9 juillet 2025

Temps de lecture : 8 min

Laura Lavergne-Morazzani (14H) : « Nous profitons de l’accélération sur la vidéo et le social, à contre-courant la presse est aussi en croissance »

L’agence 14H a été lancée en 2018 par MediaFigaro. Exactement la même année où est né MAD, le média 100 % vidéo et social du Groupe Figaro. Laura Lavergne-Morazzani, qui a accompagné les débuts de MAD et dirige ces deux entités depuis mai 2024, détaille la dynamique culturelle et business insufflée par ce cousinage au service du brand content.

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INfluencia : 14H, l’agence éditoriale et créative de MediaFigaro, continue d’accélérer sur la vidéo en intégrant la commercialisation du brand content de Figaro TV, quelques semaines après en avoir fait de même avec les équipes de MAD, le média 100 % vidéo et social du Groupe Figaro que vous dirigez également. Pourquoi opter pour une organisation de plus en plus intégrée ?

Laura Lavergne-Morazzani : nous produisions déjà énormément de vidéos pour Le Figaro, Madame Figaro, Gala, désormais Le Figaro TV… Rapprocher les deux entités 14H et MAD a permis d’insuffler cette culture audiovisuelle, digitale et social media à toutes les équipes de 14H et de passer à l’échelle le modèle de monétisation développé sur MAD, avant tout basé sur du brand content vidéo, sur toutes les marques du groupe. Y compris sur Gala en donnant toute sa puissance à cette marque qui compte 16,1 millions d’abonnés sur TikTok. Les deux équipes ont aussi diversifié les secteurs adressés puisque nos opérations abordent des univers très variés, du monde du luxe à celui du voyage, en passant par la banque-assurance ou l’automobile… Nous avons un vrai savoir-faire sur le brand content avec, désormais, quarante personnes qui y sont dédiées sur les deux entités réunies. Quand les marques ont besoin de travailler leur considération, les opérations spéciales dans les titres du Groupe Figaro permettent aussi d’éditorialiser leur propos et de personnaliser leurs messages.

Il était devenu indispensable d’agréger les forces de 14H et MAD et d’accélérer la formation des équipes pour travailler de manière optimale

IN : qu’est-ce qui n’aurait pas été possible sans cette organisation ?

L.L-M. : d’abord, gérer le volume. Pour absorber le nombre de briefs que nous traitons et le nombre de productions que nous opérons aujourd’hui – 14H a eu 472 clients en 2024 -, il était indispensable de mettre toutes les équipes à profit pour traiter le flux, notamment depuis le rachat de Gala (en novembre 2023, ndlr) qui a une activité vidéo considérable. Il fallait aussi agréger nos forces et accélérer la formation des équipes de manière à travailler de manière optimale. La création du compte Figaro Style sur les réseaux sociaux, dédié à l’expression transversale de l’art de vivre du Figaro, est un exemple récent des avantages du rapprochement. Ce qui a été réalisé sur ce compte n’aurait sans doute pas pu l’être si tout était resté siloté.

IN : MAD ne risque-t-il pas de perdre sa singularité en étant ainsi absorbé ?

L. L-M. : les équipes ont été rapprochées mais MAD reste indépendant dans 14H. Nous ne voulons en aucun cas casser l’aspérité de cette marque. C’est avant tout un média – et il est très important qu’il le reste – mais aussi un laboratoire pour tester les nouveaux formats et adresser cette jeune génération qui a et aura toujours une grande obsession des marges. Nous ne sommes pas du tout dans une logique de masse et il n’est pas question d’en faire une marque comme Brut. ou Konbini, d’autant que nous avons déjà avec Gala un média très puissant sur le social. En ce qui concerne MAD et ses 450 000 abonnés – ce qui n’est pas rien -, l’enjeu consiste surtout à cultiver ce followership ultra qualifié et très affinitaire avec les sujets autour de la culture, du luxe, de la mode… Depuis 2018, la communauté a évolué mais elle est toujours en croissance organique. Les contenus que nous lui proposons, qui étaient très contemplatifs et esthétiques il y a sept ans, sont aujourd’hui beaucoup plus incarnés, tournés vers les coulisses et l’avant-garde avec la découverte de créateurs ou d’artisans.

Dans la construction de nos offres, il est important que la légitimité soit avant tout éditoriale

IN : la vidéo et le social sont aussi les deux leviers publicitaires les plus porteurs dans le digital…

L. L-M. : le digital et la vidéo sont travaillés depuis longtemps d’un point de vue éditorial au sein du groupe à travers lefigaro.fr, Figaro Live… Dans la construction de nos offres, il est important que la légitimité soit avant tout éditoriale. Nous profitons de la forte accélération du marché sur la vidéo et le social, à laquelle nous pouvons répondre en nous appuyant en interne sur cinq studios pour la télé et la vidéo, et un studio pour les podcasts. Tout cela nous met dans des conditions de télévision avec une régie intégrée, un système multi-caméras… Au-delà de nourrir notre chaîne en linéaire, nous pouvons découper tous ces contenus destinés au digital et au social media. C’est une vraie force. Il y a chez nous un élément qui s’inscrit un peu à contre-courant du marché car la presse est aussi en forte croissance. C’est plus inattendu et nous en sommes très heureux.

14H profite de la forte accélération du marché sur la vidéo et le social. La presse est aussi en forte croissance, ce qui est plus inattendu

IN : dans quelle mesure cela influe-t-il sur les résultats de 14H ?  

L. L-M. : 14H a réalisé un bon premier trimestre, dans la foulée d’une année 2024 qui était déjà en croissance. L’agence est d’ailleurs en progression depuis sa création en 2018. Cela vient sans doute de notre capacité à mêler un savoir-faire très pointu, une puissance de distribution et cette omnicanalité qui permet de passer de la presse au web, à la vidéo et au social, à la télé et la radio… avec des grammaires plurielles et adaptées chacun des messages. Quand nous réceptionnons un brief – que ce soit pour Le Figaro, MAD, Le Journal du Net… – nous analysons la demande du client pour voir, en fonction de ses objectifs, de ses enjeux et de ses cibles, comment traduire ses messages de communication auprès des bonnes cibles et avec la grammaire adaptée à nos médias. Adresser intelligemment les publics pour générer de l’intérêt est central dans notre réflexion. Tout comme la mesure de la performance avec nos clients et nos audiences.

IN : vous dites que la légitimité de l’agence 14H est avant tout éditoriale. Pourtant, avec le brand content, il y a toujours un risque de mélange des genres…

L. L-M. : les journalistes ne tiennent évidemment pas la plume mais nous avons réussi à établir avec les rédactions du groupe des liens de plus en plus étroits pour travailler main dans la main. A la régie, nous avons l’habitude de dire que nos journalistes sont les meilleurs planneurs stratégiques du marché. Trente minutes d’échanges avec un journaliste spécialiste d’une industrie valent sans doute toutes les recherches que l’on peut faire sur le web. Quel que soit le levier ou le média sur lequel nous faisons du brand content, nous cherchons à respecter la patte éditoriale de nos médias et à apporter une expertise propriétaire. Cela a nécessité une restructuration au sein de 14H avec le recrutement début 2025 d’une directrice éditoriale, Elisabeta Tudor, qui avait notamment fondé la licence française du média américain Nylon. Elle y avait dirigé la rédaction et mis en place le modèle du brand content avec les marques. Il me semblait important d’intégrer un profil comme le sien dans l’agence, qui s’adosse au savoir-faire publisher avec le même niveau d’exigence qu’une rédaction.

Les journalistes du groupe sont pour nous les meilleurs planneurs stratégiques du marché

IN : quelles tendances voyez-vous se dégager aujourd’hui dans les attentes ou les demandes des marques ?

L. L-M. : il est toujours difficile de généraliser mais on voit émerger la nécessité de mieux capitaliser sur des territoires d’expression en allant chercher le public sur les terrains culturels qui les intéressent, par exemple le cinéma comme on l’a vu récemment avec les annonces de Prada. C’est un univers sur lequel nous pouvons créer des points de convergence organiques entre nos univers éditoriaux et les savoir-faire de nos rédactions. La quête de sens reste importante pour comprendre ce qu’il se passe derrière les marques et le boom des contenus de savoir-faire sur les réseaux sociaux en est un exemple. Cette tendance, assez naturelle chez les marques de luxe, touche aussi l’automobile ou d’autres univers qui ont besoin de raconter leurs coulisses pour expliquer ce qu’ils font. Sur des secteurs très encadrés comme la banque-assurance, le savoir-faire journalistique apporte du décryptage, de la pédagogie, parfois de la vulgarisation à différents niveaux, en fonction des leviers ou des cibles adressées. Avec Le Figaro, nous avons organisé un événement pour Mastercard autour de l’intelligence artificielle, avec Madame Figaro un programme de coaching sur l’argent au féminin parrainé par le gestionnaire d’actifs Carmignac, travaillé avec des acteurs de la gestion de paie et de comptabilité sur Figaro Entrepreneurs…

Les marques veulent de plus en plus aller chercher le public sur les terrains culturels qui les intéressent

IN : et au niveau créatif ?

L. L-M. : on nous demande beaucoup de formats impactants qui génèrent une visibilité forte, comme ce numéro bleu de F, le supplément dédié à l’art de vivre du Figaro, réalisé pour Chanel qui lançait pour la première fois sa montre J12 dans une céramique bleue. MAD a aussi accompagné Rolex sur son initiative Perpetual Planet pour toucher une cible de 18-34 ans. Alors qu’ils faisaient des choses très esthétiques, nous leur avons proposé de lancer avec MAD des formats « Ils/Elles gèrent » inspirés des conversations facetime à distance, certes instables et parfois floues, mais qui accrochent l’intérêt et le cœur des gens. Cinq épisodes ont déjà été réalisés et les deux derniers ont atteint de très forts taux d’engagement.

Nous avons très envie de faire de MAD un Lab. Cela arrivera à un moment

IN : quels leviers ou pistes souhaiteriez-vous creuser davantage ?

L. L-M. : nous avons très envie de faire de MAD un Lab et de générer des études. Cela fait plusieurs mois que nous en parlons mais, pour le moment, nous concentrons notre énergie ailleurs. Cela arrivera à un moment… Je voudrais aussi explorer et exploiter davantage les ressources des études afin de mieux argumenter nos recommandations, en faire un vrai vivier pour mettre à disposition des marques ce savoir-faire inhérent à notre industrie en y amenant des process plus structurés. C’est ce que nous faisons déjà de manière partielle et que nous aimerions redimensionner afin de nourrir notre relation avec les marques. Il y a sans doute aussi de nouveaux ponts à créer pour apporter une dimension encore plus internationale à nos dispositifs de brand content.

IN : de quelle manière ?

L. L-M. : les quatrièmes cahiers publiés dans le Figaro et produits par 14H pour des marques implantées à l’échelle mondiale sont parfois traduits dans plusieurs langues pour des distributions avec d’autres éditeurs à l’international. Nous l’avons fait avec le New York Times pour Kering, avec des médias coréens et chinois pour Buccellati… En nous appuyant sur nos actifs internes – notamment Madame Figaro qui est une marque implantée à l’international -, nous avons déjà un important potentiel sur le print et sur les réseaux sociaux. Le quatrième cahier réalisé pour Carrefour, que nous avons accompagnés dans ses prises de parole sur Act for food, a aussi été distribué en version magazine pour les franchisés français.

Les quatrièmes cahiers publiés dans le Figaro sont parfois traduits dans plusieurs langues et distribués par d’autres éditeurs à l’international

IN : comment l’agence 14H entend-elle contribuer aux 200 ans du Figaro, qui seront célébrés à partir de la fin de 2025 ?

L. L-M. : l’anniversaire est surtout piloté par les rédactions, tout comme l’exposition qui aura lieu en janvier au Grand Palais. 14H peut opérer des passerelles avec des marques qui fêtent elles aussi des anniversaires et dont l’ADN est en adéquation avec le nôtre. C’est un réflexe qui nous anime à chaque brief en ce moment. En consultant les archives, on se rend compte que Le Figaro a toujours traité des marques à travers les sujets sur l’art de vivre. Et aussi qu’il a toujours mis en avant les femmes, bien avant le lancement de Madame Figaro il y a 40 ans. Ces archives sont une mine d’or. Pour les 70 ans du Comité Colbert, dont les archives avaient brûlé, nous y avions retrouvé beaucoup d’éléments sur son histoire depuis 1954, ce qui avait permis de faire un carnet de voyage qu’il a distribué de son côté. En vue des 200 ans du Figaro, les équipes passent du temps dans les ventes aux enchères ou les brocantes pour retrouver d’anciens numéros, des posters autour de la marque… C’est une vraie fierté de travailler pour une marque qui a traversé le temps et le traversera encore.

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