Affichés, mais jamais effacés : Habitat et Humanisme rend visibles les invisibles

Fondée en 1985 par Bernard Devert, l’association Habitat et Humanisme n’a cessé de militer pour un logement accessible, décent et intégré socialement. Quarante ans plus tard, l’enjeu reste brûlant d’actualité. En France, l’exclusion liée à la précarité de l’habitat touche des centaines de milliers de personnes, alors même que le lien entre logement et dignité humaine ne devrait plus faire débat.

Pour marquer cet anniversaire, l’association a choisi un dispositif qui donne la parole à ceux qu’on entend rarement : ses propres bénéficiaires. À travers six visuels portés par de véritables personnes accompagnées par l’association, la campagne vise à sortir des clichés misérabilistes. L’objectif : proposer une représentation juste, humaine et forte de celles et ceux qui vivent la précarité du logement.

Une signature forte, une esthétique assumée

Conçue avec l’agence Elvis, la campagne porte une accroche sans détour : « Pas d’humanité sans habitat ». Une formule simple, mais qui interroge puissamment notre rapport collectif à l’exclusion. Loin des visuels édulcorés ou sensationnalistes, la direction artistique repose sur un équilibre subtil : dignité des visages et rudesse des mots. Le photographe Christophe Pouget signe une série de portraits intimes, sobres et directs. Son approche met l’accent sur les regards, les postures, les silences. Chaque cliché est accompagné d’un message qui interpelle sur la réalité sociale du mal-logement, tout en valorisant la singularité de chaque personne représentée. L’ensemble rompt avec la rhétorique de la pitié pour mieux installer celle du respect et de la reconnaissance.

Pensée comme un acte militant, la campagne s’appuie sur un dispositif hybride : affichage libre, médias sociaux, mobilier urbain. Elle se déploiera en trois temps forts, à partir du 10 juin. D’abord, via des sessions de collage organisées par les bénévoles dans une centaine de villes françaises, sur des panneaux d’affichage libre. Ensuite, sur les réseaux sociaux (Instagram, LinkedIn, Facebook), avec une amplification digitale à partir des visuels et des témoignages. Enfin, durant l’été, la campagne sera présente à l’échelle nationale sur 1000 mobiliers urbains via un partenariat avec JC Decaux. Ce triple canal permet de conjuguer ancrage local, visibilité nationale et engagement numérique. Il mobilise un réseau de 6000 bénévoles et plusieurs centaines d’équipes mixtes (bénévoles, résidents, salariés), soulignant l’implication collective au cœur de l’action de l’association.

Une démarche de fond pour un combat toujours actuel

Si cette campagne d’anniversaire se distingue par son ton et sa mise en scène, elle ne doit pas faire oublier la mission profonde d’Habitat et Humanisme. Le Mouvement agit dans 89 départements à travers 59 associations, avec l’appui de plus de 5600 bénévoles et 2450 salariés. Son action repose sur trois piliers : l’accès au logement pour les personnes précarisées, l’insertion sociale, et la recréation de liens dans une société de plus en plus fragmentée. Les logements sont prioritairement situés dans des « quartiers équilibrés » pour favoriser la mixité sociale, tandis que l’accompagnement proposé (individuel ou collectif) vise à rompre l’isolement et à restaurer la confiance. L’innovation sociale et l’invention de nouveaux modèles économiques (comme les foncières solidaires) font aussi partie intégrante de l’ADN de l’organisation.

À travers cette campagne d’affichage, Habitat et Humanisme rappelle que la crise du logement n’est pas une abstraction statistique mais une réalité humaine, visible et digne d’attention. En choisissant de mettre en scène celles et ceux qui vivent cette réalité, l’association ne commémore pas seulement 40 ans de combat : elle réaffirme, dans l’espace public, une vérité simple mais fondamentale. Il n’y a pas d’humanité sans habitat.