023.

Plus de la moitié des zoomes (55 %, toujours selon l’IFPI) avancent que c’est un motif suffisant pour détourner les catalogues de Spotify, Apple Music, Deezer et consorts. Un « juste » retour des choses, en quelques sortes.

Du coté des artistes, plusieurs célébrités dénoncent depuis plusieurs années la rémunération dérisoire du streaming : « Pour 1 million d’écoutes, un musicien touche moins de 4 000 dollars », rappelait Thom Yorke (Radiohead) dès 2019.

À cela s’ajoutent les controverses récentes autour de l’IA et des faux artistes générés par des majors ou des plateformes. En 2023, Spotify a dû retirer des milliers de titres créés artificiellement après la polémique soulevée par le producteur suédois Ekko. Pour beaucoup d’auditeurs, ces pratiques illustrent un système « immoral » où la musique perd son sens et sa valeur.

Plex, Jellyfin et la revanche des collections 

Le « stream ripping » (extraction de l’audio de vidéos en ligne) représente désormais près de la moitié du piratage en France, selon Hadopi. Une pratique rendue encore plus accessible par les tutoriels viraux qui circulent sur TikTok et YouTube, où l’on apprend en quelques secondes à ripper un morceau ou à dénicher un album rare.

Mais le phénomène ne se limite pas au téléchargement sauvage. Google Trends montre une explosion des recherches pour des services comme Plex ou Jellyfin, des plateformes d’hébergement privé qui permettent de reconstruire une bibliothèque musicale à l’ancienne, partagée entre amis ou au sein de communautés restreintes. Une manière de reprendre le contrôle, loin des algorithmes.

Là où Spotify a imposé une logique de flux infini, ces alternatives valorisent le choix et la rareté. La possession d’une bibliothèque musicale devient un acte culturel en soi, une manière de marquer son identité face à l’homogénéisation algorithmique.

Le retour de l’iPod : nostalgie et détox numérique

Au-delà de l’économie, un facteur inattendu alimente ce revival du MP3 : la nostalgie. Sur TikTok, de jeunes internautes exhibent fièrement des iPods vintages. Une vidéo virale montrant un iPod Shuffle transformé en barrette a même dépassé 2 millions de vues sur TikTok.

@freckenbats such a cute accessory 🤪 #vintage #antique #oldelectronics #2000score #2000s ♬ Toxic – Britney Spears

Le succès de cette esthétique « Y2K » trahit un besoin de retour à l’authentique. Les plus romantiques l’auront déjà remarqué : Le design d’un iPod Classic ou d’un iPod Shuffle possède un charme et une personnalité qui font défaut au rectangle de verre d’un smartphone. La Gen Z ne se contente pas de télécharger : elle ritualise.

Écouter ses morceaux sur un appareil dédié offre également une forme de « digital detox », sans notifications ni publicités pour interrompre l’écoute. Saturés de mauvaises nouvelles, les zoomers trouvent dans ce retour en arrière un certain réconfort.

Un modèle économique remis en question ?

Ce retour ponctuel aux pratiques d’antan reste toutefois une tendance de niche qui n’est pas prête de menacer les plateformes sur la durée. Il n’empêche : ce signal faible pointe les limites du tout-streaming.

Les maisons de disques, portées par dix ans de croissance des abonnements, voient aujourd’hui cette progression ralentir. Et les artistes eux-mêmes commencent à contester la rémunération dérisoire que leur rapporte Spotify.

La Gen Z rappelle que la musique n’est pas qu’une commodité numérique. De quoi inciter l’industrie à repenser son modèle économique ? Pour les consommateurs comme pour les artistes… on peut toujours espérer.

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