16 avril 2025

Temps de lecture : 3 min

Nouvelles relations aux médias : entre désordre et confusion

Le monde des médias ne manque pas d’observateurs. Baromètre, études, analyses, enquêtes prennent régulièrement le pouls d’un secteur considéré, à raison, comme un indicateur clé de santé démocratique. Les chiffres révèlent un univers qui évolue dans un contexte pour le moins équivoque.

Bienvenue dans l’ère de la Médiamorphose 

Les médias se transforment, nos rapports à l’information aussi. À l’ère de la défiance et de la surconsommation frénétique, Médiamorphose s’ouvre pour explorer les nouvelles règles médiatiques à travers une série de plusieurs articles pour décrypter ces bouleversements et mieux comprendre leurs conséquences, et un événement organisé par INfluencia Media Event le 21 mai 2025 au George V à Paris. Un rendez-vous pour penser la métamorphose en cours.

En partenariat avec l’agence UM et MédiaFigaro

Le Digital News Report, publié annuellement par le Reuters Institute et activement commenté par la profession, examine à la loupe l’évolution de notre rapport à l’information et révèle l’érosion continue et dangereuse de notre confiance envers les médias. Un niveau de confiance évalué à 31% en France pour l’année 2024. Un chiffre particulièrement bas à l’échelle européenne confirmé par ceux du baromètre La Croix Verian La Poste, autre indicateur mesurant pour sa part chaque année ce niveau de confiance. En 2024, 62% des français jugent qu’« il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité ». De quoi être inquiets si ce même baromètre n’indiquait, dans le même temps, que 76% des français déclarent « suivre l’actualité avec grand intérêt ». Un chiffre ici aussi renforcé par un autre rapport, publié par la Direction des Etudes, de l’Economie et de la Prospective de l’Arcom sur les Français et l’information, qui annonce que 94% de nos compatriotes déclarent s’intéresser à l’information. Nous serions donc nombreux à consommer massivement une information venant de médias à qui nous faisons de moins en moins confiance. Tous ces indicateurs, pour le moins contradictoires, révèlent à quel point nos relations aux médias sont complexes. Pour Cyrille Frank, consultant et formateur media pour Mediaculture, « on a besoin de l’information pour se sociabiliser mais, dans le même temps, cette information devient de plus en plus pénible et difficile à appréhender. Il y a cette forme de paradoxe très claire dans notre rapport à l’information ». 

Public-médias : les vieilles rancœurs 

Ce constat révèle que les médias naviguent en équilibre périlleux entre estime et méfiance. Un désamour relatif, la défiance envers les médias étant sans doute aussi ancienne que la création de la presse elle-même. « Si la presse n’existait pas, il faudrait ne pas l’inventer » écrivait Balzac à l’aube de l’ère médiatique. Un paradoxe, ici aussi, puisque l’auteur utilisait les colonnes de « La Revue parisienne » pour passer ses idées. Les médias ont, dès le départ, été mal considérés tantôt pour leurs accointances avec la parole des élites et les sphères capitalistiques, tantôt pour leur propension aux faits-divers susceptibles d’attiser les instincts et d’abêtir les peuples. « Cela fait maintenant plus de deux siècles que les médias sont constamment mis en cause, régulièrement accusés de mal répercuter la réalité et de formater l’opinion publique » précise l’historien des médias Patrick Eveno. Les médias ont toujours été le symbole d’un pouvoir à combattre, quel qu’il soit. Preuve, au passage, de leur capacité d’influence sur l’opinion publique. Aujourd’hui encore, ce manque de confiance endémique repose sur ces supposées complicités. Rien de très nouveau sous le soleil, donc. Mais si la défiance demeure, le contexte, lui, a changé. 

Désordre et profusion

La situation des médias évolue aujourd’hui au cœur d’une économie de l’abondance dans un contexte de ressources attentionnelles qui, elles, se révèlent limitées. Nous utilisons désormais en moyenne 8,3 canaux différents pour nous informer, dont 3,2 quotidiennement rappelle une enquête menée en 2022 par la Fondation Jean-Jaurès, Arte et L’ObSoCo. Si cette pluralité des sources et des canaux aujourd’hui à notre disposition est à considérer plutôt comme un atout de salubrité médiatique et de pluralité des opinions, elle peut aussi s’avérer être un écueil. D’abord en matière de capacité à naviguer dans cette offre désormais pléthorique. « L’information est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie mais, paradoxalement, la multiplication des sources d’information rend toujours plus complexe notre choix de citoyen éclairé » précise une autre enquête menée plus récemment par ces mêmes trois acteurs. Ensuite parce que cette profusion s’accompagne d’une disparition progressive des gatekeepers, « ces « gardiens » que sont les journalistes, les producteurs et les éditeurs [qui] choisissaient, à l’époque des médias de masse, les contenus qui méritaient d’être portés à la connaissance du citoyen » selon la définition qu’en donne l’essayiste et chercheur Romain Badouard. Des filtres qui assurent à la fois le repérage et la déontologie nécessaire en matière de production de l’information. Dans un contexte de désordre et de profusion, la crainte est donc de ne plus parvenir à s’orienter dans un univers qui ressemble plus à un bac à sable où se façonne l’information qu’à un espace véritablement structuré. D’autant plus que cette massification de l’information s’accompagne désormais d’un sentiment de « fatigue informationnelle » éprouvé par 82% de la population, comme le souligne le baromètre 2024 La Croix Verian La Poste. Défiance, perte de repères et trop plein précarisent donc une relation déjà fortement dégradée avec les médias. Une rupture dont ils sont à la fois la cause et la conséquence et qui marque un changement d’époque.

Prochain épisode : Les médias, marqueurs de génération ?

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