Pendant des années, des générations de consultants ont été formés et ont structuré le marketing et la communication à l’aune d‘un paradigme peu contesté : le benchmark.
Il était la boussole du marketing de masse, d’un monde plus lent, qui a conduit, particulièrement dans les biens de consommation courants, à une certaine uniformisation des produits et leur communication.
Second écueil : il ignorait le temps réel et regardait le passé. Or tout s’est accéléré : gaps générationnels, technologies… Le benchmark correspond à l’ère révolu du marketing de masse, pas à celui de l’hyperpersonnalisation. Le benchmark tue dans l’œuf la différenciation et l’innovation de rupture, ignorant micro-communautés, signaux faibles et changements de fond. Enfin désormais l’intelligence artificielle permet de générer des insights et des messages ultra- ciblés.
Le benchmark par secteur est donc devenu insuffisant
Les éléments référentiels de l’usage (UX) comme de tous les moyens de relation et de communication de la marque sont désormais soumis à des imaginaires et des expériences trans-sectoriels. Lorsqu’un Président de Banque Privée m’a demandé de lui présenter un benchmark des meilleures app de son secteur, je lui aiainsi répondu que je ne perdrai mon temps et le sien : la référence pour sa cible c’est Uber, rien d’autre.
Le benchmark est aujourd’hui remplacé pour les marques innovantes et audacieuses par le cultural mapping qui éclaire les imaginaires, les tensions sociétales, les récits collectifs. L’observation ethnographique nous permet de plonger dans la vie réelle des gens, au-delà des chiffres. L’expérimentation en temps réel nous offre de tester, itérer, apprendre – plutôt que d’attendre de savoir ce que fait la concurrence. Enfin la narration singulière conduit à inventer un langage de marque unique, plutôt que de faire à la manière de…
Au-delà du benchmark, la valorisation et la distinction
Une marque forte est une marque valorisée, indispensable et par conséquent pérenne et rentable. Il faut donc repositionner, augmenter la qualité, « charger de sens », s’inspirer de ce que font les marques de luxe et premium.
Si les gens veulent de plus en plus de premium ils ne veulent pas pour autant être identifiés à la masse, la personnalisation est une aspiration partagée, le prestige est une notion un peu figée voire ringarde aujourd’hui. Peut-être devrait-on parler de « scaled premium » ?
Pendant ce temps la digitalisation a également changé la donne : les marques premium et surtout de luxe sont devenues les nouveaux référents pour les plus jeunes générations et même pour le plus grand nombre. Clips, stars, media sociaux, influenceurs ont rendu quotidienne la proximité avec les marques et produits les plus aspirationnels.
Quelles conséquences cette familiarité emporte-t-elle ?
• Ce ne sont plus simplement ces marques qui s’imposent comme référents quotidiens à travers le monde. Ce sont également leur imaginaire, leurs codes, leurs rites, leurs lieux de vente et bien sûr l’ensemble de leurs outils de communication
• Désormais l’erreur qui consiste à fournir à la cible le type de communication que l’on croit devoir lui fournir devient une faute.
« Faire cheap » est désormais aussi stupide et dangereuxque faire comme les autres. Le champ de choix des marques est d’autre part aussi, voire plus étroit qu’avant, les gens sont devenus plus sélectifs et leur jugement sur le discours et la qualité de la communication des marques, tous domaines confondus,est infiniment plus exigeant. Ils ont bien raison.
Il est donc plus urgent que jamais de se servir du levier de la communication pour respecter les publics, leur offrir du beau et des imaginaires de marques riches et puissants, ce que Bourdieu nommait : « la distinction ».
Jean-Paul Brunier, co-fondateur de BrunierObadia,
ancien Président de Leo Burnett et dirigeant chez Publicis, ancien membre du bureau de l’AACC et administrateur de l’ARPP