5 mai 2025

Temps de lecture : 4 min

TF1, M6, la charrue et les bœufs : la myopie n’interdit pas la mauvaise foi

Rapprochement TF1-M6 : Benoît Cœuré, président de de l’Autorité de la concurrence a refroidi les espoirs d'une fusion en 2025 rappelant l’existence d’un verrou légal de cinq ans et même plus. Éclairage sur les éléments factuels pour mieux appréhender le sujet.

« Je suis étonné que ces grands professionnels de l’information – Rodolphe Belmer et Thomas Rabe – mettent la charrue avant les bœufs ». La formule est désarmante. Le fond du propos ne l’est pas moins. Le 29 avril, Benoit Cœuré était l’invité de La Grande Interview de BFM Business. Trente mois après que TF1 et M6 aient dû y renoncer, Hedwige Chevrillon le questionnait sur la faisabilité, en 2025, d’un rapprochement entre les deux groupes, alors que Rodophe Belmer et Thomas Rabe en ont réaffirmé la pertinence dans de récentes déclarations publiques. Plutôt que d’aborder le fond, le Président de l’Autorité de la concurrence s’en est tenu à un pur propos juridique, déroulé sur un ton rogue, et quelque peu condescendant à l’égard des deux dirigeants : « Personne ne m’a saisi sur le sujet et je voudrais rappeler que pour que cette opération se fasse il faut changer la loi, parce qu’il y a un verrou de 5 ans. M6 ne peut pas être vendu dans les 5 ans après son autorisation ».

Dans les faits, le blocage vaut même plutôt, à ce jour, jusqu’en 2032 : après M6 en 2023, ce sont W9, Gulli et Paris Première qui ont été renouvelées en décembre 2024, et 6ter sera candidate pour l’être en 2027. Rendre de la plasticité au paysage audiovisuel français sans attendre 7 ans suppose donc effectivement que la règle posée à l’article 42-3 de la loi de 1986 soit abrogée, ou au moins assouplie, comme le propose la Proposition de loi Lafon dans son texte adopté à l’été 2023 par le Sénat.

Sans dériver sur le terrain politique ni se substituer aux Parlementaires, Benoit Cœuré pourrait verser au débat des éléments factuels permettant d’éclairer les débats de ces derniers. Crainte que cela conduise à une forme de mise en cause rétrospective des analyses conduites en 2021/2022 par les services de l’Autorité de la concurrence ? son président s’y refuse au micro de BFM Business, lâchant simplement, à propos des équilibres du marché que « ça change mais ça change lentement ».

Sans en avoir l’autorité institutionnelle, on peut s’essayer à quelques rappels utiles.

S’agissant d’abord du marché publicitaire dans son ensemble :

  • En 2021, les revenus de la publicité digitale pesaient déjà plus du double de ceux de la publicité TV (7,7 Mds€ vs 3,5 Mds€) et 30 % de plus que l’ensemble des médias qui financent l’information et la création (presse, radio, TV et cinéma, 6,0 Mds€) ;
  • Entre 2021 et 2024, les revenus des médias ont baissé : -15 M€ pour la télévision et -85 M€ pour l’ensemble presse, radio, TV et cinéma ; à l’inverse, le chiffre d’affaires de la publicité digitale a atteint 10,9 Mds€, soit plus de trois fois celui de la télévision, et 80 % de plus que l’ensemble des médias.

Si l’on centre l’analyse sur la vidéo, la publicité TV représentait en 2021 plus de 70 % d’un ensemble TV et vidéo numérique d’environ 5 Mds€. En 2024, le total dépassait 6,6 Mds€, mais, comme relevé plus haut, la télévision a perdu une quinzaine de millions, tandis que les acteurs du digital empochaient plus de 1,6 Md€ supplémentaires. A titre d’exemple, les revenus du seul YouTube sont estimés à plus 600 M€.

En avril 2025, finalement, une étude de NPA Conseil a estimé la part du chiffre d’affaires effectif des leaders mondiaux du digital (Google, YouTube, TikTok, Facebook, Instagram, Snap, Linkedin…) en prenant en compte les campagnes réalisées en France, mais facturées par des filiales situées hors de l’hexagone.   

Pour 2023, cette étude conduit à évaluer le chiffre d’affaires réel de la publicité digitale à plus de 13 Mds€, et même à près de 15 Mds€ en 2024. Soit, 2,5 fois plus que l’ensemble des médias d’information et de création.

Face à de tels chiffres, la charrue et les bœufs de Benoit Coeuré montrent que myopie et mauvaise fois peuvent aller de pair. Jusqu’aux premières semaines de 2023, et au renouvellement des autorisations de M6 et TF1, aucune disposition légale ne s’opposait au rapprochement des deux chaînes, et de leurs groupes respectifs.

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