Longtemps confinée à la sphère privée, voire passée sous silence, la santé mentale s’est imposée ces dernières années comme un sujet d’intérêt public majeur.
Qu’il s’agisse d’anxiété, de dépression, de burn-out ou de troubles plus sévères, la question n’est plus uniquement médicale : elle concerne désormais le travail, l’école, la famille, les réseaux sociaux et le débat politique.
Cette évolution interroge : assistons-nous à une aggravation réelle des troubles psychiques, ou simplement à une meilleure capacité collective à les reconnaître et à les nommer ?
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une personne sur huit dans le monde vivait en 2019 avec un trouble mental, soit près de 970 millions d’individus. Ces chiffres, déjà élevés, ont été amplifiés par la pandémie de Covid-19. Les périodes de confinement, l’isolement social et l’incertitude économique ont entraîné une hausse de 25% de la prévalence mondiale de l’anxiété et de la dépression, selon l’a structure onusienne.
La crise sanitaire a accéléré la remise en question de la valeur travail : 66% des salariés reconnaissent aujourd’hui s’interroger davantage sur le sens de leur activité professionnelle, si l’on en croît une enquête d’Harris Interactive.
Une autre étude datant publiée en mars 2025 et réalisée par Ipsos pour l’assureur Axa auprès de 17.000 adultes dans 16 pays européens, américains et asiatiques montre que 32% des sondés affirment éprouver actuellement des problèmes de santé mentale (dépression, anxiété, trouble alimentaire, addiction…), une proportion stable par rapport à 2023.
Aux deux extrêmes, se trouvent le Japon avec 19% et la Turquie avec 44%, le taux pour la France étant de 28%. Au sein de la population active dans ces 16 pays, le taux est similaire (33%) mais les jeunes âgés de 18-24 ans semblent particulièrement touchés (47%).
En France, le constat est similaire. Le baromètre Santé mentale de Santé Publique France a montré une augmentation significative des états anxieux et dépressifs depuis 2020. Les jeunes adultes apparaissent particulièrement touchés : près d’un étudiant sur trois a présenté des symptômes dépressifs lors de la crise sanitaire.
Cette tendance peut être interprétée comme une aggravation objective de la situation, notamment en raison de la précarité grandissante, des incertitudes économiques et du poids des réseaux sociaux dans la construction identitaire.
Stromae, Simon Biles… des personnalités s’expriment enfin
Cependant, réduire ce phénomène à une seule détérioration serait réducteur. La santé mentale bénéficie aujourd’hui d’une visibilité sans précédent. De plus en plus de personnalités publiques, artistes, athlètes, et influenceurs n’hésitent plus à témoigner de leur vulnérabilité psychique.
À l’image de la gymnaste Simone Biles ou du chanteur Stromae, leurs prises de parole contribuent à légitimer des réalités longtemps stigmatisées. Ce mouvement d’ouverture participe à une forme de « détabouisation ».
Les campagnes nationales de sensibilisation, l’essor de la psychologie en ligne et la multiplication des ressources d’écoute (telles que le 3114 en France pour la prévention du suicide) constituent des avancées majeures.
Explosion des troubles ou plus grande visibilité ?
Cette meilleure visibilité peut donner l’impression d’une explosion des troubles. Mais elle traduit aussi une plus grande capacité à les reconnaître, là où ils pouvaient auparavant rester invisibles ou être minimisés.
De nombreux chercheurs soulignent que la souffrance psychique a toujours existé : ce qui change aujourd’hui, c’est le regard social. Parler de sa vulnérabilité n’est plus perçu uniquement comme un signe de faiblesse, mais comme un acte de lucidité et de responsabilité.
Une grande inégalité d’accès aux soins
Pour autant, la levée du tabou ne résout pas tout. L’accès aux soins demeure inégal : délais d’attente de plusieurs mois pour un psychiatre, coût élevé des consultations psychologiques malgré l’extension des dispositifs de remboursement, manque de moyens dans les services hospitaliers.
L’accès aux soins hospitaliers, notamment en psychiatrie, sont très inégalement répartis sur le territoire. Les zones rurales sont particulièrement mal servies sur ce plan, comme le montre cette carte :
La reconnaissance du problème est une étape, mais elle doit s’accompagner d’investissements structurels. Là réside sans doute le défi majeur des années à venir : transformer la prise de conscience collective en politique publique durable.
En définitive, la santé mentale est à la fois une réalité aggravée et un sujet mieux nommé. La souffrance psychique augmente dans une société en mutation rapide, mais les individus disposent aujourd’hui de plus de ressources pour l’exprimer et solliciter de l’aide. La fin du tabou ne suffit pas. Elle constitue néanmoins un progrès essentiel pour construire une culture du soin, de l’écoute et de la solidarité.
Votre avis ? Notre santé mentale se dégrade-t-elle ou nos soucis sont-ils juste plus visibles ? Avez-vous connu vous-même la dépression, un burn-out ?
Vos témoignages nous intéressent dans le cadre d’un futur article.