« Avec la vidéo sociale locale, une marque s’ancre dans la cité », Adèle Tanguy (directrice de Lumière, pôle 366)
Pour ce troisième rendez-vous avec Adèle Tanguy, directrice du pôle Contenu de 366, cap sur deux signaux forts du Palmarès du Grand Prix du Brand Content 2025 : l’innovation technologique qui bouscule la création et les réseaux d’influence locaux qui réinventent la proximité.
INfluencia : l’IA générative est au cœur de nombreux débats. Quel impact voyez-vous sur la création de contenus ?
Adèle Tanguy : oui, mais ça reste un outil. Je ne dis pas que ça n’aura pas d’importance, mais ce n’est pas ce qui m’inquiète. Je suis beaucoup plus fascinée par l’impact de l’IA générative sur les usages et les trafics de nos audiences. Comme j’aime l’innovation, j’ai toujours été impressionnée par la façon dont les créatifs savent s’en emparer.
L’IA va permettre des choses qui vont vraiment nous bluffer. Et qu’on le veuille ou non, il y a toujours plus de contenu diffusé. Je n’ai pas l’impression que cela menace la créativité, au contraire : ça donne aux créatifs de nouvelles façons de s’exprimer.
IN : la catégorie Content Factory met en lumière la montée en puissance des dispositifs de production éditoriale intégrés. Faut-il y voir un signe d’industrialisation du contenu, avec des logiques de plus en plus proches des médias ?
A. T. : pas forcément. Toute plateforme qui communique est un média : une marque, une école, une institution… La différence, c’est la neutralité journalistique. Mais la production de contenu permet aux marques d’expliquer, de faire de la pédagogie, de maîtriser leur discours, ce qui n’est pas toujours possible avec les relations presse.
Certaines sont même devenues de vrais « super médias ». Je pense par exemple à Welcome to the Jungle : c’est un contenu de marque, mais intéressant et bien fait. Les banques aussi ont réussi à occuper un territoire longtemps boudé par les journalistes, celui de la finance personnelle. Aujourd’hui, ce sont même des influenceurs qui s’en emparent, alors qu’il y a cinq ans, personne ne voulait en parler. Pourtant, tout le monde est concerné par des enjeux financiers.
IN : justement, l’influence marketing est mise à l’honneur avec la campagne Capri Seum. Que révèle ce prix ?
A. T. : ce n’est pas une innovation. Les marques vont simplement là où sont les jeunes audiences, comme elles l’ont toujours fait avec l’entertainment. Et de plus en plus d’influenceurs se rapprochent de cet univers.
Ce que j’attends, c’est une professionnalisation accrue, que les marques veillent à la cohérence des valeurs transmises par les influenceurs, et aussi au choix des canaux. Je pense qu’il y aura une bascule dans les mois à venir. Sur TikTok par exemple, certaines marques n’ont plus envie d’être associées à la plateforme. Cela ne veut pas dire qu’elles investiront moins, mais qu’elles feront des choix plus cohérents.
IN : entre innovation technologique et massification de la production, comment éviter que la créativité perde en authenticité ?
A. T. : l’authenticité, c’est toujours l’idée créative. Elle reste au cœur, quel que soit l’outil. Ensuite, la qualité d’exécution sera encore plus spectaculaire, et souvent moins chère, car l’IA permet de réduire les efforts de production. Ce n’est pas cela qui doit faire peur. Le vrai enjeu, c’est de garder la créativité au centre et de l’utiliser pour donner du sens.
IN : face à ces évolutions, quel rôle doivent jouer les agences comme la vôtre ?
A. T. : pour nous, l’enjeu est clair : renforcer le brand content local. Comment produire de la vidéo sociale, comment créer de l’événementiel de proximité, comment activer les réseaux d’influence en région… Produire partout est compliqué pour des marques centralisées à Paris, mais nous avons cette capacité. Avec la vidéo sociale locale, par exemple, une marque s’ancre directement dans la cité.
La France compte 428 000 élus locaux — municipaux, départementaux, régionaux — qui s’informent en priorité via la presse quotidienne régionale, bien davantage que dans la presse nationale. Ces médias constituent une information professionnelle, vérifiée et vérifiable, produite par plus de 6 000 journalistes dont 80 % des contenus sont exclusifs.
Du côté des entreprises, on recense 1,8 million de cadres et dirigeants de TPE/PME, dont 1,2 million en région, ainsi que 2,4 millions d’indépendants. Tous privilégient la PQR comme source d’information et de débat. Les cahiers économiques et leurs déclinaisons digitales deviennent donc un espace stratégique : ils offrent des informations exclusives sur l’économie locale, lues par ceux qui prennent les décisions et façonnent l’opinion.
Avec notre dispositif Business Stories, nous permettons aux entreprises de s’exprimer dans ce cadre à travers des formats éditoriaux et vidéos contextualisés, en lien direct avec les enjeux de leur territoire. En s’inscrivant dans cet environnement premium, reconnu et crédible, elles affirment leur rôle actif dans la cité et contribuent au bien commun, dans un dialogue direct avec élus, décideurs et citoyens.
IN : de légitimité aussi ?
A. T. : Exactement. Confiance et proximité. Notre valeur ajoutée est de rapprocher les marques du quotidien des Français. Nous produisons des vidéos locales diffusées ensuite sur les 300 comptes sociaux des médias régionaux. Cela touche 28 millions de socionautes, ce n’est pas rien.
Et c’est mesurable : la caution locale entraîne +42 % d’intention d’achat. C’est ce que nous faisons par exemple avec Bpifrance : nous produisons toute l’année des vidéos mettant en avant des entrepreneurs régionaux, diffusées via les comptes de la PQR. Ces campagnes fonctionnent très bien. La proximité, qu’elle soit sociale, territoriale ou culturelle, reste la meilleure voie. Et c’est ce que nous défendons au quotidien.