Saga Michelin : c’est l’histoire d’un bonhomme en pneu… depuis plus d’un siècle

Le culot parfois à du bon… Lorsque André et Edouard Michelin ont fondé leur entreprise éponyme en 1889, les deux frères ont vite compris qu’ils allaient devoir faire de la publicité pour faire connaître leur marque au grand public. Deux ans après la création de leur société, les entrepreneurs ont décidé de se lancer dans le sponsoring sportif. Pour mettre en avant la commercialisation du tout premier pneu démontable, ils choisissent de soutenir Charles Terront, qui est souvent considéré comme la première star française du cyclisme. Avant même la fin du tout premier Paris-Brest, les frères Michelin prennent le pari de faire imprimer des prospectus vantant la victoire de leur champion. Après 71 heures d’effort et 1200 kilomètres derrière son guidon, Charles Terront franchit finalement en tête la ligne d’arrivée sur les Champs-Elysées et les nombreux spectateurs se voient distribuer des publicités pour le fabricant de pneu. Pari gagné.

En 1898, le groupe clermontois lance sa première campagne d’affichage avec son tout nouveau bibendum. Son slogan, « Nunc est bibendum » (« C’est maintenant qu’il faut boire »), qui est tiré d’un vers d’Horace, veut montrer que « le pneu Michelin boit l’obstacle ». Pas sûr aujourd’hui qu’une telle expression puisse être utilisée pour vanter un produit lié à la conduite. Autre temps… 

Pour accompagner cette campagne, l’entreprise expose deux énormes bibendums sur son stand lors du tout premier salon de l’automobile qui s’est tenu en 1898 aux Tuileries à Paris. L’histoire de ce personnage est peu commune. 

« C’est en visitant une exposition à Lyon que les deux frères Michelin ont vu deux piles de pneus, rappelle Marie-Claire Denain Frackowiak, la responsable des collections historiques au département Patrimoine du groupe. Edouard, qui avait fait les Beaux-Arts, s’est dit qu’il pourrait en faire un bonhomme en lui ajoutant des bras et des jambes. » Et voilà comment une idée peut donner naissance à un symbole qui a été élu icône du millénaire par l’Advertising Week de New York en 2018 et meilleur logo du monde par le Financial Times en 2000.

La seconde campagne publicitaire emblématique de la marque date de 1924. Pendant les Jeux olympiques qui se tenaient à Paris, Michelin fait venir sur la Place de la Concorde un camion équipé de ses pneus rempli de… cochons. Un employé libère alors les pauvres animaux sur les pavés. La presse avait été prévenue à l’avance pour couvrir « l’événement ». Sur une affiche, le groupe expliquait que ces cochons étaient mieux traités que les parisiens qui devaient circuler à bord d’autobus sur bandages pleins. Cette campagne cherchait à faire pression sur l’ancêtre de la RATP pour qu’il équipe ses véhicules de pneus, ce qu’il fera deux ans plus tard…

En 1946, Michelin lance le pneu radial qui représente une véritable révolution dans ce secteur. Pendant les vingt années suivantes, le groupe communiquera beaucoup sur cette innovation qui permet de réduire la consommation en carburant des voitures et d’améliorer leur tenue de route. Des contenus sont mêmes publiés autour des marques automobiles les plus populaires du moment comme Renault, Simca, Peugeot, Citroën ou Panhard. Dans la presse, sur ses prospectus et ses affiches, le bibendum est toujours mis en avant.

En 1971, l’Etat permet enfin aux fabricants de pneumatiques de faire de la publicité à la télévision. Leur « quota » de diffusion ne doit toutefois pas dépasser neuf minutes par… an. Le groupe produit alors douze spots de trente secondes chacun qui montrent une famille sur la route. Le papa est joué par Daniel Prévost. Les premiers films, qui passent sur les deux uniques chaînes du « Paf », sont en noir et blanc. La couleur arrivera en 1972. Ces films sont accompagnés par une campagne dans la presse et à la radio et sur près de 2000 abribus. 

En 1978, le monde est plongé dans la guerre froide et sur un dessin animé, le Bibendum prend la parole durant une séance plénière de l’ONU et clame « Pneu, la France assure la sécurité dans le monde ». Depuis sa création, Michelin crée toutes ses publicités en interne. Elle commencera seulement à faire appel à des agences à partir des années 80 et particulièrement en 1986 lorsque BDDP imagine une affiche à la « Andy Warhol » sur laquelle le Bibendum en voit de toutes les couleurs.

Le lancement en 1994 de Michelin Energy qui permet de réduire sa consommation de carburant et ses émissions de CO2 est soutenu par une campagne publicitaire importante notamment à la télévision. « Dans le spot, le pneu suit une route qui retrace les traits du Bibendum, remarque Marie-Claire Denain Frackowiak. La boucle était ainsi bouclée. »

Durant les années 2010, les campagnes montrent le Bibendum en 3D qui vante les performances des produits de la marque. 

« En 2010, notre agence a eu l’idée de prendre le contrepied de tout ce que nous faisions en décidant d’attirer le regard sur la chose qu’on ne voit pas sur les véhicules : leurs pneus, assure Christiane Zelus, la responsable du management des marques chez Michelin. Nos pneus étaients montrés tout blanc, comme à leur origine, et équipaient divers moyens de transport comme les camions, les métros ou les motos. Nos messages étaient centrés autour de l’innovation car nous souhaitions montrer que notre expertise nous permettait d’aller dans des domaines d’activités très différents comme les prothèses médicales ou les véhicules lunaires. »

Cette campagne mondiale, sur laquelle le Bibendum apparaît en signature, est déployée à 90% à la télévision et sur le net (Michelin compte pas moins de 190 comptes sur les réseaux sociaux dans 42 pays !). Chaque année, la marque diffuse ses spots en deux vagues principales, au printemps et à l’automne. Depuis 2018, le groupe travaille avec BETC. Sa stratégie publicitaire actuelle est programmée pour durer jusqu’en 2030. C’est l’histoire d’un bonhomme en pneu…