11 juillet 2025

Temps de lecture : 3 min

Bitchat : Jack Dorsey lance une messagerie Bluetooth sans Internet, à rebours de WhatsApp

Et si les messages n’avaient plus besoin d’Internet pour circuler ? Ni Wi-Fi, ni 4G, ni identifiant, avec Bitchat, Jack Dorsey transforme chaque smartphone en relais nomade. Une messagerie qui s’affranchit d’Internet pour redonner à l’échange toute sa liberté, même dans les zones blanches ou sous contrôle.

Jack Dorsey n’en a pas fini avec la décentralisation. Après Twitter puis Bluesky, l’entrepreneur américain dévoile Bitchat, une application de messagerie instantanée capable de fonctionner sans Internet, sans carte SIM, et sans aucun serveur. Une promesse radicale, rendue possible par le Bluetooth maillé, qui entend redéfinir les usages numériques en situation de crise ou de surveillance.

Anonymat et sécurité intégrés

Bitchat repose sur un système de communication pair à pair utilisant le Bluetooth Low Energy (BLE) en mode maillage. Concrètement, chaque smartphone équipé devient un relais : les messages envoyés sont transmis de proche en proche, d’un appareil à l’autre, jusqu’à atteindre leur destinataire. Aucun point d’accès central, aucun cloud, aucun identifiant : la messagerie ne dépend que de la proximité physique entre les utilisateurs. Ce fonctionnement rappelle les logiques de résilience mises en avant lors des grandes pannes d’Internet ou en cas de censure politique. L’application ambitionne d’être une alternative viable dans les zones blanches, les événements de grande affluence, ou les contextes sensibles. L’enjeu est clair : redonner à l’utilisateur un contrôle total sur sa communication.

Fidèle aux idéaux de la tech décentralisée, Bitchat ne demande aucune inscription. Pas d’email, pas de numéro de téléphone : l’utilisateur choisit un pseudonyme, et c’est tout. L’application chiffre les échanges de bout en bout et brouille même les métadonnées grâce à des messages factices aléatoires et des délais artificiels d’envoi. Un mode « Panic » permet de tout effacer en un instant, par triple appui sur l’icône. La confidentialité ne s’arrête pas aux conversations privées. Bitchat permet aussi de rejoindre des salons thématiques via mot de passe ou hashtags. Chaque salon peut exister indépendamment, sans administrateur central, et rester actif tant qu’au moins deux membres sont connectés dans un rayon de quelques centaines de mètres.

L’après-WhatsApp : vers une messagerie post-réseau ?

Bitchat n’est pas un OVNI technologique : il s’inscrit dans une lignée de messageries hors ligne déjà éprouvées. Des applications comme FireChat ou Bridgefy ont gagné en visibilité lors des manifestations pro-démocratie à Hong Kong, en 2014 puis 2019, quand les autorités cherchaient à surveiller ou bloquer les communications numériques. Leur principal avantage : échapper aux réseaux contrôlés, en s’appuyant uniquement sur la proximité entre appareils. Bitchat pousse cette logique beaucoup plus loin, en y ajoutant un niveau de sécurité, de chiffrement et d’anonymat inédit.

Mais son potentiel dépasse les contextes politiques. Dans un festival où le réseau sature, dans une zone isolée sans couverture, lors d’une catastrophe naturelle ou simplement pour échanger sans laisser de trace, Bitchat pourrait devenir un outil précieux. Plus la densité d’utilisateurs est forte dans un lieu donné, plus le maillage se renforce. Jack Dorsey le répète : il ne s’agit pas de remplacer WhatsApp ou Telegram, mais de proposer un complément radicalement différent, pensé pour les moments où les plateformes classiques ne fonctionnent plus — ou ne sont plus souhaitables.

Avec ce projet, Dorsey poursuit sa croisade pour un Internet décentralisé. Après avoir quitté le conseil d’administration de Bluesky, il a doublé son soutien aux protocoles comme Nostr, et à tous les outils qui redonnent à l’individu le contrôle de ses échanges. Bitchat, dans cette logique, est bien plus qu’une expérimentation technique : c’est un manifeste en code source. Reste à savoir si cette vision peut séduire au-delà des passionnés de confidentialité et des communautés cryptosensibles. L’application, aujourd’hui limitée à iOS et à quelques milliers de testeurs, pourrait buter sur la fragmentation des usages ou l’inertie des habitudes. Surtout, les utilisateurs sont-ils prêts à sacrifier la fluidité des interfaces grand public pour regagner une forme de souveraineté numérique ?

Pour l’heure, Bitchat agit comme une démonstration. Elle prouve qu’une communication sécurisée, décentralisée et invisible est techniquement possible, sans aucun recours à une infrastructure centralisée. Dans un monde où les gouvernements et les géants du numérique verrouillent peu à peu les canaux d’échange, ce type d’outil pourrait bien ne pas rester une curiosité marginale. Le projet lancé par Dorsey, presque à la légère, semble avoir allumé une mèche bien plus longue qu’il n’y paraît.

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