Strava x Distance : quand la mode court après le vrai sport

Ce n’est pas un partenariat de surface. Distance, concept store dédié au running né à Lyon puis implanté à Paris, Copenhague et Iten (Kenya), cultive une approche communautaire, entre sport et design. Strava, de son côté, s’impose comme la référence mondiale des applications sociales de course et de vélo, avec plus de 120 millions d’utilisateurs enregistrés. L’idée d’un projet commun a émergé naturellement, au croisement de leurs ADN respectifs.

« La Fashion Week était le moment parfait pour confronter les valeurs de Distance à celles de l’industrie de la mode », explique Guillaume Pontier, cofondateur de Distance. « Le sportswear tel qu’il est traité dans la mode est souvent très éloigné de la pratique sportive réelle ». Cette divergence entre l’imaginaire des podiums et la réalité du terrain a servi de point de départ au projet. Pour Gregory Vermersch, en charge du développement de Strava en Europe, l’intention était claire : « C’était une évidence de construire un pont entre les métiers créatifs de la mode et ceux du sport, surtout dans une période aussi symbolique que la Fashion Week de Paris ».

Un défilé conçu comme un sprint

Le résultat s’appelle « The CatRace », un jeu de mots volontairement provocateur entre catwalk et race. Tourné en extérieur, dans un décor brut, ce défilé d’un nouveau genre a été filmé en une prise. Les silhouettes ? De vrais athlètes, membres de la communauté Distance, courant à pleine vitesse, en ligne droite. Le show ne dure qu’une minute, sans ralenti, sans répétition, sans lumière artificielle. Et surtout, sans mannequins.

« Nous voulions remettre le sport au cœur du sportswear », précise Damien Clanet, directeur artistique chez BETC, l’agence qui a conçu l’activation. « L’idée était de proposer une collection qui prenne sens dans le mouvement, et non sur une scène figée ». Le concept est poussé jusqu’au bout : les looks ne seront diffusés que via une vidéo au ralenti sur Instagram et un lookbook numérique, permettant d’analyser chaque tenue image par image.

Une esthétique utilitaire et radicale

Les vêtements, conçus en collaboration avec la styliste Stephy Galvani, jouent sur des matières techniques (nylon, polyester, tulle stretch) et des éléments inspirés du trail, du crossfit ou du running urbain. Sangles, poches à scratch, accessoires modulables, cordons apparents : tout évoque la fonction avant la forme, tout en gardant une ligne graphique cohérente.

« Mettre en action les vêtements, les éprouver à vitesse réelle, c’était la seule manière logique de les faire exister », résume Galvani. Le tournage, réalisé par le studio Soldats, rompt aussi avec les canons visuels de la mode traditionnelle. Le réalisateur Guillaume Allantaz a opté pour une captation brutale et tendue, sans coupe superflue, pour « raconter la performance dans sa vérité, pas dans une mise en scène ».

Une critique en creux du sportswear de façade

Avec « The CatRace », Distance et Strava lancent une flèche directe vers une industrie de la mode parfois trop habile à mimer les codes du sport sans en assumer les exigences. Le défilé ne dure pas, ne se laisse pas consommer comme un spectacle. Il fuit le glamour, revendique l’éphémère, et s’offre comme une expérience à décoder lentement. Dans un monde saturé d’images stylisées, ce manifeste en mouvement marque une rupture. Ce projet, aussi minimaliste dans sa forme qu’ambitieux dans son message, pourrait bien ouvrir la voie à une nouvelle grammaire créative : celle où la performance réelle, le geste sportif et la sincérité communautaire prennent enfin le dessus sur la représentation.