INfluencia : Pourquoi avez-vous décidé de publier le premier baromètre de réputation IA des dirigeants du CAC 40 ?
Edouard Fillias : Nous sommes actuellement en train de passer d’un monde du search dominé par Google à un monde de la solution. L’IA vous permet de poser une question de la manière la plus humaine possible et d’obtenir une réponse précise. Aujourd’hui, 65% des CSP+ utilisent déjà l’IA pour s’informer selon l’INSERM et 81% font confiance à ses réponses d’après YouGov. Les moteurs IA représentent déjà 4% des recherches web. Ce chiffre est en croissance exponentielle. Les recherches sur ChatGPT devraient ainsi dépasser celles sur Google dès décembre 2026.
Il nous semblait donc important de faire une étude afin de comprendre comment les intelligences artificielles génératives (comme ChatGPT) perçoivent, synthétisent et hiérarchisent le leadership des patrons français et quelles conséquences leurs réponses peuvent avoir sur l’image des dirigeants.
IN. : Quels sont les principaux enseignements de votre étude ?
E. F. : Nous avons constaté que les résultats apportés par l’IA étaient généralement plus précis, exacts et fidèles à la réalité que ceux des moteurs de recherche traditionnels. Leur qualité est supérieure. Cela tient aux sources prises en compte par l’IA qui s’appuie beaucoup sur les articles de presse, sur Wikipedia, sur les Forums et sur les sites suggérés par Bing. Elle prend assez peu en compte les réseaux sociaux. Concernant la presse, ChatGPT a suivi une approche très différente de celles de Google en nouant des partenariats avec plusieurs médias comme Le Monde. Cette stratégie a des conséquences heureuses sur la qualité de ses réponses.
IN. : Quelle méthode avez-vous privilégié pour mesurer la réputation IA des dirigeants du CAC 40 ?
E. F. : Nous avons demandé à ChatGPT d’évaluer les 40 dirigeants du CAC selon sept critères clés de leadership : gouvernance, performance, communication, réputation, éthique, relations employés et impact sociétal. Ces patrons obtiennent des notes bonnes et assez homogènes puisque l’éventail de score va de 6,4 à 8,7. Il existe toutefois des différences notables.
IN. : Quelles sont-elles ?
E. F. : Les dirigeants du luxe comme Bernard Arnault (5ème), Axel Dumas (8ème) et François-Henri Pinault (10ème) ou de la tech dont Jean-Pascal Tricoire de Schneider Electric (1er), Patrice Caine de Thales (2ème) ou Jean-Marc Chery de STMicroelectronics (3ème) jouissent d’une image favorable, grâce à des résultats financiers solides, à une gouvernance efficace et à une communication engageante. Les dirigeants d’autres secteurs, comme la banque dont Philippe Brassac du Crédit Agricole (34ème) et Slawomir Krupa de Societe Générale (38ème), sont relégués au bas des classements car ils sont plus plus critiqués par l’opinion. Les patrons du retail comme Alexandre Bompard de Carrefour (37ème) sont, eux, pénalisés par les articles critiques publiés dans la presse.
IN. : Les grands patrons français vont-ils devoir faire plus attention à leur réputation IA ?
E. F. : Sans aucun doute. Nous allons entrer dans un monde obsessionnel de l’IA. La réputation des dirigeants et de leurs sociétés dépendra de leur capacité à tenir leurs promesses. Les IA répertorient leurs engagements et leur éventuelle prise de distance. Les patrons devront donc désormais composer avec cette mémoire accessible à tous. Elle deviendra un point central de la réputation numérique des dirigeants et des groupes, au vu et su de leurs actionnaires et partenaires. On pourrait presque parler de conscience numérique. Les journalistes économiques n’iront plus sur Google mais sur ChatGPT pour trouver les biographies des chefs d’entreprises. Les petits actionnaires s’informeront aussi sur ces plateformes. L’IA a en effet l’avantage de ne pas être entachée par le modèle commercial des moteurs comme Google. C’est un changement de cap important.
IN. : Existe-t-il d’importantes différences entre les différentes plateformes d’IA génératives disponibles sur le marché ?
E. F. : ChatGPT est la plus populaire, Claude est bonne pour le style et Perplexity est davantage un moteur. Il existe par contre de grandes différences entre les versions gratuites et payantes des IA.
IN. : Laquelle utilisez-vous personnellement ?
E. F. : J’utilise beaucoup ChatGPT car ses interfaces sont très simples et son modèle payant permet d’avoir beaucoup d’applications comme celle dédiée à la vidéo.
IN. : Comptez réactualiser votre baromètre chaque année ?
E. F. : Nous pensons même le faire deux fois par an car les choses évoluent si rapidement avec l’IA. Cette première étude en appelle d’autres. Nous pourrions notamment distinguer les marques préférées des Français ou classer les grandes entreprises en fonction de différents critères.