INfluencia : dans le cadre de vos études visuelles vous vous intéressez aujourd’hui à la vidéo devenue incontournable ?
Sandra Michalska : oui, nous avons effectué une importante analyse sur les tendances visuelles au travers de notre étude Visual GPS que nous réalisons tous les trois mois au sein de iStock. En tant qu’experte visuelle (au sein de Getty Images), mon rôle a été cette fois de contextualiser les chiffres, de comprendre pourquoi la vidéo, a connu autant de succès, pourquoi elle est plus consommée aujourd’hui et considérée comme un format plus dynamique, plus expressif que l’image, par exemple. Pour cela nous avons interrogé 7000 personnes dans le monde sur trois types de données étudiées chez Getty Images et iStock, l’appétit visuel à partir des mots-clés recherchés sur notre site. L’analyse des téléchargements et enfin, la compréhension du sentiment des consommateurs vis-à-vis de ce qu’ils observent dans la communication visuelle aujourd’hui.
Comprendre comment les mots clés sont concrètement utilisés dans les visuels selon les différents thèmes
IN. : qu’avez-vous constaté ?
S.M. : pour vous donner une idée, nous sommes capable d’analyser aujourd’hui plus de 2.1 milliards de mots clés recherchés sur notre site, ce qui nous donne des éléments de réponse sur ce que les individus souhaitent, mais aussi des informations de compréhension sur les tendances à venir parce que ce corpus unique nous permet de décrypter et de déchiffrer les signaux faibles. Comprendre comment les mots clés sont concrètement utilisés dans les visuels selon les différents thèmes. Nous réalisons une recherche approfondie des images, des vidéos, des illustrations qui sont réellement utilisées par les marques et les utilisateurs d’iStock, pour en déduire des tendances iconographiques, les thèmes visuels qui sont concrètement abordés. Ce qui nous donne des éléments clé pour savoir si les thèmes visuels abordés dans la communication visuelle de marque aujourd’hui trouvent leur audience, leur public, tout simplement.
IN. : vous dites-vous adresser aux PME et TPE…
S.M. : oui, c’est un tissu important de l’industrie, mais nous interrogeons les créatifs freelance par exemple, les étudiants qui ont besoin de trouver les bonnes images, les bonnes vidéos pour justement produire le contenu visuel qui va trouver son public.
IN. : vos constats en dehors de l’augmentation de l’appétit visuel pour les vidéos ?
S.M. : de fait, ce qui est le plus intéressant dans notre étude, ce sont les sentiments des consommateurs vis-à-vis de ce format parce qu’il représente une tendance exponentielle qui continue de dominer les préférences visuelles des consommateurs un peu partout dans le monde en particuler en France, en Europe, aux États-Unis. Le format vidéo est particulièrement plébiscité par les jeunes générations.
En effet, plus de la moitié des milleniums (51 % en France) et 59 % de la gen Z affirment qu’ils utilisent quotidiennement les plateformes vidéos avant tout pour consommer les formats courts, pour se divertir. Cette tendance lourde ne signifie pas pour autant que les marques doivent utiliser ces formats, parce que parallèlement, le format long gagne de plus en plus du terrain avec 38 % des Français de la génération Z et 41 % des millenials français qui sont aussi inspirés par les vidéos de longue durée.
IN. : qu’appelez-vous longue et courte durée ?
S.M. : cela dépend des plateformes. Sur TikTok et Instagram, les durées courtes sont plébiscitées. Alors que Youtube va favoriser les formats longs d’une minute. Cette nature même de la vidéo lui donne un avantage algorithmique sur les réseaux, mais aussi les sites web.
Cela explique pourquoi le paysage visuel actuel est un monde vidéo first tout simplement.
IN. : que révèlent ces utilisations ?
S.M. : le premier aspect relevé est celui, divertissant de la vidéo, le fait qu’elle est considérée comme plus dynamique, plus digeste et expressive qu’un format texte par exemple. Si la vidéo engage les audiences aujourd’hui, c’est parce qu’une vidéo demande plus d’attention qu’une photo. Notre cerveau est capable de décrypter, de déchiffrer le message qui est véhiculé par une image en une fraction de seconde. Alors que quand on regarde une vidéo, une histoire se déroule, un laps de temps est obligatoire. Le contrat de lecture n’est pas le même. La vidéo capture notre attention plus longtemps, nécessite un temps d’attention prolongé et cela joue aussi sur notre curiosité naturelle : savoir ce qui va se passer ensuite, comment la vidéo va se terminer, quelle sera sa chute. Par ailleurs, ce format explique des choses beaucoup plus complexes qu’une photo, qu’un texte. Un processus, des transformations, révèle des émotions aussi parce qu’on peut commencer une vidéo avec un personnage qui est pensif ou un peu triste va finir par sourire.
Ce n’est pas quelque chose qui est possible avec le format figé de la photo. Et cette nature même de la vidéo lui donne un avantage algorithmique sur les réseaux, mais aussi les sites web qui vont favoriser les vidéos parce que justement elles permettent de capturer notre attention plus longtemps.
Lorsque l’on ajoute un format vidéo, court, long sur un site web, cela envoie un signal aux moteurs de recherche, l’attention est plus importante, plus longue, ce qui va favoriser la rétention des publics sur ce site. Cela explique pourquoi le paysage visuel actuel est un monde vidéo first tout simplement.
Nos chiffres nous montrent que le public regarde le contenu aujourd’hui avec beaucoup de curiosité et d’appétence mais en même temps, développe une certaine distance en parvenant chaque fois plus à démêler le vrai du faux.
IN. : le temps passé, notamment par les jeunes générations fait partie des problématiques actuelles…
S.M. : effectivement, sur les plateformes, sur les réseaux sociaux, c’est un immense problème, mais en même temps, la manière de consulter Internet est en train d’évoluer. Effectivement nos chiffres nous montrent que le public regarde le contenu aujourd’hui avec beaucoup de curiosité et d’appétence mais en même temps, développe une certaine distance en parvenant chaque fois plus à démêler le vrai du faux. La notion d’authenticité dont on parle depuis des nombreuses années est aussi plus présente que jamais.
IN. : qu’est-ce que ça veut dire authenticité aujourd’hui ?
S.M. : selon nos chiffres, on voit que l’authenticité est primordiale pour les consommateurs parce que 98 % des Français l’évoquent, un chiffre impressionnant que l’on n’avait jamais vu. Elle est aujourd’hui la clé pour bâtir la confiance vis-à-vis d’une marque. Ce terme authenticité qui était un peu galvaudée sur-utilisé dans notre milieu reprend un peu le lead, et on se questionne de plus en plus sur cette notion et sa justesse.
IN. : concrètement ?
S.M. : le succès fulgurant de nos collections spéciales créées comme Disrupt Aging, pour représenter de manière authentique les personnes âgées et pour ainsi s’attaquer aux stéréotypes autour de l’âge. Nous avons ainsi imaginé notamment, une collection en partenariat avec Dove, qui s’attaque aux stéréotypes autour de la beauté et de la féminité.
IN. : pouvez-vous nous citer d’autres partenariats marquants en France ?
S.M. : les deux partenariats les plus importants réalisés en France, ce sont Show Us Skin et Disrupt Aging qui sont disponibles sur iStock. Un partenariat né du constat de l’absence de représentation des personnes de plus de 50 ans dans le milieu du travail tout en sachant qu’en France, il y a un problème de l’emploi pour cette catégorie d’âge. Notre événement Create Paris a réuni plusieurs photographes français qui ont photographié des personnes de plus de 50 ans castées par nos soins. Des prises de vue destinées à promouvoir l’insertion de cette génération.
IN. : créer du contenu à la fois authentique et attractif, n’est-ce pas une utopie à l’heure de la quantité démentielle de vidéos qui circulent ?
S.M : c’est là où notre étude Visual GPS est clé. Nous pouvons décrypter les sentiments du public vis-à-vis de ce contenu. Et ce que nous révèle notre étude, c’est que le réel et l’authenticité sont beaucoup plus attirants, captivants que l’aspiration hors portée, pour les vrais gens. Qu’il s’agisse d’une grande entreprise ou d’une PME, une histoire racontée par un auto-entrepreneur, est très efficace auprès du public qui a besoin de s’identifier grâce à une certaine sincérité. Get Ready With Me et Behind the Scenes sont deux formats qui sont assez populaires sur les réseaux sociaux. Des types de vidéo qui nous parlent directement, dépouillées, proches. Celui qui s’exprime devient « un ami, quelqu’un de très proche » qui nous parle, instaure encore une fois ce sentiment de sincérité, d’honnêteté, d’authenticité qui sort un peu des cases de cette masse de sollicitations visuelles que l’on peut voir sur internet.
IN. : vous avez évoquez les TPE des TPI. Qu’apportent-elles d’autre ?
S.M. : iStock, est une plateforme qui propose le contenu visuel digital, c’est-à-dire des vidéos, des images et des illustrations qui sont destinées principalement à des petites entreprises, à des créatifs en freelance, ou à des étudiants.
IN. : n’y-a-t-il pas un paradoxe entre ce que vous observez sur les réseaux et ce que souhaitent faire les PME, les ETI ?
S.M. : c’est un combat, justement, puisque nous sommes là, pour aider les entreprises à communiquer de manière efficace sur les réseaux sociaux. Parce que c’est là où se passent beaucoup de choses. C’est là que les entreprises peuvent augmenter leur visibilité et permettre de découvrir leurs activités, l’un des défis principaux aujourd’hui. Ces dernières nous ont ainsi révélé que la rentabilité et la recherche de nouveaux clients sont les plus grands défis auxquels les PME sont confrontées aujourd’hui.
Aujourd’hui on n’achète pas uniquement le produit mais un univers.
IN. : Beaucoup de jeunes s’informent par le documentaire. Est-ce que c’est quelque chose qui va dans le sens de l’authenticité pour vous et que vous observez aussi ?
S.M : notre objectif est de créer ce contenu qui s’inscrit dans cette tendance de montages vidéos qu’on peut voir dans Behind the Scenes sur les réseaux sociaux. Et cela vient de l’impact du documentaire lorsque par exemple nous montrons les coulisses d’un événement quel qu’il soit. Cette nouvelle tendance de s’informer à travers le documentaire que l’on constate dans l’espace visuel créatif, voire publicitaire permet effectivement de crédibiliser l’activité de l’entreprise mais aussi de créer une sorte d’ambiance de storytelling autour d’une marque parce qu’on sait très bien qu’aujourd’hui on n’achète pas uniquement le produit mais un univers.
IN. : vous avez évoqué les plus de 50 ans, que faites-vous pour les jeunes, sans tomber dans les caricatures de l’époque ?
S.M. : la jeune génération est un peu plus attirée par l’authenticité, certes, mais aussi par une esthétique un peu plus intuitive, sensorielle et émotive. La jeune génération, notamment la gen Z est attirée par les couleurs, les lieux, l’esthétique. Le récit qui les attire est un peu moins linéaire. C’est un récit qui est basé sur l’ambiance, sur la vibe.
Les préférences des jeunes générations en termes de visuels vont donc vers ces marques qui cultivent une certaine esthétique du montage, de l’association d’univers, bien plus que la génération X, ou Baby Boomer.
IN. : l’IA fait-elle partie de vos préoccupations ?
S.M. : oui évidemment ! Nous sommes assez enthousiastes vis-à-vis de l’IA générative parce qu’elle ouvre un champ des possibles créatif inédit. L’IA générative est un outil formidable parce qu’il nous permet de créer ce type d’image ou ce type de contenu en quelques secondes, elle ouvre le champ possible créatif. Chez iStock, nous sommes persuadés que les deux peuvent coexister, mais l’IA doit être utilisée avec prudence, d’où la création au sein de notre entreprise d’un contenu généré par l’IA de iStock.