L’ARPP et France Pub chiffrent à 519 millions d’euros le marché français de l’influence en 2024
Ce chiffre provient de leur étude conjointe qui quantifie pour la première fois les investissements nets des annonceurs en marketing d’influence. Il en ressort un marché en forte croissance mais encore en structuration, avec des pratiques qui se professionnalisent et des annonceurs partagés sur la facilité d’utilisation de ce levier.
D’entrée de jeu, l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) et France Pub insistent sur l’intérêt de cette étude inédite (2022-2024) présentée mardi 13 mai 2025. « On a bien vu que partaient plein de chiffres dans tous les sens », rappelle Stéphane Martin, directeur général de l’ARPP, en référence aux estimations jusqu’ici éparses du secteur. Face à la montée en puissance du phénomène influenceur et aux interrogations législatives en 2023 (loi encadrant les influenceurs), l’autorégulation publicitaire a voulu “fixer” des références fiables. France Pub, spécialiste du marché publicitaire, a ainsi isolé le marketing d’influence pour l’intégrer à son Baromètre Unifié du Marché Publicitaire.
« Il a fallu trois ans pour spécifier cet univers, cadrer les acteurs et les budgets, afin de pouvoir présenter aujourd’hui la valorisation de ce marché », explique Xavier Guillon, directeur général de France Pub. Le périmètre étudié distingue 10 000 annonceurs nationaux (marques à échelle nationale ou internationale) et environ 620 000 annonceurs locaux (entreprises communiquant uniquement localement). L’étude mesure leurs dépenses « nettes » en influence (hors frais internes), c’est-à-dire ce que paient réellement les entreprises pour ces collaborations.
Les dépenses des annonceurs dans l’influence ont progressé de +60 % en deux ans.
Une progression nette des investissements
Les résultats chiffrés confirment une explosion des investissements. « En 2024, les investissements nets pour le marketing d’influence ont atteint 519 millions d’euros », annonce Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’ARPP. Ce montant a fortement augmenté par rapport à 2023 (460 M€) et 2022 (323 M€). Autrement dit, les dépenses des annonceurs dans l’influence ont progressé de +60 % en deux ans. La croissance de ce segment est bien plus rapide que celle du marché publicitaire global (+3,7 % entre 2022 et 2023, +5 % entre 2023 et 2024).
Le marketing d’influence, « c’est un levier qui a pris sa place »
Certes, le marketing d’influence ne représente encore qu’environ 1 % du total des investissements en communication en France, mais « c’est un levier qui a pris sa place », souligne Stéphane Martin. D’après lui, ces 519 M€ sont « répartis entre une foule de créateurs de contenu », chaque annonceur consacrant encore des budgets mesurés à ce canal. En effet, la majorité des marques investissent quelques dizaines de milliers d’euros par an dans l’influence, et près de la moitié des petits annonceurs locaux y allouent moins de 1 000 €. Conséquence : « l’immensité des créateurs de contenu ne vit pas de la collaboration commerciale », rappelle Stéphane Martin – seuls une poignée d’influenceurs stars capte les gros contrats, tandis que la plupart n’en tirent qu’un revenu d’appoint.
2 000 annonceurs nationaux en 2024 (soit 20 % des 10 000 annonceurs nationaux) ont mené des campagnes d’influence
Un recours en hausse, mais encore modeste
Le nombre d’annonceurs ayant recours à l’influence a lui aussi augmenté, avant de plafonner en 2024. Côté annonceurs nationaux, ils sont 2 000 en 2024 (soit 20 % des 10 000 annonceurs nationaux) à avoir mené des campagnes d’influence, contre 1 500 en 2022 (15 %). « On constate que la part des annonceurs qui ont eu recours au marketing d’influence est en croissance – 15 % en 2022, 20 % en 2024 », observe Mohamed Mansouri. Ce taux grimpe même à 28 % parmi les annonceurs nationaux investissant plus de 150 000 € dans le digital, signe que les grands budgets intègrent davantage l’influence (même si, à titre de comparaison, 78 % de ces gros annonceurs pratiquent le community management, un levier plus mature).
Du côté des annonceurs locaux, plus dispersés, 5 % d’entre eux ont tenté le marketing d’influence en 2024 (environ 31 000 entreprises) contre 3 % en 2022 (17 850). « Ce qui est loin d’être négligeable », commente Mohamed Mansouri, étant donné la masse de petits commerces et TPE concernée. Là aussi, la pratique est plus répandue chez les acteurs aux budgets communication importants : parmi les annonceurs locaux qui consacrent plus de 20 000 € aux médias numériques, 12 % utilisent l’influence.
42% des annonceurs nationaux dépensent entre 10 000 et 50 000 € par an en marketing d’influence
Des budgets encore modestes, mais qui progressent
Les budgets consacrés à l’influence restent majoritairement modestes, mais une nette progression des budgets intermédiaires est observée. En 2024, 42 % des annonceurs nationaux dépensent entre 10 000 et 50 000 € par an en marketing d’influence, alors qu’ils n’étaient que 10 % à investir autant en 2022. Cette tranche « médiane » de budget a quadruplé en deux ans, supplantant la catégorie des tout petits budgets : la part des annonceurs nationaux ne dépensant moins de 10 000 € est passée de 62 % en 2022 à 48 % en 2024. À l’autre extrémité, seuls 3 % des annonceurs nationaux ont investi plus de 50 000 € en 2024 – un chiffre à peine en hausse (ils étaient 2 % en 2022).
« Les plus gros investissements, au-delà de 50 000 €, ne concernent que 3 % des annonceurs », insiste Mohamed Mansouri. Il en déduit que les gros budgets d’influence sont captés par « une petite poignée de gros influenceurs », là où la majorité des créateurs touchent des montants bien plus faibles. Un constat cohérent avec d’autres études du secteur confirmant que très peu de créateurs vivent exclusivement de ces collaborations, la plupart n’en tirant qu’un complément (en moyenne, seulement ~6 % des publications des influenceurs sont sponsorisées).
Toute collaboration, même non monétaire, relève de l’« influence commerciale »
De nouveaux modes de rémunération et d’intermédiation
Cette montée en puissance s’accompagne d’une évolution des modes de rémunération et de collaboration. Sur 2022-2024, les annonceurs nationaux sont de plus en plus enclins à payer les influenceurs en numéraire. La part de ces marques qui rémunèrent financièrement leurs partenaires a plus que doublé – de 33 % en 2022 à 68 % en 2024. Parallèlement, le recours au simple envoi de cadeaux ou produits gratuits a reculé (de 57 % des annonceurs nationaux en 2022 à 35 % en 2024). « On observe beaucoup plus de paiements en argent et moins de dotations produits à l’échelle nationale », résume Mohamed Mansouri.
En local, en revanche, les pratiques restent partagées : 47 % des petites entreprises ayant fait de l’influence en 2024 ont rémunéré l’influenceur, et 47 % l’ont dédommagé via des produits, services offerts ou invitations. Autrement dit, au niveau local la “contrepartie” financière n’est pas encore dominante – logique pour de très petites structures au budget limité. Monsieur Mansouri souligne d’ailleurs que la loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs rappelle qu’un avantage en nature (produit, service, invitation) constitue une rémunération au même titre qu’un paiement. En conséquence, toute collaboration, même non monétaire, relève de l’« influence commerciale » et suppose que l’influenceur respecte les obligations légales (transparence du partenariat, etc.).
68 % des annonceurs (nationaux) actifs en influence sont passés par une agence spécialisée ou un intermédiaire pour orchestrer leurs campagnes
En parallèle, les modalités d’intermédiation entre marques et influenceurs se professionnalisent à vive allure. En 2024, 68 % des annonceurs (nationaux) actifs en influence sont passés par une agence spécialisée ou un intermédiaire pour orchestrer leurs campagnes. Ils n’étaient que 37 % à le faire en 2022. « Forte progression du recours à des agences et agents… Donc, sans doute, une meilleure structuration [du marché] », analyse Mohamed Mansouri, qui y voit un signe de maturité de l’écosystème. Les plateformes dédiées au marketing d’influence sont d’ailleurs comptabilisées dans ces intermédiaires professionnels. À l’inverse, les démarches en direct reculent : en 2024, seuls 18 % des annonceurs ont été démarchés directement par un influenceur pour une collaboration, un niveau plus faible qu’en 2023.
De même, les partenariats noués de façon informelle (par connaissance personnelle de l’influenceur) deviennent moins fréquents : « on est à 33 % des annonceurs qui ont eu recours à un influenceur parce qu’ils le connaissaient, contre 50 % en 2023 » note Mansouri. Le réflexe “ami” tend donc à s’estomper au profit de canaux plus structurés. Concrètement, la majorité des annonceurs font maintenant appel à des agences ou plateformes pour trouver et gérer leurs influenceurs – près de 1 360 annonceurs en 2024, contre 550 deux ans plus tôt. Cette évolution va de pair avec la professionnalisation du secteur et l’apparition d’intermédiaires spécialisés, garantissant un meilleur cadrage des campagnes.
38 % des annonceurs nationaux estiment que le marketing d’influence est un canal intéressant « mais compliqué à mettre en œuvre ».
Un levier jugé utile, mais encore complexe à activer
Malgré ces progrès, les annonceurs portent un regard contrasté sur le marketing d’influence et son intégration future dans leurs stratégies. Lorsqu’on leur demande s’ils envisagent de recourir à nouveau à l’influence à l’avenir, seuls 23 % des annonceurs nationaux jugent ce levier “indispensable” aujourd’hui. Une proportion plus importante (38 %) estime que c’est un canal intéressant « mais compliqué à mettre en œuvre ». « Des enjeux de simplification de la chaîne de valeur, sans doute des process et des contrats, subsistent », commente Mohamed Mansouri, soulignant la complexité opérationnelle que peut représenter une campagne d’influence. Contrairement à une publicité classique, « il y a une co-création avec le créateur de contenu – ce n’est pas un brief imposé avec un final cut validé par la marque », explique-t-il.
L’annonceur doit accepter de lâcher prise sur le message, l’influenceur tenant à conserver sa liberté de ton, ce qui peut déstabiliser les services marketing peu habitués à ce mode de communication. Du côté des annonceurs locaux, la perception est similaire : 26 % jugent le marketing d’influence efficace, mais 28 % le trouvent « intéressant mais compliqué » à déployer. Beaucoup de petites structures manquent de ressources ou de connaissances pour s’y lancer sereinement. Enfin, une fraction non négligeable d’annonceurs – tant nationaux que locaux – considèrent qu’ils peuvent se passer d’influence ou que son efficacité reste insuffisante, ce qui tempère l’enthousiasme général.
Le marketing d’influence en France « est un marché en forte croissance, en forte dynamique«
Conclusion : un marché jeune qui se structure rapidement
En conclusion, le marketing d’influence en France s’impose de plus en plus comme un outil à part entière des plans de communication, tout en restant un marché jeune qui se structure progressivement. « En résumé, c’est un marché en forte croissance, en forte dynamique », affirme Stéphane Martin. La collaboration ARPP–France Pub a permis d’établir un premier référentiel chiffré et « historique » sur trois ans. Celui-ci montre un essor rapide des investissements, accompagné d’une professionnalisation (agences, paiements monétaires) et d’une diffusion relativement large du levier (plus de 33 000 annonceurs l’ont utilisé en 2024, toutes catégories confondues).
Les intervenants anticipent une poursuite de cette dynamique en 2025, portée par la structuration du secteur. L’ARPP continuera d’accompagner ce mouvement via son Observatoire de l’influence responsable (prochaine édition annoncée à l’automne) et ses actions pédagogiques auprès des créateurs certifiés. Après cette première photographie du marché de l’influence, « on verra sur 2025 », glisse Stéphane Martin, laissant entendre que l’histoire ne fait que commencer pour l’influence marketing française.
Pour retrouver cette étude dans son intégralité, c’est juste par ici.