Face à la chute de leurs revenus, les groupes de rock se diversifient dans… la bière
Streaming musical en crise : la bière artisanale devient un plan B pour les artistes.
Les temps sont durs pour les musiciens, même si les chiffres ne le montrent pas forcément. Le nombre d’abonnés aux services de musique payants a bondi de 10 % l’année dernière, pour atteindre 752 millions dans le monde.
Sur les dix dernières années, les revenus de cette industrie sont passés de 12,9 à 29,6 milliards de dollars. Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que…
Si le streaming se porte bien, les ventes physiques d’albums continuent de baisser pour atteindre à peine 4,8 milliards de dollars en 2024 (-3,1%). Ce recul n’a pas été enrayé par la 18ᵉ année consécutive de croissance des ventes de vinyles (+4,6 %).
C’est un coup dur pour les artistes qui touchent bien plus en vendant un CD qu’en diffusant leur dernier album sur une plateforme en ligne. Ces dernières rémunèrent en effet très mal les artistes. Pour gagner un euro, un chanteur doit cumuler 116 écoutes sur Apple Music. C’est bien moins que sur Amazon Music (232), Spotify (361) ou YouTube Music (681).
L’IA pourrait faire chuter les revenus des artistes de 24% en 5 ans
Selon une étude de Citigroup, les auteurs et musiciens ne perçoivent que 12% des revenus de l’industrie de la musique. Sur les 43 milliards de dollars de revenus générés par ce secteur aux Etats-Unis en 2017, à peine 5 milliards sont revenus à l’ensemble des artistes, c’est-à-dire aux auteurs, compositeurs et interprètes. Le pire serait encore à venir.
L’arrivée de l’intelligence artificielle pourrait faire perdre un quart supplémentaire (24%) des rémunérations des artistes d’ici cinq ans, selon la première étude mondiale sur le sujet qui a été publiée par la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac).
Les artistes créent leur marque de bière pour s’en sortir
Pour s’en sortir, les musiciens cherchent donc à trouver des sources de revenus annexes. Une des tendances les plus en vue du moment aux Etats-Unis est l’alliance des décibels avec le houblon…
Récemment la brasserie du Delaware, Dogfish Head, a voulu fêter ses 30 ans en s’associant avec le groupe de rock Grateful Dead qui célèbre, lui-même, son 60ᵉ anniversaire en commercialisant la Grateful Dead Juicy Pale Ale. Cette canette, sur laquelle figure le crâne qui est l’emblème de groupe californien, a connu un rapide succès.
La collaboration entre musiciens et brasseurs va bien au-delà de la simple licence de noms. Pour qu’une bière devienne un « hit » dans les bars, il faut souvent qu’un membre du groupe soit lui-même un amateur de cervoise convaincu.
Pour que ça marche, il faut jouer le jeu jusqu’au bout
Bruce Dickinson, le chanteur, d’Iron Maiden a ainsi travaillé avec la brasserie britannique Robinsons dès 2013 pour élaborer la première Trooper, une ale maltée en hommage à la chanson du même nom. Depuis, la gamme s’est élargie (lager, I.P.A., Pale Ale, Czech Lager…) et s’exporte dans plusieurs pays, avec une croissance des ventes de plus de 7 % aux États-Unis cette année.
Le trio pop-rock américain Hanson, connu pour « MMMBop », a lancé en 2013 Hanson Brothers Beer, avec l’ale Mmmhops.
En 2014, les trois frères ont créé le festival Hop Jam à Tulsa en Oklahoma, où leurs bières sont toujours présentes. Une édition limitée, Pink Moonlight, bière IPA à la pêche inspirée par une reprise d’un morceau de Nick Drake, illustre leur approche immersive du lien entre musique et brassage.
Certaines brasseries utilisent leur espace de production pour accueillir des concerts. C’est le cas notamment de Vine Street Brewing Co. à Kansas City, qui a été fondé par le rappeur Kemet Coleman et qui collabore régulièrement avec des artistes locaux comme Joey Cool.
Aux États-Unis, des festivals comme Country Summer qui est sponsorisé par Bud Light associent musique et bière. Le festival MXPDX, qui se tient au Mexique et dans l’Etat d’Oregon, a rassemblé au mois de juillet 13 brasseurs régionaux qui ont créé des bières et des cidres en utilisant des ingrédients mexicains.
Expérimentations musicales autour de la bière : ça plaît !
La brasserie Dock Street à Philadelphie va encore plus loin en proposant des « expérimentations musicales ». Elle a notamment vieilli une bière tout en diffusant la musique de Wu‑Tang Clan en boucle autour des fûts pendant six mois, afin de tester l’effet des vibrations sur la fermentation. Les quatre fûts de bière produits pour l’occasion, baptisés Beer Ain’t Nothin’ To Funk With, se sont écoulés en un clin d’œil.
En Australie, la marque Young Henrys s’est associée à des groupes comme You Am I (pale ale Brew Am I) ou Foo Fighters (FooTown Lager), pour commercialiser des versions limitées lancées en tournée mettant en valeur les ingrédients des régions d’origine des musiciens. Ces exemples devraient faire des émules en France. Cheers…