30 juin 2025

Temps de lecture : 4 min

« Mettre fin aux asymétries concurrentielles pour ne pas désavantager les acteurs nationaux face aux géants du numérique », Delphine Ernotte (France TV)

La Filière Audiovisuelle (LaFA) dévoile son premier Livre blanc et ses propositions pour "protéger" l'exception culturelle française face à la concurrence des plateformes internationales non soumises aux mêmes contraintes réglementaires et, créer un milliard d'euros de valeur supplémentaire pour le pays.  
Les acteurs de la Filière audiovisuelle LaFA réunis le 27 juin pour présenter leur premier Livre Blanc

Les acteurs de la Filière audiovisuelle LaFA réunis le 27 juin pour présenter leur premier Livre Blanc

Les acteurs de la Filière audiovisuelle LaFA (TF1, France Télévisions, M6… sans Canal+), créée en novembre 2024, étaient réunis, vendredi 27 juin à France Télévisions, pour présenter les recommandations de son premier Livre Blanc, selon les modélisations réalisées par PMP Strategy.

En introduction, Delphine Ernotte Cunci, Présidente-Directrice générale de France Télévisions et Vice- présidente de LaFA a rappelé la contribution majeure de la filière audiovisuelle française au dynamisme économique national. En effet, le secteur audiovisuel qui emploie plus de 260 000 personnes a généré une valeur ajoutée de 12,6 milliards d’euros en 2022, devant l’industrie automobile, le positionnant comme premier contributeur des industries culturelles. La filière confirme son rôle économique stratégique pour le pays, un levier essentiel identifié dans le Livre Blanc pour renforcer et projeter l’audiovisuel dans l’avenir (résilience, innovation…).

Mais face à la mutation des usages – 35 % de la consommation vidéo échappe à la télévision linéaire (+3% points vs 2019) en 2024, portée par les écrans connectés – et une concurrence asymétrique portée par les plateformes mondiales, « l’équilibre du secteur est fragilisé par sa confrontation aux mutations du marché, marqué par des asymétries réglementaires entre les médias traditionnels et les plateformes internationales », indique LaFA dans son rapport. Cette évolution accélère en effet l’ouverture du marché mais accentue les déséquilibres face aux géants du numérique, soumis à des règles réglementaires et fiscales différentes. « Il est souhaitable de mettre fin à ces asymétries concurrentielles, notamment dans l’accès aux marchés publicitaires, pour que les acteurs nationaux ne soient pas désavantagés par rapport aux géants du numérique (…) qui captent la majeure partie de la croissance du marché publicitaire en France« , a déclaré Delphine Ernotte Cunci lors de son intervention. La Filière Audiovisuelle prône la correction des asymétries liées à la publicité afin de permettre un juste rapport de force sur le marché face aux plateformes internationales et la pérennité du financement des médias investissant dans la création, la production audiovisuelle et l’information. L’enjeu étant de préserver la création de valeur et protéger l’exception culturelle française face à la concurrence des plateformes internationales.

Faire évoluer les règles pour un juste rapport de force et assurer la pérennité de la filière

La filière plaide pour la levée des restrictions relatives aux secteurs interdits au niveau national en TV, en particulier celles qui encadrent la publicité concernant les promotions pour la grande distribution sur les chaînes de télévision. À ce sujet, il est rappelé que les revenus publicitaires captés par les plateformes comme YouTube ne participent pas au financement de la création, contrairement aux chaînes traditionnelles mises à contribution. Le Livre Blanc préconise également de prévoir des règles publicitaires identiques pour tous les acteurs et de moderniser la loi Sapin pour établir une concurrence équitable entre les médias nationaux et les plateformes dans la commercialisation des prestations de publicité. « Le monde s’est extrêmement « technologisé » et complexifié. La loi de 1993 (Sapin) commence à dater. Sans remettre en cause ses principes de transparence, il est aujourd’hui nécessaire de rouvrir les discussions. L’audiovisuel, comme beaucoup de métiers, demande un rééquilibrage de cette loi. L’enjeu aujourd’hui, est que chacun joue selon les mêmes règles qu’il s’agisse des contraintes ou des libertés. Dans un contexte où l’asymétrie est devenue la norme, il est temps de repenser les règles, et se projeter dans un monde en pleine transformation », expose Gautier Picquet, CEO de Publicis Media France lors de la conférence. Dans cette perspective, il est aussi proposé de réévaluer la responsabilité des plateformes de partage de vidéos (YouTube, et réseaux sociaux) financées par la publicité et leur intégration au modèle français (comme la contribution au financement de la création via la fiscalité).

… pour atteindre un milliard d’euros de valeur supplémentaire

Le modèle français repose sur un système culturel unique qui lui permet de préserver et valoriser sa création audiovisuelle tout en assurant un juste équilibre entre liberté d’expression, souveraineté culturelle et diversité des œuvres. Un modèle qui s’inscrit dans un cadre européen (en particulier la Directive sur les Services des Médias Audiovisuels (SMA). « Notre modèle de financement de la création française est unique, envié de par le monde et créateur de valeur. Face à des changements technologiques et concurrentiels significatifs, il est aujourd’hui fragilisé. Ensemble, nous pourrons le faire évoluer et le renforcer pour mieux embrasser les enjeux à venir et inscrire notre secteur dans une industrie du futur, a indiqué Rodolphe Belmer, Président-Directeur général de TF1 et Président de LaFA qui rappelle que le secteur audiovisuel est une industrie d’avenir, « On est dans un moment où il n’est plus possible de rester dans l’immobilisme » et invite les pouvoirs publics à se saisir du Livre Blanc dans lequel l’Etat est appelé à assurer à l’audiovisuel public un financement « dynamique, pérenne et prévisible indispensable au maintien de son indépendance ». D’après les estimations de PMP Strategy, les propositions de la Filière Audiovisuelle pourraient rapporter près d’un milliard d’euros de valeur supplémentaire par an à l’économie française. Cela passerait notamment par la levée de certaines interdictions publicitaires, ce qui permettrait d’augmenter les investissements dans le secteur, ainsi que par une meilleure équité avec les plateformes internationales, offrant ainsi aux éditeurs français des conditions plus justes pour se développer sur le marché de la publicité digitale.

La Filière Audiovisuelle formule ainsi dans son Livre Blanc une série de propositions pour faire évoluer son modèle face aux défis actuels. Pour être pleinement efficaces, elles doivent s’accompagner d’une consolidation des piliers structurants de l’écosystème que sont un financement stable, une régulation adaptée, la transformation numérique, le régime des intermittents et les dispositifs de soutien comme le crédit d’impôt. L’ensemble visant à préserver l’exception culturelle française tout en accompagnant la transition du secteur dans un environnement en constante évolution.

Les cinq axes stratégiques pour l’avenir de la Filière Audiovisuelle

  1. Assurer à l’audiovisuel public un financement par l’État, dédié, dynamique, pérenne et prévisible, indispensable au maintien de son indépendance et à l’accomplissement de ses missions spécifiques et distinctives d’intérêt général.
  2. Moderniser l’encadrement de la publicité (corriger les asymétries) pour permettre aux éditeurs français de concurrencer efficacement les plateformes internationales, garantissant ainsi un financement durable pour la création, la production et l’information de qualité.
  3. Adapter le cadre règlementaire lié à la diffusion et soutenir les éditeurs nationaux pour leur assurer des conditions équitables sur tous les environnements.
  4. Poursuivre l’intégration des plateformes de vidéo à la demande au modèle français, notamment en harmonisant les obligations de diffusion, pour en faire un moteur durable de la filière, au service de la création et de la production française et européenne.
  5. Protéger les droits de propriété intellectuelle à l’ère du numérique en adaptant le cadre juridique de l’intelligence artificielle générative (IAG), en assurant la transparence dans l’utilisation des données, et en promouvant une IAG éthique et responsable au service de la création.

À retenir

Les six piliers pour le bon fonctionnement de l’écosystème présentés dans le Livre Blanc de LaFA :

✔ Les dotations publiques, dirigées vers les acteurs de l’audiovisuel public ;

✔ La publicité, au cœur du modèle écono- mique des éditeurs privés gratuits ;

✔ L’abonnement et le paiement à l’acte des acteurs privés payants (éditeurs privés payants, plateformes SMAD2, etc.) ;

✔ Les politiques publiques qui organisent une redistribution, à travers des dispositifs nationaux et territoriaux (aides régionales, etc.) et des mécanismes spécifiques au secteur (CNC2, intermittence du spectacle, crédit d’impôt audiovisuel, etc.) ;

✔ Les sociétés de production audiovi­suelle, chevilles ouvrières de La Filière Audiovisuelle qui participent au financement des œuvres ou programmes et à la rémunération des créateurs et des intervenants à la production ;

✔ Les organismes de gestion collective des droits d’auteur ou des droits voisins, qui assurent la collecte et la répartition de ces droits aux créateurs et facilitent l’exploitation des œuvres pour leurs utilisateurs-diffuseurs.

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