INfluencia : Catherine MacGregor est devenue directrice générale d’Engie en 2021, vous arrivez alors à la direction de la communication. Quel a été votre constat concernant la communication d’Engie et de ses missions ?
Dominique Wood-Benneteau : il y avait effectivement un travail de transformation, de recentrage du groupe Engie à entreprendre afin qu’il soit pleinement aligné avec ce qui est sa raison d’être maintenant depuis 2020, qui est l’accélération de la transition énergétique. Ce travail d’alignement des métiers du modèle d’Engie avec les grands enjeux de la transition énergétique avec notamment le développement et les investissements massifs dans les énergies renouvelables. Ce travail a porté ses fruits. Dès l’arrivée de Catherine MacGregor il nous a semblé pertinent d’informer les Français via une grande campagne de ce qu’Engie mettait en place pour avancer.
IN. : la question de la transition écologique est beaucoup débattue, c’est un sujet complexe, quelle a été votre démarche pour faire émerger Engie au sein de cette « ambiance » qu’est la nôtre aujourd’hui en France ?
D.W-B. : tout d’abord nous ne communiquons pas énormément, et bien évidemment la transition énergétique est un sujet complexe qui est au cœur de nombreux débats, débats de société, débats politiques, c’est dans cet contexte que s’inscrit cette communication. Nous avons tout d’abord demandé à l’institut CSA une étude pour comprendre la perception et la connaissance des citoyens européens des enjeux de la transition énergétique qu’ont les Européens. Des points très positifs ont émergé, 9 européens sur 10 veulent que la transition énergétique progresse, et savent ce que c’est. Un peu plus de 60% souhaitent qu’elle se poursuive.
IN. : mais…
D.W-B. : mais dans le même temps, l’étude met en lumière la fragilité du mouvement avec une toute petite moitié, 45 % des personnes interrogées, qui appellent à accélérer la transition énergétique, tout en ayant des doutes sur la capacité de l’Europe notamment, à atteindre ses objectifs de décarbonation à l’horizon 2050. Et pas seulement. Parmi ces 45%, ces personnes interrogées émettent des doutes et des craintes sur l’impact et les répercussions de la transition énergétique à la fois sur le pouvoir d’achat et la compétitivité. C’est donc tout ce travail de fond que nous avons conduit ces derniers mois qui nous a conduit à réfléchir à la meilleure manière de communiquer.
IN. : il y a tout de même des personnes sceptiques sur le rythme de cette transition, dites-vous ?
D.W-B. : oui, il y a l’émergence d’un doute sur le fait, non pas que la transition et la lutte contre le réchauffement climatique soit indispensable ou nécessaire, mais sur le fait qu’elle n’est peut-être pas aussi urgente… Une petite musique qu’on entend chaque fois plus au travers de débats entendus un peu partout. Et puis en parallèle ces derniers mois, nous avons vu émerger ce que l’on appelle le Green backlash (NDLR, courant politique puissant se constituant contre la transition écologique, aux confins du populisme). Nous avons donc eu envie d’y répondre en imaginant une campagne qui affirme notre vision positive de la transition énergétique, redire qu’elle est en marche, qu’elle est à notre portée. Et que nous avons déjà parcouru une grande partie du chemin.
IN. : les visuels de cette campagne dont plusieurs nouvelles affiches diffusées ces jours-ci, sont à la fois simples, démonstratifs et poétiques. Un combo gagnant ?
D.W-B. : le chemin, et c’est vraiment tout ce principe de la campagne, qui montre que nous savons comment mettre en œuvre cette transition, s’adresse au très grand public.
IN. : c’est une campagne très sobre aussi… Pas de manifesto, d’éoliennes, et de grands discours…
D.W-B. : elle est à la fois simple et pédagogique, parce que cela rejoint ce que je disais tout à l’heure, nous avons voulu mettre en lumière tout ce que le groupe a déjà accompli et tout le trajet, le chemin qui reste à parcourir par rapport aux objectifs qu’on s’est fixés pour 2030. C’est donc en toute transparence, que le curseur qui traverse ces visuels montre le plus simplement précisément où nous en sommes. L’un des visuels montre simplement qu’Engie s’est engagé à développer 80 gigawatts de capacités d’énergies renouvelables. Nous avons déjà fait plus de la moitié. Voilà où on en est bien sûr. Voilà ce qui nous reste à parcourir.
IN. : avez-vous d’emblée volontairement écarté l’idée de communiquer d’une manière ronflante…
D.W-B. : oui, justement, il nous a semblé essentiel de ne pas montrer des installations, des infrastructures, des outils de production. Montrer des panneaux solaires, des éoliennes aurait brouillé notre message. Concrètement, l’objectif n’est pas de savoir à partir de quel outil de production, on va fabriquer cette énergie renouvelable. Mais plutôt de redire que finalement cette dernière s’inscrit dans notre vie de tous les jours dans nos paysages, dans nos villes. Et donc nous nous sommes volontairement décalés et éloignés de nos infrastructures et nos installations… Pour surprendre aussi le public, le faire réfléchir, et l’interpeller avec une forme de poésie, d’humanité, de volonté d’être à taille humaine dans notre message, je dirais.
IN. : cette campagne se déploie de manière puissante. Pouvez-vous nous rappeler son étendue exacte ?
D.W-B. : elle s’adresse à la fois au grand public et aux leaders d’opinion, donc elle est présente en presse news magazine, en affichage dans le métro parisien, dans les aéroports, dans les gares TGV, en presse, en digital sur les réseaux sociaux.
IN. : est-elle vouée à durer ?
D.W-B. : une prochaine vague de visuels toujours dans le même esprit abordera d’autres objectifs par métiers. Les premiers thèmes, concernaient l’augmentation de la part des renouvelables, l’accélération de notre trajectoire en matière de décarbonation. Celui des réseaux de chaleur provenant de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire, toujours pour le grand public, est destiné plus particulièrement à la presse dès la semaine prochaine. Et oui, cette campagne a vocation à vivre dans le temps avec l’idée de mettre à jour régulièrement, de réajuster nos résultats.
IN. : quid du gaz vert qui n’est pas très « médiatisé », si ce n’est par GrDF tout récemment, et sur un tout autre ton, disons ?
D.W-B. : le premier point sur le gaz vert, et des études que l’on a menées en Europe le montrent, c’est que les gens ne savent pas très bien de quoi il s’agit, et comment cela fonctionne d’où cette campagne GrDF que vous avez citée, dont l’objectif est justement de rendre le terme plus populaire, de faire connaître ses avantages, de son absolue nécessité dans le futur. Car c’est une conviction absolue chez Engie : nous aurons besoin durablement de gaz vert donc il est essentiel de décarboner ces gaz parce qu’il y a certains usages qu’on ne pourra pas résoudre y compris économiquement, avec l’électricité, notamment dans l’industrie, dans la mobilité lourde. Donc oui, il est essentiel de décarboner ces gaz afin qu’ils deviennent verts. La France est d’ailleurs plutôt assez en avance par rapport à d’autres pays d’Europe, cela reste encore une faible partie de la consommation en France mais cela se développe enfin assez rapidement, même si les dispositifs ne sont pas du tout au même stade de développement que les électriques, l’énergie solaire éolienne.
IN. : vous dites que vous allez donc continuer sur cette lancée, d’information directe humble sur le travail finalement qui est accompli…
D.W-B. : il y aura toujours besoin d’expliquer que nous sommes en train de progresser sur cette transition énergétique, qu’elle est possible, qu’elle est à notre portée et qu’elle est en train de se réaliser… C’est un mouvement qui est à la fois extrêmement complexe, comme je le disais tout à l’heure, qui touche tout le monde, on comprend bien le rôle majeur que va jouer la décarbonation d’énergie dans la lutte contre le réchauffement climatique, nous continuerons je pense de parler de ce que nous faisons, comme d’une preuve de notre engagement, de notre progression.
IN. : les dérèglements climatiques qui s’amplifient ont-ils un effet direct sur cet immense chantier que vous menez ?
D.W-B. : je pense que cela nous oblige à intégrer ces contraintes dans le plan de développement des projets mais cela ne les ralentit pas.
IN. : enfin, Publicis est l’agence du groupe depuis dix ans. À votre arrivée a-t-il été question de lancer un appel d’offres, comme cela se fait couramment ?
D.W-B. : la question ne s’est pas posée. Publicis est un partenaire depuis dix ans, travaille sur d’autres dossiers et vous savez, l’avantage quand vous travaillez dans la durée avec une agence, c’est qu’elle vous connaît bien, qu’elle connaît bien les enjeux. Du coup, l’expérience de notre agence, la qualité de notre relation et cette proximité ont beaucoup de valeur.
La 2ème phase de la campagne