14 octobre 2009

Temps de lecture : 2 min

6 milliards de fois 24 heures

L'autre jour, dans le métro, je ne me suis plus sentie noyée dans le déferlement d'une marée d'anonymes robotiques. J'ai vu cent visages différents, cent façons de s'habiller, de se tenir, de regarder ses pieds, de passer le temps. Nous étions chacun, individuellement, en route vers une journée qui serait la nôtre....

L’autre jour, dans le métro, je ne me suis plus sentie noyée dans le déferlement d’une marée d’anonymes robotiques. J’ai vu cent visages différents, cent façons de s’habiller, de se tenir, de regarder ses pieds, de passer le temps. Nous étions chacun, individuellement, en route vers une journée qui serait la nôtre.

Une journée bien à nous, que nous allions créer seconde après seconde, avec notre manière particulière de nous installer à notre bureau, de poser nos mots dans les conversations, de vagabonder, choisir notre déjeuner, être sensible à ce qui nous entoure.
Nous allions chacun inventer nos 24 heures. A l’échelle de la planète, ça fait 6 milliards de fois 24 heures créées dans une seule journée. Le réaliser donne une densité absolument vertigineuse à la vie. Et du même coup, une relecture enthousiasmante de ce que sont les sites de posts comme Facebook ou Twitter. A quoi ça sert Facebook ? A quoi ça sert Twitter ? Qu’est-ce qui nous conduit, de plus en plus nombreux, à déposer ces petites phrases pour dire une trouvaille sur YouTube, une pensée fulgurante, et plus souvent, une annotation de ce que nous faisons là tout de suite, dans son prosaïsme le plus abyssal ? Serions-nous revenus à l’âge tendre du journal intime, voire en phase anale, à exhiber nos productions ? Est-ce seulement ça ? Et plus encore, qu’est-ce qui nous conduit à lire, like et commenter les petites phrases des autres, même de ceux qu’on ne connaît pas si bien, voire pas du tout ? Pourquoi ces détours par les réseaux sociaux sont-ils désormais totalement intégrés à nos routines quotidiennes ? Aujourd’hui je me dis que la première chose que ces sites nous apportent, c’est de nous rendre compte de la densité de la vie, en rendant compte.Au lieu de garder pour nous tous les micro-faits qui ont créé nos 24 heures, nous les marquons dans un espace collectif, ouvert, et chronométré.Pour que les autres les prennent. Par exemple, quand je poste sur Facebook « Anne Dimier-Vallet fait de la compote », je n’espère pas déclencher un débat interplanétaire, une vague de hourra, ni même éveiller votre intérêt. Alors pourquoi le faire, si ce n’est, grâce aux automatismes du site (mon prénom et mon nom toujours en tête de phrase, et le chronomètre « il y a xx minutes »), marquer définitivement que j’ai existé à cette seconde précise, que j’en ai fait quelque chose (de la compote, en l’occurrence), et que je vous l’offre, dans la conscience que vous-mêmes, à cette seconde-là, vous faisiez bien autre chose. Et si l’un d’entre vous « like this» ou « unlike this», qu’aurez-vous manifesté, sinon l’appropriation de ce que j’ai créé dans cette seconde, qui vient s’ajouter à ce que vous en avez fait vous-mêmes ?Ainsi, nous avons chacun nos 24 heures. Et en prime, en cadeau bonus, des milliers de façons d’avoir eu les mêmes 24 heures, offertes par nos amis d’amis d’amis. Personne ne peut rallonger le temps. Mais collectivement, nous le nourrissons encore plus. 6 milliards de créations de la même seconde, des mêmes 24 heures. On pourrait se dire qu’on vit dans une époque folle, désincarnée, qui élabore sa réalité à grands coups de virtualité. On pourrait se dire aussi que la puissance du digital est de mettre encore plus de réalité dans la vie.  Avec ces sites, nous créons perpétuellement des satori collectifs, dans un éveil universel de la multiplicité de l’instant.

Anne Dimier-Vallet, Directrice du planning Publicis Dialog

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